Faire montre d’agilité, innover, miser sur l’amélioration continue : s’il existe différentes méthodes pour implanter ce genre de culture en entreprise, il ne faut pas oublier que leur succès repose en grande partie sur les épaules des équipes. D’où l’importance de bien les construire en fonction des aptitudes de ses membres.

Selon les préceptes sur lesquels repose la philosophie agile, les projets se découpent en petites étapes ensuite testées sur le terrain. Cette expérimentation permet de prendre le pouls du client, de rectifier le tir et d’ajouter ensuite une nouvelle pièce. Pour être agile, il est donc nécessaire de se montrer flexible, rapide et focalisé, résume Julie Carignan, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA), psychologue organisationnelle et associée, Développement des leaders et des équipes, chez Humance.

«Pour qu’une équipe soit agile, il faut qu’elle soit capable de se concentrer sur les besoins de ses clients, de s’ajuster en temps réel et qu’elle soit axée sur les solutions», enchaîne-t-elle. Or tester, se tromper, recommencer, questionner et être capable d’offrir de la rétroaction exige beaucoup de collaboration et de respect.

Un point de vue partagé par Philipe Mast, CRHA, cofondateur de CORTO.REV, cabinet de conseil et de recrutement de cadres. «Les équipes agiles sont responsables et font montre d’autonomie. Elles savent ce qu’on attend d’elles — le quoi —, mais on ne leur impose pas le comment.» En fait, chaque membre de l’équipe apporte son expertise et les solutions viennent du terrain.

Pour assurer le bon fonctionnement de ces équipes, il est bien avisé d’en considérer la taille, de manière à ce qu’elles demeurent à échelle humaine. «Le chiffre magique c’est six, voire sept. Mais au-delà de ce nombre, on voit une baisse de la productivité. Les études ne nous disent pas pourquoi, mais on peut penser qu’être trop nombreux peut déresponsabiliser les individus qui peuvent se cacher derrière les autres», souligne Philippe Mast.

Le bon profil

L’agilité est une aptitude plus naturelle chez certaines personnes, rappelle Julie Carignan. En effet, certains types de personnalité fonctionnent mieux que d’autres dans ce genre de cadre où les travailleurs doivent être ouverts à la rétroaction et capables de se remettre en question. «Si la personne est enfermée dans ses dogmes, qu’elle est persuadée qu’elle détient la vérité, elle ne pourra pas être agile puisque l’un des fondements, c’est de s’ajuster en fonction de la rétroaction. Il faut qu’elle soit ouverte, qu’elle ait le désir d’apprendre, de se développer et de s’ajuster.»

L’humilité est tout aussi primordiale, renchérit Philipe Mast. «Dans une équipe qui applique les principes d’agilité, il faut que les individus soient capables de montrer leur vulnérabilité. Si je ne sais pas, je ne sais pas. Si je ne comprends pas, je ne comprends pas. Et si je n’ai pas le temps, je dois lever la main et demander de l’aide. À l’inverse, il faut aussi être empathique, pour offrir son soutien. Car en mode agile, le succès n’est pas individuel, mais bien collectif.» Ce qui exige alors un grand sens des responsabilités.

Des aptitudes à mesurer

Les expériences passées d’une personne peuvent être révélatrices de son éventuel bon fonctionnement dans ce type de cadre, explique Julie Carignan. Sans avoir consciemment agi selon la méthode agile, peut-être a-t-elle néanmoins déjà appliqué certains de ses préceptes plus tôt dans son parcours professionnel. «On pourrait lui demander quelles sont les boucles de validation qu’elle a instaurées, comment elle s’est ajustée», donne-t-elle en exemple. «On peut aussi proposer quelques mises en situation pour vérifier si la personne est réellement orientée vers les besoins des clients, si elle favorise la collaboration et si elle est capable de s’adapter en cours de route, en fonction de la réalité», explique Miguel Hernandez, maître d’enseignement au département de management à HEC Montréal.

Pour mesurer la capacité d’un candidat à travailler dans ce type d’environnement, il est aussi possible de recourir à des évaluations psychométriques, précise Julie Carignan. «Il y a certains éléments de personnalité qui favorisent cela, comme la tolérance à l’ambiguïté, la curiosité ou l’ouverture à la rétroaction. Combiner en entrevue des questions, des mises en situation et des évaluations psychométriques permet d’analyser les comportements de la personne, mais aussi de soulever le capot pour aller voir ce qu’il y a en dessous.»

Une culture à repenser

Au-delà de la composition de l’équipe, la culture de l’entreprise — et l’attitude du gestionnaire — a aussi une grande influence sur l’agilité, font valoir les experts. Comme l’agilité carbure à l’expérimentation, pas question de pointer du doigt les erreurs ou les initiatives qui ont échoué. «En agilité, on parle de fail fast & learn, ce qui signifie qu’on doit rapidement apprendre de nos erreurs. Autrement dit, pour innover, il faut se tromper, se réajuster, recommencer», explique Miguel Hernandez.

C’est dans cet ordre d’idées que le maître d’enseignement recommande aux entreprises d’adopter une culture de collaboration plutôt qu’une culture de contrôle. «Est-ce que l’environnement de travail est sécuritaire et permet de vrais débats? Est-ce que c’est possible de laisser les idées émerger, de faire preuve de créativité? Fait-on place à l’expérience des employés pour puiser dans l’intelligence collective?», interroge Philippe Mast pour cerner la dynamique d’entreprise. Autant d’éléments essentiels pour puiser dans l’intelligence collective pour apprendre mieux et davantage, et avancer en équipe.