La construction d’un milieu de travail inclusif exige un engagement sérieux de la part des dirigeants et un certain doigté pour éviter les faux pas. Cela constitue une démarche de longue haleine, que l’on aurait tort d’entreprendre sans planification.

La gestion de la diversité et de l’inclusion (D&I) dépasse l’augmentation de la représentativité de certains groupes comme les femmes, les minorités visibles ou les personnes de la communauté LGBTQ+. «Il s’agit de créer un environnement accueillant, dans lequel les gens sont valorisés pour leur contribution, obtiennent des opportunités de progresser et, surtout, se sentent en sécurité», résume Gabriela Zuniga, consultante principale en gestion de la diversité, de l’équité et de l’inclusion à Inclusive Kind et professeure associée en relation de travail à l’Université Queen’s.

«La diversité, c’est être invité au bal alors que l’inclusion, c’est être invité à danser, illustre pour sa part Gaëlle Cachat-Rosset, professeure adjointe en sciences de l’administration à l’Université Laval. On doit créer une perception partagée parmi les salariés de la manière dont l’entreprise respecte, gère et valorise la différence.»

Cela passe nécessairement par l’équité des processus. «Attention de ne pas confondre équité et égalité, prévient Brigitte Lavallée, CRHA, consultante et formatrice en D&I. La question n’est pas de traiter tout le monde de la même manière, mais d’offrir à chaque employé les outils pour l’aider à décrocher un poste et obtenir des mandats intéressants, des formations et des promotions.» Elle propose l’analogie de l’arbre à fruits. Tous les fruits se situent à la même hauteur, mais les salariés ne sont pas tous de la même grandeur. L’entreprise doit donc donner à chacun ce dont il a besoin pour accéder aux fruits.

Point de départ

Avant de se lancer, mieux vaut avoir en main un bon portrait de la situation. «Les dirigeants doivent établir une démarche qui permet de poser un diagnostic initial, de savoir jusqu’où l’on veut aller, en combien de temps et avec quelles ressources», croit Brigitte Lavallée.

Gabriela Zuniga suggère d’accorder une attention particulière aux dynamiques de pouvoir. «Les dirigeants doivent regarder qui détient du pouvoir dans l’entreprise et qui s’en voit écarté, explique-t-elle. Les travailleurs qui se trouvent dans une position dominante éprouvent généralement un sentiment de sécurité, mais les autres se sentent vulnérables et exclus. Les dirigeants doivent déceler les biais qui freinent l’accession de certains groupes au pouvoir.»

On ne saurait établir un diagnostic réaliste sans aller à la source : les travailleurs. «Les dirigeants ne peuvent pas comprendre la réalité vécue par leurs employés sans leur poser directement les bonnes questions, juge Gaëlle Cachat-Rosset. Quels obstacles rencontrent-ils? Quelles sont leurs attentes? Comment se sentent-ils au quotidien? Ont-ils des recours s’ils s’estiment lésés ou discriminés? Ont-ils confiance en ces recours?» Elle souligne l’importance de mesurer les comportements réels dans la société, plutôt que de se limiter aux processus tels qu’ils sont prévus en théorie.

Vient ensuite la mesure en détail de certains aspects de la D&I. Par exemple, dans plusieurs entreprises, la diversité fond comme neige au soleil au fur et à mesure que l’on monte dans la hiérarchie. Elle peut aussi varier grandement entre les différents métiers ou les sites de travail. Cette mesure permettra de vérifier quels biais dans les processus ou quels obstacles mènent à ces situations.

Changer les comportements

La gestion de la D&I suppose aussi de changer certains comportements, afin de créer un climat réellement inclusif. Tout le monde doit se sentir respecté et en sécurité. Toute entreprise peut se retrouver avec des problèmes d’isolement de certains employés, de harcèlement, de commentaires sexistes ou racistes, etc. Ces plaies génèrent un environnement de travail à l’opposé de ce que l’on recherche.

La direction doit se montrer claire quant aux comportements jugés inacceptables et trancher parfois entre certaines valeurs. «Respecter la différence de chacun ne signifie pas tout accepter, précise Sébastien Arcand, professeur titulaire à HEC Montréal. Par exemple, on peut décider que l’égalité entre les hommes et les femmes prime sur les croyances religieuses de certains. C’est pour cela que les dirigeants doivent bien planifier ces démarches et comprendre ce qu’ils veulent créer comme climat de travail.»

Chaque entreprise pourra adopter son propre plan d’action et établir ses processus et ses mesures pour bâtir un milieu de travail inclusif, mais elle ne doit pas s’arrêter là. «Il est crucial ensuite de développer des indicateurs pour se mesurer et réviser régulièrement ses initiatives D&I, afin de les ajuster, prévient Gaëlle Cachat-Rosset. C’est un effort continuel.»