On déteste, ou on abhorre! La lutte professionnelle a ceci de particulier qu'à peu près 100 % de la population déclare ne pas y croire, trouver la chose ridicule et ne pas en suivre les activités! Ce qui n'empêche pas la plus grande entreprise du domaine, à savoir la World Wrestling Entertainment (WWE), de faire des affaires d'or et de connaître une croissance que bien des entreprises pourraient envier. Mystère... Regarder la lutte professionnelle serait-elle l'un de ces plaisirs coupables auxquels on s'adonne parfois dans le secret? À vous d'y répondre!


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« All the world's a ring »

La lutte professionnelle possède, vous en conviendrez, un énorme potentiel de rigolade. Car n'oublions pas que derrière les biceps surdimensionnés, les mises en scène théâtrales et les effets visuels et pyrotechniques d'un goût douteux se profile une organisation qui, il faut bien l'avouer, affiche un succès commercial phénoménal, et cela à l'échelle planétaire. Tel qu'indiqué sur le site Internet de l'entreprise, la WWE est aujourd'hui un empire médiatique qui rejoint 650 millions de foyers dans 150 pays, et ce dans 25 langues différentes. L'entreprise possède des bureaux à New York, à Los Angeles, à Londres, à Mexico, à Mumbai, à Shanghai, à Singapour, à Dubaï, à Munich et à Tokyo. « All the world's a ring », pourrions-nous dire, pour paraphraser Shakespeare! Rendons à César ce qui appartient à César, et reconnaissons toutefois au dirigeant de l'entreprise, l'incontournable Vincent McMahon, un incroyable flair et une intelligence d'affaires sans pareil. L'ancien lutteur et homme d'affaires, âgé de 70 ans, a littéralement propulsé la petite entreprise de promotion créée par son père en une entreprise d'envergure mondiale. Prenant appui sur la puissance des médias et de l'Internet, l'homme a vite compris la nécessité de transformer l'entreprise, celle-ci passant d'une simple entreprise de promotion de combats de lutte en une entreprise axée sur le divertissement sportif1 (la nuance est importante) et en une entreprise intégrée dans le domaine des médias (« [...] an integrated media organization »2).


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L'arrière-scène

La WWE n'a toutefois pas été exempte de nombreuses controverses au fil des ans. Dans la mesure où les gladiateurs associés aux activités de la WWE ne sont pas des employés proprement dit, mais des contractuels liés à l'entreprise, on peut aisément deviner la pression énorme que s'imposent les lutteurs et lutteuses afin de demeurer au top, et sous contrat avec la WWE. Cette situation a donné lieu à d'importantes dérives chez les athlètes-comédiens, notamment l'abus de substances dopantes et la poursuite de leurs activités artistico-sportives malgré d'importantes blessures. Force est de reconnaître que l'espérance de vie n'est pas très élevée chez ces derniers, et que plusieurs ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes une fois qu'ils ont accroché leurs bottes. À ce sujet, la WWE s'est retrouvée malgré elle sous les feux de la rampe et dans le collimateur du gouvernement américain à la suite du décès en 2005 du lutteur Eddie Guerrero (à l'âge de 38 ans) et de la tragédie de juin 2007 impliquant le lutteur d'origine canadienne Chris Benoit (âgé de 40 ans)3, tous deux sous contrat avec la WWE. Attestée dans le cas de Guerrero et soupçonnée dans le cas de Benoit, la présence de stéroïdes anabolisants aura en effet poussé le gouvernement américain à demander à l'entreprise des comptes sur le sérieux de sa politique relative à l'usage de substances illégales (Talent Wellness Policy). Sentant venir le compte de trois, la WWE suspendait d'un coup, et ce en novembre 2007, onze de ses lutteurs, en lien avec l'usage de produits dopants...

Plus ça change, plus c'est pareil?

L'entreprise affirme aujourd'hui avoir la situation de ses athlètes contractuels bien en main et faire respecter sa politique relative aux produits dopants, comme le prouve la toute récente suspension pour un mois de l'une de ses plus grandes stars, Roman Reigns (de son vrai nom Joe Anoa?i). Mettons toutefois ce dernier fait en parallèle avec le décès, en avril dernier, de l'une des figures emblématiques de la WWE, Joan Marie Laurer (alias Chyna) à l'âge de 46 ans, après une longue descente aux enfers due à l'abus de drogues et de médicaments. Controversée, la WWE n'en continue pas moins d'engranger les profits à un bon rythme... Drôle d'entreprise, dont les activités ont parfois des répercussions beaucoup plus tragiques...


Notes

1. Sports entertainment, en anglais.

2. Site Internet de l'entreprise.

3. En juin 2007, aux prises avec de sérieux problèmes de dépression et de démence (ce que l'examen de son cerveau confirmera lors de l'autopsie), Chris Benoit s'est enlevé la vie, non sans avoir assassiné auparavant son épouse et son fils.