Grâce à ses 37 représentations réparties dans 20 pays, le Québec est l’un des États fédérés les plus influents du monde. Cela lui permet d’attirer des investissements étrangers et de faire entendre sa voix lors de négociations importantes.

Depuis l’ouverture des premières délégations générales à New York (1940), Paris (1961) et Londres (1962) jusqu’à la création plus récente des bureaux de Bogota, en Colombie, et de Miami (2022), l’État québécois déploie un vaste réseau diplomatique. «Le développement économique du Québec en a toujours constitué la priorité, et depuis quelques années on sent que le gouvernement intensifie encore ses actions diplomatiques en ce sens», note Michel Audet, professeur associé à la Direction des relations et des partenariats internationaux de HEC Montréal.

Il est bien placé pour le savoir, puisqu’il a représenté le Québec au sein de l’UNESCO et de l’Organisation internationale de la Francophonie, avant de diriger le réseau des postes diplomatiques du Québec en tant que sous-ministre, puis d’agir comme délégué général du Québec à Bruxelles.

Les représentations du Québec à l’étranger ont pour rôle d'attirer des investissements étrangers, d'accompagner les entreprises québécoises exportatrices, de faire avancer les intérêts et de promouvoir la culture et l'identité du Québec, et d'accroître l'attractivité du Québec des travailleurs et des étudiants francophones et francotropes.

Dans certains cas, la diplomatie québécoise peut mener à des avancées majeures. Lorsqu’il représentait le Québec au sein de la Délégation permanente du Canada auprès de l’UNESCO de 2007 à 2011, Michel Audet a participé à des efforts concertés pour faire adopter le concept légal d’exception culturelle dans les accords commerciaux. Celui-ci permet de limiter le libre-échange de la culture afin de protéger notre industrie culturelle. Michel Audet rappelle aussi que Jean Charest a été l’instigateur de l’Accord économique et commercial global avec l’Europe.

Le leadership économique du Québec à l'international

Profiter des occasions d’affaires

Les représentations du Québec à l’étranger s’efforcent de mettre en œuvre le plan stratégique du ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF) et les différentes stratégies territoriales du gouvernement québécois. Le plan du MRIF vise à la fois à rendre le Québec plus attrayant sur les marchés mondiaux et plus influent sur la scène internationale.

«Nos deux grandes priorités consistent toujours à enrichir le Québec et à faire rayonner notre identité et notre culture dans le monde», explique la ministre des Relations internationales et de la Francophonie, Martine Biron.

Les échanges commerciaux du Québec totalisaient près de 250 milliards de dollars en 2022. Environ la moitié concernait les États-Unis, où il compte dix représentations, dont deux délégations générales (New York et Los Angeles).

«C’est un très gros partenaire pour nous, et nous continuons à y faire du développement, notamment dans des États où nous sommes moins présents, souligne la ministre. Cependant, nous souhaitons aussi diversifier nos marchés, et les bouleversements géopolitiques actuels nous offrent certaines occasions.»

Elle cite l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui fournissait plusieurs pays européens en pétrole et en gaz. Ces États recherchent de nouvelles sources d’approvisionnement en énergie, ce qui ouvre des perspectives pour les entreprises d’énergies renouvelables et de technologies propres du Québec. Le Québec compte six représentations sur le Vieux Continent, dont quatre délégations générales (Bruxelles, Paris, Londres, Munich).

Par ailleurs, la déstabilisation des chaînes d’approvisionnement mondiales en raison de la politique «zéro COVID» instaurée par la Chine jusqu’en décembre 2022 ainsi que les fortes tensions entre les gouvernements canadien et chinois militent en faveur d’une diversification des partenariats économiques du Québec en Asie.

«Les entreprises québécoises présentes en Chine depuis un bon moment continuent pour la plupart d’y faire des affaires, mais on y développe moins de nouveaux projets qu’avant, constate Martine Biron. La Chine demeure un partenaire significatif, mais c’est devenu important de regarder vers d’autres pays de la région.» Avec des échanges commerciaux évalués à près de 19 milliards de dollars en 2022, la Chine était le troisième partenaire commercial du Québec, derrière les États-Unis et l’Union européenne.

