Remplacer des travailleurs coûte cher et dénicher de bons candidats devient compliqué dans le marché actuel. La rétention des employés joue donc un rôle clé pour l’entreprise. Mais garder ses salariés exige d’abord de comprendre ce qui compte à leurs yeux.

La pénurie de main-d’œuvre crée une grande concurrence pour les ressources humaines. La pandémie a, quant à elle, poussé bien des travailleurs à remettre leur carrière en question. «Le contexte actuel a rendu à la fois plus important et plus difficile de retenir ses salariés», admet Michel Cossette, CRHA, psychologue du travail et professeur agrégé en gestion des ressources humaines à HEC Montréal.

Série Pénurie de main-d'oeuvre

Le premier réflexe des employeurs pour diminuer les risques de départ consiste à augmenter les salaires. Ils n’ont pas tout à fait tort. Dans une récente étude de la BDC[1], 57% des employés interrogés voyaient dans la possibilité d’obtenir un salaire plus élevé la principale raison de changer d’emploi, contre 32% qui mentionnaient les avantages sociaux. «Cependant, l’effet d’une hausse de salaire sur la rétention est éphémère; c’est vite considéré comme un acquis», prévient Michel Cossette.

L’étude de la BDC montre qu’un bon programme de rémunération global peut influer positivement sur la rétention. On entend par là un programme assorti d’avantages personnalisables tels des modalités de travail flexibles, des avantages et des primes, des vacances payées, du soutien en matière de santé et de bien-être, une culture d’entreprise favorable ou encore des initiatives de diversité et d’inclusion.

Avantages sur mesure

L’employeur doit apprendre à moduler les avantages sociaux en fonction des besoins. Des travailleurs de divers groupes d’âge, par exemple, peuvent avoir des envies différentes. Les attentes d’un même employé peuvent aussi évoluer. Il faut donc trouver une manière de demeurer branché sur ses équipes.

Simon Grenier, professeur adjoint au Département de psychologie de l’Université de Montréal, déplore que les entretiens de rétention restent trop peu utilisés, comparativement aux entrevues de départ. «Pourtant, ils constituent une bonne méthode pour comprendre l’évolution des besoins des employés et leur montrer qu’on se soucie d’eux, affirme-t-il. Ils permettent de collecter des données sur ce qui se vit réellement dans l’entreprise, que les gestionnaires peuvent ensuite intégrer à leurs actions en gestion des ressources humaines.»

C’est d’autant plus important qu’il y a un net virage vers le mieux-être au travail chez les employés. «La pandémie a exacerbé la quête de sens au travail, en plus de provoquer une remise en question — et souvent un rejet — des styles de gestion trop directifs ou toxiques», explique Denis Morin, professeur titulaire en gestion des ressources humaines à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

Créer un bon climat de travail devient donc essentiel. «C’est la clé de la rétention d’employés», croit Denis Morin. Parmi les éléments qui favorisent cela, on trouve en vrac le sentiment d’être respecté et de compter pour l’organisation, un certain degré de liberté et d’autonomie, la possibilité de s’épanouir et la reconnaissance de sa contribution à l’organisation.

Denis Morin ajoute que ce climat est davantage collectif qu’individuel et s’applique souvent à une équipe de travail ou à un département. Il peut varier au sein d’une même entreprise, notamment en fonction des profils de personnalité des employés, du style de gestion des superviseurs et de la nature des résultats individuels ou collectifs. «Créer une bonne ambiance de travail ne dépend pas seulement des gestionnaires, mais aussi des employés, précise le professeur. Il faut donc les écouter et savoir conjuguer leurs attentes avec les besoins et les limites de l’employeur, qui ne peut pas tout donner non plus. »

De la parole aux actes

Les employeurs ont multiplié les innovations dans les avantages sociaux ces dernières années, mais l’effet de ces nouvelles avenues n’a pas encore été analysé précisément. «Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de mesures comme le télétravail ou l’accès à la télémédecine sur la rétention des employés», reconnaît Simon Grenier.

Ce dernier estime surtout que les employeurs doivent se garder des trop grands écarts entre leur discours sur la gestion des ressources humaines et les moyens réels qu’ils mettent en œuvre pour répondre aux attentes des employés. De la même manière, ils doivent s’assurer que les objectifs qu’ils fixent pour l’entreprise et ses travailleurs restent en adéquation avec les moyens disponibles.

«Un trop grand décalage entre les prétentions ou les objectifs d’un employeur et les moyens mis à la disposition des travailleurs engendrent une frustration et un sentiment d’échec qui peuvent nuire à la rétention.»


Référence

[1] Banque de développement du Canada. 2021. Comment s’adapter à la pénurie de main-d’œuvre. Les difficultés d’embauche sont là pour rester.