Tout choix implique à la fois des avantages et des inconvénients, et il en va de même pour un changement d’emploi. Comment peser le pour et le contre et s’assurer de faire un choix éclairé?

Selon Jacinthe Ouellet, psychologue organisationnelle, consultante principale et coach certifié chez Humance, un emploi est un peu comme une relation de couple : elle peut être heureuse ou malheureuse, sans histoire ou toxique. Alors que certains optent pour un mariage de raison, d’autres préfèrent rester libres et sans attaches. Bref, les expériences diffèrent d’un individu à l’autre.

Elle note aussi que les choses ont sensiblement évolué depuis la pandémie. «Les travailleurs se questionnent davantage sur leurs valeurs, ce qui est important à leurs yeux. Ils suivent leur boussole intérieure», dit-elle. Autre changement : au cours des 20 dernières années, le développement professionnel a pris une importance accrue, de même que la demande de reconnaissance et la conciliation travail-vie personnelle. C’est pour cette raison que la décision de changer d’emploi -ou pas- nécessite de faire un bilan exhaustif de sa situation professionnelle et de bien se connaître.

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Choisir le bon moment

La réflexion devrait d’abord s’appuyer sur un bon diagnostic, tant de son poste actuel que de celui que l’on convoite. «Il faut s’interroger sur trois aspects : notre adéquation avec l’emploi, avec le patron et avec la culture organisationnelle (job fit, boss fit et culture fit)», détaille Jacinthe Ouellet.

Mener à bien cette réflexion implique de savoir ce qui nous stimule et quels sont nos angles morts. «En d’autres termes, il faut se demander où l’on pourrait être la meilleure version de soi-même, et si le futur poste nous permettra de nous sentir compétent, de bâtir sur nos forces et sur notre expérience», ajoute-t-elle.

Autre question essentielle à se poser : suis-je capable de faire le saut actuellement? «Tout changement génère un stress, même s’il s’agit d’une décision réfléchie. Sortir de sa zone de confort exige aussi une bonne dose d’énergie à la fois physique et psychologique. Est-ce le bon moment pour nous de repartir à zéro, s’adapter à une autre culture et faire de nouveaux apprentissages?», interroge Jacinthe Ouellet.

Elle rappelle qu’en moyenne, il faut compter trois mois avant de réussir une prise de poste et même de 18 à 24 mois avant d’obtenir de bons résultats. Quant au temps nécessaire pour recevoir de la reconnaissance et commencer à bâtir sa crédibilité : trois ou quatre ans. Autrement dit, on doit accepter que changer d’emploi, s’y adapter et faire sa place demande du temps.

Poser les bonnes questions

Pour déterminer si le poste visé répondra à notre attente et à nos aspirations, un travail d’exploration s’impose à nouveau. L’entretien d’embauche constitue d’ailleurs l’occasion de pousser le questionnement un peu plus loin. «Il faut savoir que dans 70% des cas, on quitte un emploi parce que la relation avec le leader ne fonctionne pas. D’où l’importance d’obtenir des informations à ce sujet, mieux comprendre qui reste dans l’entreprise et qui la quitte, avec quel type de personnalité le gestionnaire s’entend le mieux et aime travailler, etc.», illustre Jacinthe Ouellet.

«Se fier uniquement à l’entrevue d’embauche est insuffisant», estime cependant Annie Boilard, CRHA, Distinction Fellow et présidente du Réseau Annie RH. Lorsque possible, elle recommande de discuter avec des employés actuels ou passés pour en apprendre davantage. «Cela permettra de mettre le doigt sur des éléments de culture d’entreprise distinctifs, de cibler ce qui la distingue des autres, et de voir si cela nous convient. On pourrait aussi demander de nommer une ou deux règles non écrites qui ont cours dans l’organisation : par exemple, que pour obtenir une promotion, mieux vaut arriver au bureau à 7 heures le matin», suggère-t-elle.

Départager le bon et le mauvais

Une fois que l’on a fait le point sur les gains et les pertes potentiels, il faut ensuite peser le pour et le contre. La bonne vieille méthode des colonnes présentant les avantages et les inconvénients aide à y voir plus clair, mentionne Mario Côté, CRHA, consultant, conférencier et formateur. Il met néanmoins en garde contre la tendance à sous-évaluer ou à surestimer les atouts ou les contraintes en fonction de nos souhaits.

«On devrait également prendre le temps d’en discuter avec son conjoint et ses enfants, le cas échéant, car le changement d’emploi pourrait aussi avoir des répercussions sur eux et ils devront vivre avec les conséquences de nos choix», ajoute-t-il. À cet égard, réfléchir aux retombées sur les différentes sphères de notre existence –carrière, vie sociale, vie familiale, loisirs, santé, finances– fait partie d’un processus décisionnel raisonné.

Mais attention, baser sa décision uniquement sur le salaire n’est pas la chose à faire. Jacinthe Ouellet prévient : «C’est un piège, car si la rémunération est motivante à court terme, ce sont d’autres éléments qui, à long terme, feront en sorte que l’on sera heureux en emploi.»