En 2023, l’innovation est à l’honneur dans les relations entre la France et le Québec. Une manière bien sentie de montrer que ce mariage diplomatique, riche de plus de 60 ans de collaboration, est résolument tourné vers la construction du monde de demain.

À partir des années 1960, le Québec établit un rapport particulier avec la France. La Délégation générale du Québec obtient un statut quasi-diplomatique dès sa fondation, en 1964. La conclusion des premières ententes bilatérales en éducation et en culture et la création de la Commission permanente de coopération franco-québécoise (CPCFQ) datent toutes de 1965.

«La CPCFQ demeure la plus importante coopération bilatérale du gouvernement du Québec avec un État étranger», précise Sophie B. Lemay, directrice de la Direction France au ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF). Cette commission assure la coordination générale de la coopération et la mise en œuvre des engagements gouvernementaux du Québec et de la France. Elle soutient une multitude de projets cofinancés par les deux États.

Depuis 1977, les premiers ministres des deux gouvernements partenaires se voient périodiquement lors des Rencontres alternées des premiers ministres (RAPM). «Le Québec et la France ont une relation directe et privilégiée de gouvernement à gouvernement, ce qui est assez rare entre un État fédéré et un État central, souligne Sophie B. Lemay. C’est un modèle de rapports stratégiques et structurants que nous aspirons à créer avec d’autres pays.»

Le nouveau consul général de France à Québec, Éric Lamouroux, est en poste depuis le 5 septembre 2023. «Bon nombre de Français sont venus visiter le Québec ou y étudier, y travailler ou même s’y marier, et quantité de Québécois ont effectué le chemin inverse, indique-t-il. Nous nous connaissons bien et depuis longtemps. Mais nos intérêts communs ne sont pas qu’historiques; ils sont aussi politiques et commerciaux.»

Les chiffres en témoignent. En 2022, la valeur des exportations du Québec vers l’Hexagone s’élevait à plus de 1,9 milliard de dollars, ce qui en faisait la troisième destination de nos produits et services. Quant aux importations françaises, elles atteignaient près de 3,5 milliards de dollars, le septième plus haut total cette année-là parmi les pays qui exportent au Québec. La France est aussi le deuxième investisseur étranger au Québec après les États-Unis.

Le leadership économique du Québec à l'international

Innover ensemble

En plus de la langue, le Québec et la France partagent, selon Éric Lamouroux, une vision commune de l’organisation de la société et du rôle des services publics. «Cela crée des possibilités de collaboration lorsque vient le temps d’innover pour affronter des défis comme la transition écologique ou le virage numérique», précise-t-il.

C’est justement l’innovation qui se retrouve au cœur de la relation France-Québec cette année. En février 2022, le premier ministre québécois, François Legault, et son homologue français, Jean Castex (remplacé depuis par Élisabeth Borne), avaient annoncé la tenue d’une année de l’innovation franco-québécoise en 2023. «L’idée avait été suggérée au départ en 2020 par Franck Riester, alors ministre français chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité», relate Éric Lamouroux.

L’Année de l’innovation franco-québécoise (AIFQ) a donc été lancée en bonne et due forme lors de la visite de la ministre québécoise des Relations internationales et de la Francophonie, Martine Biron, à Paris. Le ministre délégué français chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité et des Français de l’étranger, Olivier Becht, y était, en plus de nombreux acteurs économiques et institutionnels de la relation franco-québécoise.

Bâtir sur nos forces

«L’AIFQ vise à mettre en valeur l’expertise française et québécoise en matière d’innovation, à favoriser la création de partenariats et à renforcer ceux qui existent déjà», résume Sophie B. Lemay. Elle porte sur trois grandes thématiques : la transition écologique et l’environnement; l’économique numérique; l’innovation sociale et l’économie sociale et solidaire.

Plus précisément, sept secteurs d’innovation se trouvent au cœur de l’AIFQ : l’aérospatiale; l’agrochimie et l’agriculture; les énergies et le transport; les industries culturelles et créatives; l’intelligence artificielle (IA) et la cybersécurité; la quantique; les sciences de la vie et de la santé.

