Le stress est souvent identifié comme étant le mal du XXIe siècle. Risques de maladies cardiovasculaires, troubles alimentaires et digestifs, détérioration du sommeil, réduction de l’espérance de vie. On l’accuse de bien des maux. Mais le stress doit-il toujours être néfaste? Est-il possible de bien stresser, de mieux stresser?

Il faut d’abord bien comprendre certaines bases, car stress et anxiété sont souvent confondus. Sonia Lupien, neuroscientifique et professeure à l’Université de Montréal, illustre de manière éloquente la différence entre ces concepts. Dans une allégorie où la menace est représentée par un ours, la chercheuse explique que c’est l’endroit où se trouve l’animal qui définit l’état de la situation. Lorsque nous sommes stressés, l’ours est devant nous. Lorsque nous sommes anxieux, il est plutôt dans notre tête.

Le stress est donc la réponse légitime à un risque réel, et non pas l’anticipation d’un danger quelconque.

Ceci posé, étudions maintenant comment revoir notre rapport au stress en deux étapes.

1- Revisiter ses croyances relatives au stress

Kelly McGonigal, psychologue, révèle dans un TED Talk (visionné plus de 30 millions de fois) qu’une étude menée auprès de 30 000 adultes pendant huit ans démontre que c’est la perception du stress qui a une incidence négative sur la santé et non pas le stress lui-même.

En d’autres mots, les gens stressés qui ne croient pas le stress nocif pour la santé ressentent moins les effets physiques de celui-ci que les gens non stressés.  À l’inverse, les gens stressés qui sont d’avis que le stress est nuisible à la santé ont un taux de mortalité supérieur de 43%.

Alors, pourquoi existent-ils toujours autant de croyances négatives quant aux effets du stress sur la santé? Plusieurs éléments semblent avoir contribué à nourrir nos croyances populaires : erreurs et manque de précision dans la réalisation de recherches pionnières sur le sujet, légendes urbaines, défi scientifique découlant de la combinaison d’études portant sur le stress physiologique réel, la perception du stress et sur des facteurs supplémentaires simultanés.

Nous pouvons maintenant reposer la question : stressons-nous bien? Ce premier point nous a montré qu’il faut d’abord s’interroger sur nos croyances en matière de stress. Pouvons-nous aussi stresser mieux? Pour le savoir, il convient maintenant de s’intéresser à ce que certains appellent les microstress.

2- Prendre conscience de ses microstress

Dans un article récent [1], les auteurs Rob Cross et Karen Dillon mettent en garde contre les réactions au microstress. Lorsque le corps humain perçoit adéquatement les caractéristiques liées à un évènement stressant significatif (faire une présentation, négocier une augmentation salariale, s’occuper d’un enfant malade), la suite de l’histoire peut aisément se résumer par l’enchaînement suivant : stimulation du cerveau limbique, sécrétion de cortisol et d’adrénaline, enclenchement d’une réponse de type fight or flight (fuir ou combattre). Ces stresseurs nous permettent de reconnaître les signes de stress et de les décoder plus facilement.

Selon ces deux experts, la majorité de nos expériences stressantes proviennent toutefois de microsituations; il est alors question de microstress. Par exemple, se faire dépasser cavalièrement sur la route, recevoir plusieurs courriels simultanément, rechercher un document mal classé. Dans la vie de tous les jours, nous gérons ces évènements en nous disant : «C’est la vie normale». Ce faisant, notre cerveau n’identifie pas ces situations comme stressantes, ne stimule donc pas la partie limbique et esquive alors tout mécanisme de protection.  

Pourtant, les répercussions de ce microstress sont bien réelles sur notre corps, notre énergie et notre charge mentale. À titre d’exemple, Cross et Dillon ont observé qu’au moment des repas, des variations métaboliques pouvaient générer l’absorption de 40 calories supplémentaires par épisode de microstress, ce qui représente 11 livres annuellement. 

Adapter nos stratégies

Pour bien stresser, les chercheurs proposent de dresser une liste d’une vingtaine de microstresseurs présents dans notre vie, d’isoler certains des plus fréquents et de réfléchir à des solutions (plan B) pour y remédier. Pour faciliter la réflexion, ils rappellent que ces microstresseurs se situent habituellement à la jonction de différentes facettes de notre vie, comme à l’inéluctable point de friction entre vie personnelle et professionnelle, ou au croisement des dimensions sportives, communautaires et spirituelles de nos existences.

En somme, cette mise à jour de nos connaissances sur le stress nous permet de confronter des croyances bien ancrées et de nous sensibiliser au microstress. En combinant de nouveaux savoirs et des stratégies connues et éprouvées de gestion du stress (méditation, activités physiques, relations sociales enrichissantes), nous pouvons tous apprendre à «mieux stresser».


Note

[1] Cross, R., Dillon K., The Hidden Toll of Microstress, Harvard Business Review, 7 février 2023.