Article publié à l'origine le 14 juin 2021

La pandémie a porté un dur coup à la motivation des équipes. Distanciation et télétravail obligent, peu à peu ce sentiment s’est effrité chez de nombreux employés. Pour savoir comment renouer avec elle, il faut d’abord comprendre d’où elle vient.

La motivation pourrait se définir comme une force intérieure qui nous pousse à agir. Diriger adéquatement et maintenir cette énergie nous permet d’accomplir nos tâches au travail. Une motivation de qualité repose sur trois grands piliers, indique Stéphanie Austin, professeure titulaire en comportement organisationnel et directrice du Laboratoire de recherche interdisciplinaire sur les processus motivationnels à l’Université du Québec à Trois-Rivières. «Selon la théorie de l’autodétermination, trois besoins fondamentaux doivent être comblés. En premier lieu, celui de l’appartenance ou de l’affiliation sociale à son équipe et à son organisation. En second lieu, le sentiment de compétence dans la réalisation des activités et la certitude d’apporter une contribution significative, donnant ainsi un sens au travail. Enfin l’autonomie, c’est-à-dire la perception que l’on bénéficie d’une certaine flexibilité ou de liberté dans l’accomplissement du travail», énumère la professeure. Sans surprise, la crise sanitaire est venue ébranler ces piliers et compliquer la tâche des gestionnaires qui ont dû, à distance, trouver des façons de rallumer l’étincelle chez leurs équipes.

Série Motivation - D'où vient la motivation au travail?

Les sources de la motivation

De nombreuses études ont été effectuées au cours des dernières années pour remonter aux sources de la motivation. Selon le modèle développé par les chercheurs Edward Deci et Richard Ryan, son origine peut être intrinsèque ou extrinsèque. Cette dernière repose sur les raisons externes qui nous poussent à accomplir une activité, comme la rémunération, la pression sociale, la peur de la sanction, etc. La motivation intrinsèque fait plutôt appel à la satisfaction que génère la réalisation d’une tâche, par exemple le plaisir d’apprendre de nouvelles choses ou encore le fait d’éprouver un sentiment d’accomplissement. «Les facteurs intrinsèques ont un impact plus positif et durable sur la motivation», souligne Olivier Doucet, professeur titulaire au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal.

Il existe un lien direct entre la motivation et le milieu de travail, précise le consultant et conférencier Mario Côté, CRHA. «Si celui-ci me permet de vivre des expériences positives ou que sa mission est alignée avec mes valeurs, cela favorisera la motivation intrinsèque. La façon dont l’organisation et le supérieur se comportent est également primordiale. Ainsi, pendant la pandémie, une chaîne hôtelière a développé une plateforme de reconnaissance pour garder le lien avec ses employés. Elle a même aidé à la recherche d’emploi de ceux qu’elle a dû mettre à pied. Ce sont de beaux exemples de leviers sur lesquels l’employeur peut agir», illustre-t-il.

Il ajoute que la motivation est une responsabilité partagée entre l’entreprise, les gestionnaires et les travailleurs. D’ailleurs, de l’avis d’Alain Reid, psychologue organisationnel et associé au sein de la firme Humance, il faut avoir une approche systémique. «La motivation commence avec la haute direction, qui doit donner un sens, une mission, des valeurs et les maintenir vivantes. Cela redescend ensuite en cascade vers les autres piliers décisionnels jusqu’aux employés», explique-t-il.

Une vision que partage Luc Dumont, vice-président stratégique chez Roxboro. «Nous avons procédé à cinq acquisitions importantes au cours des deux dernières années, ce qui a nécessité beaucoup de réingénierie à l’interne et généré des enjeux en termes de motivation. Or, celle-ci part d’en haut. On ne peut pas demander à un employé d’être motivé si l’organisation ne met pas l’épaule à la roue. Pour y parvenir, nous avons déployé des programmes pour nos travailleurs, mais également de la formation pour les superviseurs», détaille-t-il.

Il va sans dire que les compétences, les forces et les intérêts des employés doivent aussi être en adéquation avec les tâches qui leur sont confiées. Il est donc essentiel que le gestionnaire soit à l’écoute des membres de son équipe, mais aussi que l’individu se questionne sur cette adéquation, qu’il soit un acteur proactif à son propre succès. Au bout du compte, sur le terrain, c’est ce qui fera la différence entre un poseur de pierres qui ne saisit pas le but de son travail, et l’ouvrier qui effectue les mêmes tâches, mais en sachant qu’il contribue à ériger une cathédrale…

Motiver, c’est payant

Pourquoi est-il indispensable de maintenir ses troupes motivées? Parce que les retombées positives pour l’organisation sont palpables. «Il existe un lien fort entre la performance et la motivation au travail, qui va même au-delà du rendement. Un employé motivé adoptera l’attitude d’un intrapreneur, car il est très engagé et veut contribuer par ses réalisations à la réussite de l’organisation», souligne Stéphanie Austin. Elle précise toutefois que s’il y a souvent un effet «lune de miel» au moment de l’embauche, grâce auquel le nouveau venu dans l’organisation est motivé, il aura aussi besoin de soutien pour éviter la baisse de motivation lorsque la routine s’installe.

Un principe bien compris par le Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides, où plusieurs stratégies sont mises en œuvre pour maintenir un niveau de motivation optimal. «Durant la dernière année, à cause de la pandémie, beaucoup d’organisations ont mis de côté le développement de leurs gestionnaires. Nous l’avons plutôt poursuivi et nous avons eu un excellent taux de participation. C’est une façon de leur donner de la reconnaissance et de répondre à leurs besoins», explique Virginie Dubé-Pilon, agente de gestion du personnel – Service aux cadres au CISSS des Laurentides.

Parallèlement, le programme «Branchés santé», une démarche de mobilisation, de santé et de mieux-être du personnel, propose des activités et de bonnes pratiques. Virginie Dubé-Pilon mentionne que chaque gestionnaire dispose aussi d’un budget qu’il utilise pour donner de la reconnaissance aux membres de son équipe. Il peut, par exemple, acheter les beignes et le café à son équipe, offrir un livre, etc. Autant de petites attentions qui font la différence.