Article publié dans l'édition Hiver 2020 de Gestion

Lorsque n’importe quel produit peut être copié à un prix dérisoire, comment une entreprise peut-elle conserver l’avantage sur ses imitateurs ? Howard Yu, professeur et expert en innovation à l’IMD Business School, en Suisse, définit cinq principes qui peuvent permettre aux entreprises pionnières de garder une longueur d’avance.

Aucune proposition de valeur, si originale soit-elle, n’est à l’abri de la concurrence. L’expérience de la firme Steinway en est un exemple classique. Le fabricant des meilleurs pianos au monde a décliné en raison de la force et de l’habileté de ses compétiteurs. En effet, cette entreprise s’est heurtée de plein fouet à ce qu’on appelle l’innovation perturbatrice.


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À l’inverse, la multinationale Procter & Gamble est demeurée en tête de son secteur d’activité même si ses produits de base – notamment le savon Ivory, lancé en 1896 – sont copiés partout dans le monde. Selon Howard Yu, le secret de la longévité de cette firme réside à la fois dans sa capacité à s’adapter aux changements sur les marchés et dans un marketing novateur fondé sur la psychologie des consommateurs. Ainsi, elle est passée des bougies et des savons faits à la main à la production de masse de sa marque emblématique, Ivory.

Les cinq principes pour rester en tête

Premier principe : connaître ses compétences de base et bien jauger la maturité de l’entreprise.

Lancées dans le développement de leur marché, beaucoup d’entreprises tendent à oublier leur vocation première et à diluer leurs activités. Il en résulte souvent une multitude de tâches plus ou moins bien exécutées et la perte de vue des marchés cibles. Pour éviter cette trajectoire risquée, M. Yu recommande de se concentrer sur les connaissances fondamentales de l’entreprise.

Deuxième principe : assimiler de nouveaux savoirs pour ouvrir de nouvelles voies de croissance.

Selon M. Yu, la firme Steinway a décliné « en grande partie à cause de son obsession myope pour l’artisanat au détriment du progrès technologique et de l’automatisation ». Inversement, Procter & Gamble a conservé son avantage concurrentiel en acquérant de nouveaux savoirs au lieu de se contenter d’améliorer ses produits existants.

Troisième principe : propulser son entreprise en tirant parti des grandes tendances du moment.

Les innovations et les changements dans un environnement d’affaires peuvent être nombreux. En première ligne : l’ascension des machines intelligentes, la connectivité omniprésente et les possibilités numériques. « Nous devons [définir] les forces qui importeront le plus dans les décennies à venir et reconfigurer nos compétences avant les autres. » Les objectifs : produire en masse des solutions, résoudre des problèmes complexes et automatiser les activités.

Quatrième principe : vérifier les hypothèses au moyen de nombreuses expériences rigoureuses.

Les solutions audacieuses paraissent toujours séduisantes... jusqu’à preuve du contraire. Seules des données probantes peuvent consolider ces décisions avec justesse. Ce sont non pas les débats en salle de conférences – ni les croyances personnelles de tout acabit – qui feront avancer les choses mais bien les preuves fondées sur l’expérimentation.

Cinquième principe : s’engager pleinement dans une stratégie d’exécution.

« Le plus grand risque qui menace la survie d’une organisation vaste et complexe réside dans des querelles politiques et dans une inaction collective. » Vient toujours un moment où il faut cesser d’expérimenter et passer à l’action.


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Les dirigeants doivent être prêts à encaisser les risques pour leur carrière et à supprimer les obstacles organisationnels pour mettre en œuvre de nouvelles directives.