Dans le travail en équipe, chacun apporte son propre bagage… et ses biais! Conseils pour collaborer sans les faire entrer dans la danse.

Biais d’ancrage, de confirmation, de conformisme, de disponibilité… Un grand nombre de biais sont à l’œuvre dans le cadre du travail en équipe. Qui plus est, ils ont aussi tendance à se superposer et à agir en interaction les uns avec les autres. Autrement dit, les biais individuels entrent en résonnance avec ceux du groupe, ce qui les renforce encore davantage.

Le poids du groupe

Marine Agogué, professeure agrégée au Département de management à HEC Montréal et détentrice d’un professorship en créativité organisationnelle, nous met également en garde contre la pensée groupale, ce que l’on appelle le groupthink. Ainsi, les individus vont effectuer des choix qui iront dans le même sens que ceux du groupe, afin de préserver la cohésion de celui-ci et d’éviter les conflits. Résultat : le consensus est atteint rapidement alors que les opinions divergentes seront étouffées et mises de côté. «Dans un tel contexte, il est plus difficile d’avoir une pensée critique. Il n’y a pas de débats ni de partage de points de vue différents», mentionne la professeure. Elle ajoute d’ailleurs que la ligne est relativement mince entre la cohésion d’équipe et la capacité à gérer les désaccords et à accepter la diversité d’idées.

Pour s’assurer que l’équipe soit solide, mais sans tomber dans la pensée groupale, la technique des six chapeaux de Bono, du nom du psychologue Edward de Bono, est un outil qui a fait ses preuves. Chacun de ces chapeaux octroie à une personne un rôle bien précis dans l’équipe pour aider ses membres à sortir de leur mode de pensée habituel.

Et lorsqu’il est question de tâches à réaliser en équipe, elle nous avise aussi du trop grand nombre de participants. «Nous ne possédons pas tous la même capacité d’expression. Certaines personnes prendront davantage de place alors que d’autres sont plus discrètes. Cela peut engendrer du désengagement et un phénomène de passagers clandestins», souligne-t-elle. Ce sera donc au gestionnaire de faire remonter ces derniers à bord afin qu’ils redeviennent des membres actifs de l’équipe.

Série Biais cognitifs

Ouvert aux points de vue divergents?

Le biais de confirmation est l’un de ceux qui reviennent fréquemment dans le cadre du travail d’équipe, indique Daniel Payette, psychologue organisationnel, directeur de l’équipe Évaluation et développement du leadership au sein de la firme Gallagher. «Cela signifie que les idées qui vont dans mon sens seront plus agréables à recevoir. Mais en contrepartie, ce ne seront pas celles qui auront le plus de valeur ajoutée. Le besoin d’affinité renforce le biais de confirmation et le nourrit, c’est une chambre d’écho», explique-t-il.

Par voie de conséquence, la collaboration est rendue plus difficile, car des voix ne sont pas entendues et finissent par se taire, ce qui crée au bout du compte une pensée de groupe homogène sans aucun élément discordant.

Pour éviter le piège de la pensée unique, Daniel Payette recommande d’avoir recours à la stratégie de l’avocat du diable, ce dernier ayant pour mission d’avoir un regard critique sur les idées proposées par exemple. «Ce rôle ne doit pas toujours être assumé par la même personne, car au fil du temps, elle perd en crédibilité. On ne l’écoute plus, ce qui fait en sorte de préserver la pensée dominante. Il est plus efficace de l’attribuer par roulement aux différents membres de l’équipe», conseille-t-il.

Daniel Payette recommande aussi d’avoir recours à la technique du premortem qui, à l’inverse du postmortem, identifie les causes qui pourraient entraîner l’échec d’un projet avant même qu’il ne soit lancé, et non après sa mort. Chaque membre de l’équipe devra décrire la ou les raisons qui, selon lui, ont mené à cet insuccès. «Cela permet non seulement d’anticiper les risques, mais aussi de donner la parole à tout le monde. On dégage les éléments les plus susceptibles de se produire et on apprend à les gérer. Cette méthode est très utile pour identifier les angles morts», précise-t-il. Elle stimule aussi la discussion et favorise le débat de façon collégiale, évitant ainsi le maintien du statu quo et l’émergence d’une pensée groupale.

Pour sa part, Fanny Element, conseillère en formation et formatrice pour le Réseau Annie RH, déplore que l’on parle peu des biais alors qu’il faudrait s’habituer à le faire pour mieux les déjouer. «On devrait en discuter ouvertement au sein de l’équipe après avoir développé un vocabulaire commun. En menant ce type de conversation fréquemment, on devient plus conscient de l’existence des biais et on s’entraîne à les repérer», recommande-t-elle.