Chez le libraire, on les regarde de loin... Parfois, on les feuillette avec délicatesse et respect... Et une fois dans sa vie, et peut-être deux si l'on est chanceux ou économe, on fait une folie!

Les mastodontes de la maison d'édition allemande Taschen sont véritablement devenus une référence dans la niche du livre d'art. Le terme « mastodonte » n'est pas un euphémisme lorsqu'il est question des ouvrages de chez Taschen. Dans un domaine d'affaires qui tend à se dématérialiser avec l'avènement du livre numérique, Taschen ne donne pas dans la demi-mesure et vogue à contre-courant. Un exemple? L'édition limitée (10 000 exemplaires) SUMO, qui présente, en 464 pages, quelques-uns des clichés du photographe germano-australien Helmut Newton, mesure 50 cm sur 70 cm et pèse 30 kilos! Mais rassurez-vous! Les 18 000 dollars demandés pour cette œuvre d'art en soi s'accompagnent d'un support conçu par le designer français Taschen, c'est d'abord et avant tout la vision d'un seul homme, Benedikt Taschen, 55 ans, le dynamique entrepreneur à l'origine de cette PME de 250 employés aujourd'hui, et qui génère des revenus annuels d'environ 50 millions de dollars.


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L'homme, originaire de Cologne, ville qui abrite toujours le siège social de l'entreprise, a eu la piqure de l'entrepreneuriat très tôt. Comme le relate Frédéric Théron dans son article publié sur le site Internet de L'Express (lire « Taschen, l'homme qui aimait les... livres »), Benedikt Taschen a 18 ans lorsqu'il ouvre, en 1980, son premier magasin, Taschen Comics, spécialisé dans la bande dessinée. Mais le véritable élan de l’entreprise a lieu deux ans plus tard, lorsqu’il emprunte à son père 40 000 marks afin de faire l’acquisition de 40 000 exemplaires d’un livre consacré à René Magritte. Il revendra ce lot dix fois le prix d’acquisition! Dès lors, Benedikt Taschen avait trouvé sa voie, à savoir le livre d’art. Depuis, Benedikt Taschen a enfilé succès après succès, non sans avoir évidemment mordu la poussière à quelques reprises. À ce titre, l’éditeur, philosophe, affirmait à Marion Mertens, du Paris Match (lire son entrevue « Benedikt Taschen : éditeur XXL »), que « […] rien n'est jamais gagné.Ce n'est pas une science exacte, vous avez besoin de chance et de continuer à vous amuser. » À ce titre, Benedikt Taschen a bien sûr multiplié les coups d’éclat dans le créneau du livre de très grand luxe, mais ce dernier ne constitue que 5 % de l’ensemble de ses revenus.


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Les ouvrages de Taschen se déclinent également en format plus « standard » et à des prix beaucoup plus abordables, et c’est surtout dans ce créneau-là qu’il tire la très grande majorité de ses entrées d’argent. L’entreprise a par ailleurs su s’ouvrir à d’autres sujets propices à l’édition de beaux livres, tels que l'architecture, la photo, la décoration et le voyage, et a parfois même pris quelques risques, avec des titres tels que The Big Penis Book ou The Big Book of Breasts! « Sex sells », comme on le dit si bien dans la langue de Shakespeare! Mais le risque, ça peut aussi rapporter! Taschen vend, bon an mal an, vingt millions d’ouvrages, tant via l’Internet que chez les libraires, ou même par l’entremise de ses onze boutiques en Europe (Amsterdam, Bruxelles, Cologne, Hambourg, Londres, Milan et Paris) ou aux États-Unis (Beverly Hills, Hollywood, New York et Miami). Un beau succès pour cette entreprise qui a si bien su conjuguer l’art et le profit!