Article publié à l'origine le 14 juin 2021

Est-il possible d’être motivé 35 heures par semaine, 365 jours par année? Illusoire, selon les experts! En effet, la motivation possède son propre rythme et fluctue en fonction de différents facteurs.

Malgré tous ses efforts, un gestionnaire ne parviendra sans doute jamais à maintenir en permanence un niveau optimal de motivation au sein de son équipe, y compris chez lui-même. Car force est de constater que la motivation est un concept dynamique, évolutif, qui varie dans le temps, mais également en fonction des individus et de leur réalité propre. Sachant cela, on est plus à même de calibrer ses attentes, mais aussi de mieux soutenir ses troupes.

Série Motivation - Réaliste, la motivation durable?

Des fluctuations

Il est normal que la motivation ne soit pas toujours au rendez-vous, et plusieurs éléments entrent en ligne de compte. «La vie personnelle a nécessairement un impact. L’employé peut vivre une période plus difficile à la maison : enfant malade, parents vieillissants, tensions familiales, etc.», souligne Alain Reid, psychologue organisationnel et associé au sein de la firme Humance. Mais ce n’est pas tout, car les contraintes organisationnelles pèsent aussi sur la performance, par exemple si on manque de ressources pour réaliser nos tâches, ou encore parce que notre gestionnaire n’est pas inspirant ou qu’il n’agit pas en adéquation avec les valeurs qui comptent à nos yeux.

Stéphanie Austin, professeure titulaire en comportement organisationnel et directrice du Laboratoire de recherche interdisciplinaire sur les processus motivationnels à l’Université du Québec à Trois-Rivières, indique que différentes sortes de motivation sont aussi à l’œuvre. «Lorsqu’on est bien reposé, on bénéficie d’un niveau de motivation autodéterminée plus élevée. Inversement, la fatigue tend à réduire celle-ci et à faire augmenter la motivation non autodéterminée», illustre-t-elle.

La motivation est autodéterminée quand on effectue ses tâches de façon spontanée, par choix et parce qu’on éprouve du plaisir à le faire. En revanche, si la motivation est non autodéterminée, l’employé fait son travail uniquement pour répondre à une pression externe ou interne, parce qu’il y est obligé, qu’il a besoin de son salaire, etc. «Quand accomplir ses tâches nous demande des efforts et que l’on doit se forcer, à terme, il y aura une nette dégradation de la motivation», ajoute la professeure. Elle note cependant que cela peut également dépendre des profils individuels, certaines personnes jouissant d’un bon niveau de motivation de façon générale, peu importe la tâche, et d’autres pas.

Paradoxalement, certaines situations qui paraissent négatives au premier abord semblent pourtant susciter un sursaut de motivation au sein des équipes. Olivier Doucet, professeur titulaire au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal, cite en exemple la crise sanitaire. «Depuis le début de la pandémie, j’ai entendu de nombreux gestionnaires dire que leurs employés étaient très motivés et productifs. Cela s’explique notamment par le fait qu’une crise constitue aussi l’occasion de se regrouper autour d’un projet et d’un objectif communs», précise-t-il.

Prendre le pouls

Lorsqu’il est question de motivation, le gestionnaire joue un rôle central et peut agir à plusieurs niveaux. Tout d’abord en renonçant à atteindre l’idéal de la motivation à temps plein dans ses équipes, un objectif illusoire. Autrement dit, il faut calibrer ses attentes et demeurer pragmatique. Ensuite, en prenant régulièrement le pouls de ses employés. «Il faut rester proche d’eux en s’informant pour savoir comment ils vont ou s’il y a des changements dans leur vie. D’autres aspects concernent le travail en lui-même. Prenons l’exemple d’une personne très motivée, pas nécessairement par son emploi, mais plutôt parce qu’elle apprécie énormément les interactions avec ses collègues. Si elle perd cette relation primordiale à ses yeux, sa motivation va s’en ressentir fortement», illustre Stéphanie Austin, ajoutant que pour toutes ces raisons, le gestionnaire devra être très présent sur le terrain. Bien connaître ses employés aide en effet à évaluer leur degré de motivation, à le maintenir et à le réguler au moyen de différents leviers.

Alain Reid abonde dans le même sens. «Le défi du leader est d’être constamment à l’écoute, tout en n’hésitant pas à discuter des difficultés rencontrées par l’employé et éventuellement le recadrer. On lui explique que l’on comprend ses enjeux, qu’on va l’aider et l’encourager, mais qu’il a aussi sa part de responsabilité. En fait, le gestionnaire devrait littéralement se mettre au service des membres de son équipe et les épauler», constate-t-il. Selon lui, il s’agit d’un travail constant et de longue haleine qui s’effectue sur une base quotidienne. Pas facile d’être un leader inspirant…