Article publié dans l'édition Hiver 2020 de Gestion

Pour faciliter la réussite d’un projet de transformation organisationnelle ou de changement stratégique, il est de plus en plus courant d’avoir recours à des équipes d’accompagnement du changement. En quoi consistent-elles, comment sont-elles gérées et à quoi servent-elles vraiment? Voici quelques réponses pour mieux comprendre le contexte particulier et la dynamique de ces équipes.

Aussi appelées « équipes de pilotage du changement » ou « directions de la transformation1 », les équipes d’accompagnement ont pour mandat de préparer à la fois les organisations et les personnes.


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Elles visent à atteindre les résultats et à obtenir les bénéfices souhaités des projets tout en minimisant les répercussions négatives et en renforçant les comportements d’appropriation du changement des membres des organisations2.

En fait, ces équipes accompagnent autant la direction et les gestionnaires que leurs collaborateurs afin que tous aient une compréhension commune du projet de transformation3, y adhèrent et y participent à leur façon. On prépare ainsi le terrain de manière à ce que tous adoptent les nouveaux comportements souhaités et atteignent un certain degré d’aisance dans leurs activités quotidiennes. Ces personnes pourront ensuite constater les progrès réalisés, évoluer et améliorer sans cesse leurs pratiques.

La plupart des équipes d’accompagnement du changement, dorénavant actives en interne, guident et accompagnent les dirigeants et les gestionnaires à partir de référentiels, de méthodologies et d’outils de gestion du changement. Selon l’ampleur des projets, cet accompagnement peut être ponctuel ou plus soutenu.

Au terme de l’exercice, plusieurs types de « livrables » peuvent être produits, notamment des plans de communication, de coaching, de mobilisation et de participation, de transition (quant aux dimensions organisationnelles et aux répercussions, par exemple sur la structure, sur les systèmes, sur l’organisation du travail, etc.), de formation et de transfert, de révision des processus, de mesure ainsi que de maintien et de consolidation des nouveaux comportements.

L’équipe a aussi pour tâche d’assurer le suivi des tableaux de bord et de l’avancement des multiples projets en tenant compte des dates de tombée des différents « livrables » auprès des mêmes groupes d’acteurs. Cela évite de provoquer une trop forte saturation, mêlée de stress ou d’épuisement émotionnel allant parfois jusqu’au cynisme, lorsque la capacité à changer devient insuffisante (demandes trop nombreuses selon les ressources disponibles, par exemple).

Un contexte particulier

L’équipe d’accompagnement se greffe généralement à des projets de changement organisationnel. Ceux-ci peuvent être ponctuels, de nature opérationnelle (installation d’un nouveau logiciel, déménagement, etc.) ou d’ordre plus stratégique, comme c’est le cas des projets de transformation organisationnelle (transformation numérique, réorganisation, changement culturel ou fusion, par exemple).

L’équipe d’accompagnement s’intègre généralement à une équipe de projet dirigée par une personne responsable de l’atteinte des objectifs fixés par un mandataire. Celui-ci se charge des décisions stratégiques, notamment en ce qui a trait aux ressources attribuées à la réalisation du projet et aux bénéfices anticipés. C’est donc dans ce contexte que l’équipe d’accompagnement du changement doit s’intégrer à l’équipe de projet et bâtir des relations de confiance avec le mandataire.

Travaillant de concert, les membres de l’équipe doivent aussi collaborer avec l’équipe de direction, avec les gestionnaires et leurs collaborateurs, avec les syndicats et parfois même avec d’autres acteurs (parties prenantes externes, groupes de pression, clients, etc.) pour favoriser l’appropriation du changement.

La pertinence de la création d’une équipe d’accompagnement dépend de plusieurs facteurs, dont le nombre de projets menés simultanément, l’ampleur et les risques du projet, la disponibilité des ressources, la capacité à changer de l’organisation, le degré de maturité en matière de gestion du changement et le bilan des changements antérieurs (succès ou échecs).

Si le projet est à portée restreinte, un seul spécialiste suffira amplement. Dans le cas de projets de transformation de grande envergure, il est préférable de faire appel à une équipe expérimentée, influente, mobilisée sur une base permanente et impliquée tôt, avant même la prise de décision stratégique.

Leadership et influence

Le responsable d’une équipe d’accompagnement de la transformation exerce un leadership à trois volets :

Volet stratégique

Le responsable siège à la table décisionnelle pour s’assurer que la transformation désirée constitue une bonne décision, qu’elle survienne au bon moment et que l’organisation dispose du potentiel de changement suffisant ainsi que des ressources nécessaires.

Il discute régulièrement des dimensions culturelles et des aspects politiques du projet, de même que de la capacité à bâtir un projet mobilisateur pour assurer l’avenir de l’organisation. Il joue ce rôle auprès du mandataire et de l’équipe de direction en négociant les ressources humaines et financières allouées à son équipe et en ajustant si nécessaire l’ampleur de son mandat. Il exerce donc un leadership d’alignement stratégique et d’influence en anticipant les difficultés et les obstacles potentiels.

Volet systémique

Le responsable s’assure avec son équipe que les structures, les aménagements, les rôles, l’organisation du travail, les processus, les systèmes, les politiques et les procédures soient révisés ou optimisés pour favoriser l’adhésion de tous les destinataires ainsi que l’adoption des comportements souhaités. Il peut arriver que le responsable doive prouver l’efficacité de son équipe interne en soumettant des comparaisons de ses coûts avec ceux de consultants externes4.

