Véritable liant social, la confiance contribuera au bon fonctionnement de l’entreprise en instaurant un climat harmonieux qui facilite la collaboration et la gestion de conflits. Comment l’inspirer? Concrètement, quel langage utiliser, quelle posture privilégier pour communiquer la confiance? Voici quelques pistes utiles.

Combien de fois par jour simulons-nous le bonheur, le parfait contrôle de notre vie? Eh bien! Prenez note que les «faux positifs» n’inspirent pas confiance. Nombre de leaders aiment se qualifier d’authentiques, mais l’être, c’est aussi dire quand ça ne va pas. «Il faut réhabiliter les émotions négatives», croit Estelle Morin, psychologue, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations (CREIO). «C’est grâce aux émotions négatives qu’on avance dans la vie! L’anxiété stimule la proactivité, la colère stimule le changement, pourvu qu’elles soient bien canalisées. C’est pour cette raison qu’on doit les reconnaître : les émotions non gérées risquent de dégénérer en comportements regrettables. Les émotions négatives nous renseignent sur ce qui se passe, ici et maintenant», insiste la psychologue.

Une fois les émotions reconnues en toute honnêteté, le travail de l’intelligence émotionnelle s’enclenche pour décider de la suite. «C’est ce que Susan David appelle le courage des émotions[1]», explique Estelle Morin. Comme elle le fait également remarquer, il ne faut pas une sensibilité démesurée pour ressentir l’anxiété d’une personne qui vous assure que tout va bien. Ainsi, au tout début de la pandémie de COVID-19, à coups d’arc-en-ciel, on nous disait que tout allait bien aller. «Mais il y avait tellement d’incertitudes! Et puis, il faut se le dire, il y a eu des moments où ça n’a pas bien été. C’est important de reconnaître les émotions négatives. Quelqu’un qui ne sait pas les affronter ne pourra pas, non plus, gérer les conflits, car il imaginera le pire. Et si on ne s’en occupe pas, alors oui, le pire va arriver! Prenons soin des émotions négatives avant qu’elles ne soient trop graves.»

Série Confiance

Comment puis-je vous aider?

Puisque la compétence, l’intégrité et la bienveillance sont les piliers de la confiance, elles doivent guider les actions de celui qui veut l’inspirer. «La confiance est difficile à gagner et facile à perdre», rappelle Corinne Prost, spécialiste en développement de talents, fondatrice de CAP formation et chargée de cours à HEC Montréal. «Une organisation qui favorise la confiance nommera ses valeurs… et saura les transformer en actions. Le fameux walk the talk (de la parole aux actes)! Et c’est souvent lors de crises, comme l’actuelle pandémie, que la confiance sera mise à l’épreuve. Saura-t-on répondre aux attentes générées par les discours?»

Par ailleurs, pour le nouvel arrivant dans une organisation, l’étape cruciale de socialisation ne doit pas être négligée. «Il faut le temps de s’apprivoiser, d’apprendre à danser ensemble», souligne Marie-Christine Albert, maître d’enseignement au Département de management de HEC Montréal et consultante en pratique privée. «La clarté assurant déjà de bonnes bases, on devrait valider les attentes avec notre supérieur lorsqu’on arrive en poste, comprendre comment fonctionnent nos collaborateurs, s’informer du contexte et apprendre à connaître son équipe, car elle a des attentes, est habituée au mode de fonctionnement de notre prédécesseur.» Prendre le temps de se renseigner, mais aussi de se présenter et d’établir sa crédibilité. «Et, simplement, une des meilleures façons de démontrer sa bienveillance, c’est de demander, avec sincérité : “Comment puis-je vous aider à faire votre travail?”»

La confiance se lit dans les yeux

Encourager les interactions et les échanges en demandant à ses employés ce qu’on peut faire pour améliorer leur travail ou leur environnement est en effet un excellent moyen d’inspirer confiance, selon Isabelle Lord, présidente de Lord Communication managériale, conférencière et autrice. «C’est très constructif de poser des questions, de faire des débreffages, tant pour solidifier la culture d’apprentissage que de vivifier un climat ouvert, sécuritaire. En tant que gestionnaire, il faut apprendre à se maîtriser pour ne pas blâmer et réprimander ses employés.»

La gestionnaire d’expérience suggère d’adopter la position d’un coach : soulever les erreurs, oui, mais pour apprendre et motiver à devenir meilleur par une réflexion collective. «J’ai vécu ce qu’était une culture d’entreprise qui ne se concentre que sur les mauvais coups, sur les indicateurs qui sont rouges. On ne peut ni avancer ni s’améliorer si on n’instaure pas un dialogue sain, un équilibre qui permet de cheminer vers le progrès.» Il est vrai que de créer un climat qui donne droit à l’erreur exige de l’énergie, mais le renforcement positif participe à l’émergence de l’intelligence collective et à la mise en place d’une culture de confiance.

Isabelle Lord y va aussi de ses conseils pour que la confiance émane du leader. «L’attitude de confiance n’est pas rigide, mais enracinée. Soyez enthousiaste, sans être fébrile. Le regard compte beaucoup : votre interlocuteur doit ressentir le calme et la quiétude à travers vos yeux. Envoyez des signaux de disponibilité à l’autre, ayez un ton calme, posé, rassurant.» Une posture non verbale cohérente avec paroles et actions contribue au message de confiance.


Note

[1]- Pour aller plus loin, visionner la conférence de Susan David «The gift and power of emotional courage».