Courage et leadership forment un duo bien en vue. Pourtant, qu’est-ce que le courage? Si cette émotion forte suscite l’admiration et canalise une énergie  qui permet d’influencer et de mener le changement, faire preuve de courage implique des risques.

Déclenchées par une situation ou un événement qui, d’une certaine manière, nous met en déséquilibre, les émotions nous communiquent de l’information spécifique et essentielle à notre sécurité, notre santé et notre développement. Loin de nuire à la raison qu’on oppose souvent à cette voix du cœur, l’émotion guide nos décisions et nos actions. On reconnaît aisément les émotions dites primaires, peur, colère, tristesse, joie ou envie, oubliant qu’elles peuvent se combiner avec subtilité, forgeant des émotions complexes. Ainsi, le courage associe la peur, la colère et l’espoir. «On dit que le courage est la peur en mouvement. Ce qui induit le courage, c’est la colère que provoque le fait de se trouver dans une situation menaçante qui ne peut plus durer. C’est l’espoir qui oriente le mouvement dans une action qui entraînera des conséquences heureuses», précise Estelle M. Morin, psychologue, professeure titulaire au Département de management à HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations (CREIO).

Le courage n’est donc pas l’absence de la peur, mais bien une manière d’y faire face. «C’est affronter l’objet de sa peur. Il est important de préciser qu’on peut faire montre de bravoure dans certaines situations, et devant d'autres combats, préférer se retirer. En effet, il faut bien évaluer la menace et il arrive qu’il soit plus gagnant d’un point de vue stratégique de ne pas l’affronter», explique Angelo Soares, sociologue du travail et professeur titulaire au Département d’organisation et ressources humaines à l’École des Sciences de la Gestion à l’Université du Québec à Montréal. Bref, le courage, c’est aussi savoir se retrancher devant une bataille dont l’issue est perdue d’avance. On pourra mieux se préparer, apprendre de ses erreurs et revenir en force.

Parce qu’être courageux ne va pas sans risque, affronter les revers implique de faire des choix qui s’alignent avec ses valeurs profondes, des valeurs qui reflètent qui l’on est et qui assurent la force intérieure. «Le mot "émotion" vient de "esmotion", qui signifie "en mouvement"; on peut dire, d’une certaine manière, qu’il s’agit du mouvement de l’âme», ajoute Estelle M. Morin. Un mouvement porté par la cohérence des croyances, auquel l’espoir donnera une énergie décuplée. «Un leader véritable saura générer cet espoir qui ouvre l’imagination, qui dessine le rêve d’un avenir meilleur.»

Série Émotions

L’énergie de se battre pour ce en quoi l’on croit

Émotion noble, le courage incarne une valeur morale. Selon Marie-Colombe Afota, professeure adjointe à la Faculté des arts et des sciences - École de relations industrielles de l’Université de Montréal, «puisqu’il pousse à agir pour la bonne cause devant les difficultés et malgré la peur, le courage est associé à la vertu et à la droiture. Derrière cette stratégie de régulation de la peur, il y a le fait de défendre une idée, une cause, un groupe, parce que c’est important et qu’on y croit assez pour aller de l’avant, qu’on y croit assez pour se tenir debout malgré les risques.» Comme pour l’expression de toutes les émotions, un climat psychologique de sécurité au travail est essentiel pour que les employés trouvent un espace de parole. Pour stimuler le courage, il faut favoriser la prise de risques. Les employés et l’organisation ne s’en porteront que mieux : «Autant la peur est liée à la diminution de la créativité, autant le courage est l’allié de l’innovation», affirme la professeure.

Robert Dutton, directeur associé au Pôle Entrepreneuriat HEC Montréal qui a assuré la présidence et direction de RONA pendant une vingtaine d’années, abonde en ce sens. «Pour préserver ce climat sain en entreprise, il faut être capable de prendre des décisions difficiles lorsqu’il y a des individus qui manquent de savoir-être. Le leader doit avoir le courage de ne pas supporter les attitudes toxiques, de ne pas protéger impunément les individus qui gèrent mal leurs émotions, soit par de la formation, de l’aide sous différentes formes ou, ultimement si rien ne change, en indiquant la porte. Le dirigeant doit savoir prendre ses responsabilités.»

Finalement, être courageux, c’est être enraciné dans ses valeurs et démontrer la capacité de reconnaître ses émotions et de les réguler, fondement de l’intelligence émotionnelle. «En combinant la pensée à l’énergie des émotions, l’équilibre est préservé et l’efficacité est multipliée», résume avec sagesse Estelle M. Morin.