Difficile à gagner, lente à s’enraciner, la confiance est pourtant garante de sécurité psychologique, de collaboration, de solidarité, d’apprentissage et, au bout du compte, d’une meilleure performance. Donnez-vous les moyens de construire ce climat d’exception pour votre organisation.

Quel que soit l’environnement de travail, la confiance est nécessaire pour de multiples raisons, ne serait-ce que pour être à l’aise d’être soi-même, pour partager ses idées, apprendre, gérer les conflits et prendre des risques. Sachant que les valeurs fondamentales d’une organisation orientent ses actions, une culture qui, à travers ses pratiques, prône la compétence, l’intégrité et la bienveillance, ces piliers mêmes de la confiance, promet des relations de travail favorables au succès de tous.

Pour Ruchi Sinha, professeure agrégée à l’Organizational Behaviour de l’Université d’Australie du Sud, conférencière TED, spécialiste du comportement organisationnel particulièrement intéressée au phénomène de la confiance, toute organisation a le pouvoir d’instaurer et de promouvoir les comportements liés aux piliers de la confiance. Un jour à la fois, avec volonté et cohérence.

Comme le décrit la spécialiste, la compétence est cette habileté à réussir efficacement une tâche, à mener un projet. Un individu est reconnu comme compétent lorsque les autres conviennent qu’il possède les connaissances et les aptitudes de faire ce qu’il dit. «Il est alors perçu comme fiable, sérieux et prévisible, autant de leviers de confiance. Il faut bien faire ses devoirs! Être préparé lors d’une rencontre, avoir fait de la recherche, avoir des pistes de solutions à proposer, être cohérent, respecter les dates de tombée, apporter des remarques constructives et, surtout, ne pas promettre l’impossible», illustre Ruchi Sinha.

On parle beaucoup de bienveillance, cette capacité à avoir à cœur les intérêts des autres, autant que les siens propres. Comment convaincre l’autre que votre motivation vous pousse à aller au-delà de vos besoins pour favoriser ceux du groupe? «D’abord, en identifiant des points communs : les gens seront davantage réceptifs à vos idées s’ils sentent que vos valeurs et vos objectifs se recoupent. Aussi, quand on vous demande comment vous allez, saisissez cette occasion de vous révéler avec sincérité à propos de vos tracas et posez, vous aussi, des questions pour manifester votre intérêt», suggère l’experte. La bienveillance, c’est démontrer gentillesse et compassion; c’est également choisir ses mots, pour éviter de blesser.

L’intégrité, quant à elle, relève des principes moraux. «La loyauté est déjà un fondement : les membres de votre équipe se sentiront en confiance s’ils savent qu’ils ont votre soutien. L’honnêteté, évidemment, mais aussi l’écoute et la capacité d’envisager la perspective de l’autre, surtout lors d’un conflit, font montre d’intégrité», estime Ruchi Sinha.

Série Confiance

L’équipe fait le leader

Afin d’ériger ces piliers qui construisent la confiance, ce qui n’est pas une mince tâche, il faut en convenir, Estelle Morin, psychologue, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations (CREIO), propose de changer l’angle de vue habituel. «Dans nombre d’organisations, on considère que le leader fait l’équipe. Ce n’est pas vrai : c’est l’équipe qui fait le leader, en ce sens où il n’est pas au-dessus, il est dedans. Ce schéma du leader au-dessus de nous qui nous commande est tellement ancré, on a du mal à imaginer le contraire.» La psychologue ajoute que diriger une équipe exige certes de donner une vision claire et inspirante, mais surtout, de soutenir l’équipe pour qu’elle puisse bien collaborer : lui procurer des outils, des moyens, un cadre sécuritaire, des règles d’entraide claires. Et puis, il est plus aisé de faire preuve de souci de l’autre, de respect, de loyauté et d’authenticité en étant dans son équipe.

«Le groupe, en tant qu’entité, a beaucoup plus d’influence qu’une personne. Dans son ouvrage paru en 2002, J. Richard Hackman[1] met en évidence que lorsque le chef d’équipe se comporte bien, il a peu d’influence sur le climat de l’équipe. En revanche, quand il se comporte mal, le climat s’en ressent. Toutefois, un leader seul ne peut rien accomplir. Le pouvoir n’est pas dans le statut, mais dans la force réciproque des individus solidarisés. Ce pouvoir-là est rarement revendiqué. Il est temps d’en prendre conscience», estime Estelle Morin. Et pour s’assurer que, justement, le leader est part intégrante de son équipe, il a tout intérêt à se demander : «Est-ce que les gens viennent me parler?» Voilà un excellent indicateur de la confiance qu’on lui porte.


Note

[1]- Hackman, J. R., Leading Teams: Setting the Stage for Great Performances, Harvard Business Review Press, 2002, 336 pages.