En bouleversant le fonctionnement organisationnel, la pandémie a nui à la productivité tout en mettant à mal la cohésion des équipes. Dans ce contexte, les gestionnaires de proximité se sont retrouvés aux premières loges. Bref aperçu de leur indispensable contribution.

Les gestionnaires de proximité ont dû faire preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’une bonne dose de résilience durant les derniers mois. Véritables courroies de transmission entre les employés et la direction, il leur a fallu gérer la crise de façon très concrète, dans un environnement incertain et changeant.

Des situations à géométrie variable

«La tâche des gestionnaires de proximité était déjà très exigeante, mais cela s’est accru encore davantage avec la pandémie», constate Pénélope Codello, professeure agrégée au Département de management de HEC Montréal et directrice des programmes de certificat. En effet, l’aspect relationnel ayant été fortement affecté par l’implantation massive du télétravail, leur rôle d’interface s’en est trouvé exacerbé. «Ils ont tâché de faire revivre l’aspect relationnel de leur fonction en utilisant différentes stratégies pour recréer des espaces de socialisation», poursuit-elle. Par exemple une visioconférence quotidienne de quelques minutes pour démarrer la journée, de la même façon que l’on se dit bonjour le matin entre collègues en arrivant au bureau.

Pour sa part, Estelle Morin, psychologue et professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations, remarque que les gestionnaires ont été confrontés à trois types de situations. «Dans certains cas, tous les employés travaillaient à distance; dans d’autres, ils devaient se rendre sur place, ou bien il s’agissait plutôt d’un mode hybride», explique-t-elle.

Ces différentes réalités ont généré leurs propres enjeux en matière de coordination du travail. Ainsi, lorsque chacun travaille de chez soi, on manque de visibilité sur l’ensemble des tâches effectuées par l’équipe. Certains superviseurs ont pu alors être tentés de resserrer le contrôle, basculant dans la microgestion.

Lorsque les employés sont sur place, bien souvent les gestionnaires doivent malgré tout travailler à distance, ne se rendant sur le terrain que pour gérer différentes problématiques, notamment en termes de logistique, d’approvisionnement, etc. «Enfin, réussir à maintenir la cohésion et l’efficacité dans un contexte de mixité – certains sont à distance et d’autres en présentiel – constitue aussi un défi particulier», mentionne Estelle Morin.

Reconnaître le rôle qu’ils ont joué

Les gestionnaires de proximité ont été – et sont toujours, car on est encore loin du retour à la normale – très sollicités pendant la pandémie. Ce n’est pas étonnant, car ils jouent un rôle essentiel : faire en sorte que leurs équipes génèrent les résultats attendus. «Ce sont eux qui assurent la pérennité des activités. L’an dernier, nous avons réalisé une étude auprès de 1 687 participants qui révèle que plusieurs se sont sentis littéralement livrés à eux-mêmes, se plaignant d’une absence de management», signale Estelle Morin. Elle ajoute que les données de cette enquête indiquent aussi qu’environ 20% des répondants ont dit éprouver de la détresse, certains ayant le sentiment que leur travail n’avait plus de sens. «Parce qu’ils ne pouvaient plus exercer de supervision en présentiel, ils ont remis en question leur utilité même. Ils ont eu l’impression que de toute façon, le travail pouvait s’effectuer sans eux. Pourtant, cette situation est strictement circonstancielle, et leur rôle sera encore plus important à l’avenir», estime-t-elle.

Comment aider les gestionnaires de premier niveau à se remettre en selle alors que la fatigue et l’usure sont palpables? Estelle Morin considère qu’il faut d’abord changer le regard qu’on porte sur eux. «Depuis le début de la crise sanitaire, on parle très souvent des chefs d’entreprise, mais pas des gestionnaires de proximité. Or, ils ont fait beaucoup pour les organisations et il faut avoir de la gratitude pour cela», soutient-elle.

Un avis que partage Pénélope Codello. «On doit reconnaître le travail qu’ils ont accompli et leur envoyer un message de reconnaissance. Cela peut prendre diverses formes, comme des congés, une augmentation, des bonis, etc. Il y a différentes façons de les valoriser», explique-t-elle. On pourrait aussi penser à leur proposer de suivre des formations sur des besoins particuliers qu’ils ont pu identifier au cours des derniers mois.

Elle recommande aussi de déployer différents dispositifs afin que les cadres de premier niveau se sentent accompagnés et soutenus dans leurs fonctions. «Il peut être pertinent de mettre en place, par exemple, des communautés de pratique ou d’offrir du mentorat ou du coaching. Autrement dit des espaces où ils peuvent partager avec d’autres gestionnaires et trouver des solutions ensemble», suggère-t-elle.

Estelle Morin souligne qu’il n’est habituellement pas dans la nature des gestionnaires de premier niveau de demander de la reconnaissance, car ils le perçoivent comme un signe de vulnérabilité. «Ils ont éteint les feux depuis plus d’un an. Il faut maintenant leur permettre de reprendre des forces et de penser à eux-mêmes», conclut-elle.