Volet opérationnel

Le responsable exerce un leadership bienveillant et inspirant. Il développe les talents des membres de son équipe, renforce leur potentiel et les mobilise afin de les fidéliser et de favoriser leur rétention5. Il s’assure pour chaque projet que la sélection des membres de l’équipe d’accompagnement soit optimale (choix d’experts et de membres de l’organisation s’il y a lieu).

Il favorise des mesures innovantes destinées à optimiser leurs compétences en changement, par exemple des outils à distance, des communautés de pratique, des réseaux d’agents de changement, des visites d’entreprises, des journées consacrées au changement en interne, des expéditions apprenantes et des retours d’expérience.

La dynamique de l’équipe de changement

Tout comme une équipe de projet, une équipe d’accompagnement évolue dans le temps en fonction des étapes successives du projet. Après une phase de croissance et d’apprentissage rapide, de formulation d’idées et d’acquisition de capacités d’action, l’équipe s’implique dans le processus décisionnel et dans la réalisation des multiples interventions auprès des groupes et des comités concernés.

Les cinq stades de développement d’une équipe de travail définis par le psychosociologue américain Bruce Wayne tuckman6 (formation, agitation, normalisation, performance, ajournement) sont utiles pour cerner et pour gérer les problèmes qui peuvent survenir en cours de route.

Ainsi, il faut laisser s’enraciner les apprentissages et les dynamiques de relations interpersonnelles et de réalisation du travail en vue d’atteindre le stade de performance optimale de l’équipe. De plus, la dissolution d’une équipe peut être vécue difficilement par ses membres lorsqu’un projet arrive à son terme.

La dynamique interne de l’équipe est donc importante : tant la gestion de la performance que la qualité du climat interpersonnel constituent des clés de réussite pour une équipe d’accompagnement du changement qui se dévoue pour les membres de l’organisation, eux-mêmes appelés à changer.

Compétences et comportements recherchés

Les spécialistes de l’accompagnement en changement possèdent plusieurs compétences, notamment celles associées à l’utilisation contextualisée d’une méthodologie éprouvée en gestion du changement. Ils se distinguent par leur capacité à mobiliser les personnes, à offrir du soutien et à faire du coaching, à mesurer les effets de leurs interventions, à susciter la verbalisation des réactions et des difficultés occasionnées par le changement lui-même et à préparer les gestionnaires à y répondre. Ils encouragent ainsi les apprentissages.

La créativité, l’esprit d’analyse, l’écoute active et la communication, l’optimisme, la flexibilité, le sens de l’organisation et de la coordination (pour diriger, par exemple, les comités composés de plusieurs groupes d’acteurs) font également partie des habiletés essentielles.

Tournés vers l’action, ces experts ont de bonnes aptitudes en matière de vulgarisation et disposent d’un grand flair politique, ce qui les aide à anticiper les problèmes. Les qualités recherchées sont l’empathie, l’intelligence émotionnelle, le contrôle de soi et le respect afin de favoriser des relations interpersonnelles empreintes de confiance mutuelle.


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Puisqu’ils transigent avec des cadres supérieurs, intermédiaires et de premier niveau qui n’ont pas nécessairement choisi le type de changement à introduire dans leurs activités courantes, les spécialistes du changement doivent agir avec tact et diplomatie.

Ils doivent donc choisir les moments les plus opportuns pour remplir leur fonction d’accompagnement en optant pour les outils et pour les modes d’intervention les plus judicieux en fonction de l’environnement parfois complexe et incertain où évolue l’entreprise.

Bref, ces personnes exercent très souvent un double rôle d’expert et de facilitateur. Cependant, elles ne doivent en aucun cas se substituer aux gestionnaires dans l’échelle hiérarchique de l’organisation. C’est tous ensemble qu’ils mèneront le projet de transformation à bon port.


Notes

1 Autissier, D., Johnson, K., et Metais-Wiersch, E., du changement à la transformation – stratégie et pilotage de transformation (notamment le chapitre 5, « Les directions de la transformation »), Paris, Dunod, coll. « Stratégie d’entreprise », 2018, 256 pages.

2 Bareil, C., Charbonneau, S., et Baron, A., Voyage au cœur d’une transformation organisationnelle, Montréal, Éditions JFD, 2016, 158 pages.

3 Bareil, C., « Comment réussir son projet de transformation », gestion Hec Montréal, vol. 41, n° 3, automne 2017, p. 102-105.

4 Harvey, A., Bareil, C., et Robillard, J., L’évolution de l’équipe de gestion du changement ti chez Bombardier aéronautique, Montréal, Centre de cas de HEC Montréal, 2014.

5 Parent, C., et Bareil, C., « Gérer une équipe de changement : illustration de pratiques appliquées au secteur de la santé et des services sociaux », gestion Hec Montréal, vol. 39, n° 3, automne 2014, p. 75-83.

6 Rousseau, V., « Le développement des équipes de travail : quand et comment intervenir? », dans développement organisationnel : relever les défis contemporains, sous la direction de C. Bareil et de C. Aubé, Montréal, HEC Montréal, 2012, p. 451-463.

7 Best practices in change Management, Fort Collins (CO), Prosci, 2016, 358 pages.