Les tensions entre la Chine et les États-Unis ont en outre amené ce dernier à adopter une loi pour diversifier les capacités de production de semi-conducteurs, afin de réduire sa dépendance envers la Chine. La zone d’innovation de semi-conducteurs à Bromont, où se trouve notamment IBM, pourrait en bénéficier. 

La géopolitique peut aussi parfois contrecarrer les plans du gouvernement. Martine Biron devait s’envoler vers Israël dans la semaine du 16 octobre pour y inaugurer le nouveau bureau du Québec à Tel-Aviv. Le violent conflit qui oppose Israël au Hamas depuis le 7 octobre 2023 a reporté le démarrage officiel de cette représentation.

«Ça fait longtemps que le Québec envisage d’ouvrir un bureau en Israël pour mieux couvrir le Moyen-Orient, où nous avons des partenaires commerciaux intéressants, comme la Turquie et les Émirats arabes unis, souligne Martine Biron. Les échanges commerciaux avec Israël ont augmenté de 25 % entre 2021 et 2022.»

Un effort collectif

Le réseau de représentation du Québec n’agit pas seul, notamment pour attirer des investissements étrangers ou pour accompagner nos entreprises sur des marchés extérieurs. Il travaille parfois avec le gouvernement canadien ainsi qu’avec plusieurs organisations québécoises comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, Montréal International, Québec International, la Fédération des chambres de commerce du Québec, etc.

En 2019, le gouvernement du Québec a créé Investissement Québec International (IQI) dans le but d’augmenter sa force de frappe sur les marchés mondiaux. Cette nouvelle division compte environ 170 salariés et collabore régulièrement avec les représentations internationales du MRIF. Son rôle consiste à attirer des investissements étrangers, à accroître les exportations québécoises et à contribuer au recrutement de la main-d’oeuvre.

«Nous souhaitons attirer des investissements étrangers dans des secteurs traditionnels comme l’aéronautique, les sciences de la vie ou les jeux vidéo, mais aussi dans de nouveaux domaines telles l’intelligence artificielle, la quantique, les technologies propres et, bien sûr, la filière batterie», explique Hubert Bolduc, président d’IQI.

Entre le 1er avril 2022 et le 31 mars 2023, le total des investissements étrangers au Québec a atteint 6 milliards de dollars, soit presque trois plus qu’en 2018-2019, juste avant la création d’IQI. Parmi les 125 projets recensés, on note entre autres la construction d’une usine de vaccins de Moderna à Laval et des investissements de 80 millions de dollars de Creaform, une filiale de l’américaine Ametek.

IQI est aussi très engagé dans le développement de la filière batterie. «Au Québec, en plus de posséder les minéraux critiques utilisés dans la fabrication de batteries, comme le lithium, nous produisons de l’énergie renouvelable et nous disposons de terrains et d’une main-d’œuvre très qualifiée», soutient Hubert Bolduc. Ces derniers mois, nous avons en outre appris l’arrivée en Montérégie de la start-up suédoise Northvolt et celle, à Granby, de la société coréenne Solutions énergétiques Volta.

IQI travaille également de concert avec une partie du réseau de représentation du Québec à l’étranger afin d’accélérer la diversification de nos marchés d’exportation. L’organisation affirme avoir accompagné près de 4000 entreprises et contribué à générer 3,1 milliards de ventes hors Québec en 2022-2023. 

La filière batterie est importante ici aussi. IQI a d’ailleurs augmenté ses effectifs dans plusieurs États très actifs dans ce domaine, comme la Corée du Sud, le Japon et Singapour. Mais ses ambitions ne se limitent pas à ce secteur. «Nous voulons accélérer la diversification de nos marchés d’exportation, par exemple en incitant les entreprises québécoises à mieux utiliser les accords de libre-échange, qui restent sous-employés», affirme Hubert Bolduc.

Les délégations québécoises à l’étranger jouent également un rôle politique pour aider le Québec à atteindre ses objectifs commerciaux, notamment en luttant contre les tendances protectionnistes. «Nous devons demeurer proches des lieux de décision mondiaux pour anticiper les tendances et tenter de les influencer», rappelle Martine Biron.