La confiance, c’est accepter de prendre le risque de se dévoiler, de se montrer vulnérable, jugeant l’autre compétent, intègre et bienveillant. Faire confiance, c’est accepter ce risque parce qu’on estime que le bénéfice est plus grand. Pourtant, certains préfèrent demeurer sur leurs gardes.

La question se pose : pourquoi est-on méfiant et pourquoi certaines personnes semblent, plus que d’autres, avoir tendance à la suspicion? «Faire confiance relève de notre style d’attachement. Il est l’un des premiers apprentissages qu’on fait», explique Estelle Morin, psychologue, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations (CREIO).

Les personnes qui font montre d’un style d’attachement sécurisant ont des attentes positives envers les autres, possèdent une bonne assurance et n’ont pas de difficulté à accorder leur confiance. De par leur mode de relation, surtout dans les situations conflictuelles, elles chercheront naturellement la meilleure solution possible. Un second style est l’attachement évitant : ces personnes ont confiance en elles-mêmes, mais difficilement aux autres. Elles ont appris à se fier d’abord et avant tout à elles-mêmes. Un troisième style, l’attachement ambivalent ou anxieux, se retrouve chez des personnes qui ont confiance en leur entourage dans une certaine mesure, mais peu de confiance en leurs propres capacités. Elles craignent d’être abandonnées et, pour cela, ont du mal à affirmer leurs besoins, de peur de compromettre la relation. Alors que les personnes qui ont un style d’attachement sécurisant collaborent volontiers avec les autres, celles au style évitant ou ambivalent seront plus naturellement méfiantes. Comment, donc, susciter la confiance auprès d’elles?

«À la base, ne pas les juger, les accepter comme elles sont. Les personnes au style d’attachement anxieux sont particulièrement sensibles aux autres et possèdent un don naturel pour sentir lorsqu’on les juge», lance Estelle Morin. Quant aux individus de style évitant, leur tempérament indépendant les pousse à rechercher les moyens de se développer par eux-mêmes. «Pour le reste, être authentique, intègre et bienveillant stimulera leur confiance. Mais il faut être patient!»

Être accueillant, sans jugement et prendre le temps, donc. Il faut aussi être attentif. Selon Estelle Morin, la première chose qui devrait nous alerter, c’est un comportement rigide. Signature de vulnérabilité, la rigidité est un mécanisme de défense qui nuit à la confiance. «Devant quelqu’un qui adopte une attitude défensive, voire d’opposition, c’est important de rester calme, sans jugement, afin de ne pas augmenter la tension. Et de prendre le temps d’écouter pour comprendre», soutient la psychologue.

Série Confiance

Insidieuse injustice

Au-delà de ces sensibilités individuelles, il y a aussi des perturbateurs à la confiance. Si une panoplie de comportements peut miner la confiance, la perception d’une injustice est une porte grande ouverte à la méfiance. Dans les organisations, que ce soit dans la manière dont on prend les décisions, celle dont on récompense les employés ou, de façon plus générale, dans la façon dont on se traite les uns les autres, l’injustice qui se faufile effrite peu à peu toute confiance possible.

«Les organisations sont des écosystèmes structurés de pratiques, de procédures, de politiques. Lorsqu’une organisation développe ou modifie ces pratiques sans considération des principes de justice, d’équité et d’honnêteté, les employés risquent de percevoir une faible intégrité de la part de leur organisation, heurtant ainsi la confiance qu’ils peuvent lui porter», souligne Ruchi Sinha, professeure agrégée à l’Organizational Behaviour de l’Université d’Australie du Sud, conférencière TED, spécialiste du comportement organisationnel particulièrement intéressée au phénomène de la confiance. De la même manière, quand une organisation a des comportements qui favorisent ses propres  intérêts au détriment de ceux de ses employés, ceux-ci s’inquiéteront du peu de bienveillance dont elle fait preuve et perdront confiance.

On en revient aux ingrédients de base de la confiance : compétence, intégrité, bienveillance. «On pourrait croire que c’est facile d’installer un climat de confiance, mais le sens commun n’est pas si commun! Ce qui est apparent est souvent ignoré et on ne prend pas toujours conscience que nos paroles et nos actions manquent de cohérence», estime Ruchi Sinha. «Pour insuffler la confiance dans nos organisations, nous avons besoin de symboles, d’artefacts, de rappels dans notre quotidien qui évoquent, encore et encore, l’importance de ces trois ingrédients. Malheureusement, les organisations mettent en évidence tout ce qui rappelle la performance et la productivité.»