Pas moins de 97 événements auront marqué cette AIFQ, dont un peu plus de la moitié au Québec. Plutôt que de créer une foule d’événements à partir de zéro, les organisateurs ont développé un système pour en labelliser certains qui étaient déjà prévus, à condition qu’ils respectent une série de critères. En se trouvant regroupés sous le parapluie de l’AIFQ, ils obtiennent le droit de figurer sur la plateforme de l’AIFQ. Les promoteurs reçoivent en outre des outils de communication pour publiciser leur événement en France et au Québec.

Dans le cadre de l’AIFQ, les gouvernements mettent également de l’avant des mesures particulières, comme l’accompagnement de la mobilité transatlantique. Le MRIF dispose d’une enveloppe de 150 000$ qui lui a permis de soutenir 22 projets exigeant des déplacements. Conjointement avec le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec, le MRIF a aussi épaulé des projets innovants. Il a notamment consacré une autre somme de 150 000$ en guise d’appui pour trois événements phares de l’AIFQ en 2023 : Impulsion, tenu au Québec en mars, ainsi que le Symposium international de la création numérique ISAE et Viva Technology, présentés respectivement en France en mai et juin.

Poursuivre une longue tradition

Cet accent mis sur l’innovation ne peut que réjouir l’innovateur en chef du Québec, Luc Sirois, directeur général du Conseil de l’innovation. Pour lui, la France représente un partenaire naturel du Québec dans plusieurs secteurs scientifiques et technologiques. «Je vois plusieurs synergies possibles sur de nombreux fronts, comme la santé, l’intelligence artificielle, l’aéronautique et la transition écologique», constate-t-il.

Il donne l’exemple de l’entente signée entre le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS) et le Health Data Hub (HDH) de France, en juillet 2022, qui vise le renforcement conjoint de la valorisation des données de santé au service de la recherche. Il mentionne aussi Airbus, qui la même année a choisi Mirabel pour créer sa première zone consacrée au préassemblage de composants à l’extérieur de l’Europe. Après cette expansion, la superficie totale du site A220 d’Airbus à Mirabel atteint presque 130 000 m2 et l’entreprise emploie plus de 2500 personnes.

«Nous avons une longue tradition de collaborations “gagnant-gagnant” dans des secteurs de pointe, note Luc Sirois, comme ce que nous avons vu dans le secteur du jeu vidéo dans les années 1990 et 2000, puis dans celui de l’aéronautique. Plusieurs autres domaines regorgent de potentiel.»

Selon lui, le partage de la langue française crée aussi une communauté de destin, à certains égards, notamment en ce qui concerne les défis du virage numérique. Les gouvernements français et québécois ont par exemple collaboré étroitement sur la question de la découvrabilité des contenus culturels francophones sur Internet et s’intéressent maintenant à la découvrabilité des contenus scientifiques. Ils s’allient pour faire cheminer ces sujets dans les grands forums internationaux.

«Ces questions, tout comme celle de la place du français dans l’apprentissage des modèles d’IA, concernent toute la francophonie, souligne Luc Sirois. Au Québec, nous possédons une expertise de pointe dans le développement d’une IA responsable.»

De son côté, Éric Lamouroux croit que l’AIFQ avait atteint son objectif, du moins en partie, avant même sa conclusion, puisqu’elle a déjà permis des rapprochements et généré des ententes de collaboration. En mars 2023, par exemple, l’Agence française de l’innovation pour les transports, Propulsion Québec et InnovÉÉ ont profité de l’événement Impulsion pour signer une entente favorisant les échanges entre les écosystèmes universitaires et industriels des deux territoires.

«Pour que notre relation bilatérale continue de prospérer, nous avons besoin de la volonté politique, mais aussi du désir de nos citoyens de collaborer, soutient le consul général. Plus nous trouverons de Québécois et de Français qui souhaitent étudier, travailler, commercer et innover ensemble, plus la relation sera solide et riche.»