Évaluer les compétences est un processus extrêmement subjectif. C’est pourquoi de nombreux biais cognitifs peuvent se manifester lors du recrutement. Ces mécanismes vous aideront à minimiser leur impact.

Au moment de choisir un candidat, recruteurs, gestionnaires et responsables des ressources humaines sont sous influence. «De multiples biais sont susceptibles de teinter leur choix, car ils doivent prendre une décision en se basant sur une faible quantité d’information», indique Cloé Gratton, candidate au doctorat en psychologie cognitive au Laboratoire des processus de raisonnement de l’Université du Québec à Montréal et cofondatrice du site Raccourcis : Guide pratique des biais cognitifs.

Choix sous influence

Ainsi, on retrouve fréquemment des stéréotypes, mais aussi le biais d’homogénéité de l’exogroupe ou pro-endogroupe, le biais de confirmation, l’effet de halo, l’erreur d’attribution fondamentale, et plusieurs autres. Par exemple, le nom indiqué sur le CV véhicule un certain nombre de référents et de stéréotypes, souligne Daniel Payette, psychologue organisationnel, directeur de l’équipe Évaluation et développement du leadership au sein de la firme Gallagher. «De plus, dès les premières minutes de l’entrevue, on se forge une opinion et la suite de l’entretien ne servira qu’à confirmer celle-ci. Si la personne est stressée, elle sera clairement défavorisée», illustre-t-il.

Luciano Barin Cruz, professeur titulaire au Département de management à HEC Montréal et directeur et cofondateur du pôle IDEOS, mentionne aussi le biais de similarité, qui fait en sorte que l’on aura tendance à préférer les individus qui nous ressemblent, que ce soit au niveau du pays d’origine, du statut social, professionnel, économique, etc. À cela s’ajoutent l’effet de contraste par lequel on juge plus favorablement un candidat si l’on a rencontré juste avant lui un candidat décevant, ou encore le biais de négativité qui fait qu’on sera davantage affecté par les informations négatives que les positives.

Les biais peuvent même être à l’œuvre lors de la négociation de salaire, remarque Gaëtan Béghin, candidat au doctorat en psychologie de l’Université du Québec à Montréal, membre du Laboratoire des processus de raisonnement et également éditeur du site Raccourcis. «À cause du biais d’ancrage, la première personne à s’exprimer et à donner un chiffre met en place une ‘’ancre’’ qui pourra influencer le jugement, et ce, même si elle n’est pas pertinente, en proposant un montant irréaliste par exemple», explique-t-il.

Il ajoute que l’effet Pygmalion peut aussi nuire lors du processus d’évaluation, dans la mesure où ce biais induit une amélioration des performances d’un employé si son superviseur croit en sa réussite.

Série Biais cognitifs

Des outils pour réduire le poids des biais

Il est d’autant plus difficile de faire abstraction des biais cognitifs qu’ils interviennent à chaque étape du processus décisionnel, prévient Tania Saba, professeure titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire BMO en diversité et gouvernance. «C’est pourquoi il est nécessaire d’analyser l’ensemble des systèmes, qu’il s’agisse de l’accès à l’emploi, aux responsabilités, aux stages, aux bourses, aux formations, etc. Car des personnes peuvent accéder à des postes d’entrée dans une entreprise, mais ensuite frapper un plafond de verre», indique-t-elle.

Alors, comment se détacher de ces biais et faire preuve de davantage d’objectivité? De façon générale, Luciano Barin Cruz considère qu’il faut se montrer réflexif afin de pouvoir reconnaître les biais et déployer des mesures permettant de mieux les gérer. Porter une attention particulière à la façon dont l’offre d’emploi est rédigée et s’assurer que les critères de sélection ne discrimineront pas certaines personnes sont des prérequis, précise Tania Saba. À cet égard, la définition du poste est cruciale. «Au lieu de rédiger une longue liste d’épicerie en fonction de ce qui est important aux yeux du recruteur, on devrait se borner à décrire ce qui est réellement indispensable pour le poste en utilisant un vocabulaire inclusif», propose Luciano Barin Cruz, qui prévient que mentionner certaines exigences – devoir effectuer des heures supplémentaires par exemple – peut défavoriser des groupes minoritaires.

«Afficher l’offre d’emploi en dehors de ses réseaux habituels aide aussi à constituer un bassin de candidats plus diversifié. Par ailleurs, le comité de sélection devrait être varié et comporter des personnes aux profils et aux parcours différents», soutient-il. Attention au phénomène du leader dominant, met toutefois en garde Daniel Payette. «Celui-ci peut dicter la décision finale. Il est important d’avoir de véritables conversations», recommande-t-il.

Soumettre une grille d’évaluation aux membres du comité, afin de faire ressortir leurs biais et les aider à en prendre conscience pour minimiser leur impact, est également une bonne pratique. Un processus à l’aveugle, par lequel on anonymise les CV en masquant les noms et en retirant les photos par exemple, est une autre façon d’éloigner les stéréotypes, estime Annie Boilard, CRHA et présidente du Réseau Annie RH. «Et si on fait affaire avec un chasseur de têtes, il faut lui demander de fournir une liste de candidats diversifiée. En effet, des recherches ont démontré que cela a une forte incidence sur la diversité à l’embauche», souligne-t-elle. La rigueur des processus est également incontournable, notamment en appliquant des grilles d’entrevue identiques et structurées, dont les questions seront posées systématiquement dans le même ordre. «Idéalement, on réalise un bilan de l’entrevue immédiatement après celle-ci et non pas à la fin de la journée», ajoute Annie Boilard.   

Autant de mécanismes qui feront reculer les biais cognitifs et assureront une plus grande diversité au sein de vos équipes!