L'éditeur en chef du groupe Forbes Media plaide pour un plus grand accès au crédit, moteur de la relance économique. 

L’'avenir est mouvant et de demain, nul n’'est certain...… Toutefois, certains personnages sont peut-être davantage dans le secret des dieux que d'autres. L'’un de ceux-là, certes plus grand que nature, est Steve Forbes, le président du conseil et l’'éditeur en chef du groupe Forbes Media, spécialisé en information d'affaires.

Conférencier invité au Forum FinTech Canada 2016, qui se déroule les 20 et 21 septembre dans la métropole québécoise, Steve Forbes a jeté un regard franc et lucide sur l'état de l'économie mondiale. L'homme est direct, sans détours, et a annoncé, dans les premières secondes de son allocution, la couleur de son propos : « As you know, the world economies are in crisis, but crisis also points to opportunities » Le titre de sa conférence,  « La finance et l’'économie mondiale –- Le futur est meilleur que vous ne le pensez », allait-il apporter un peu d'espoir aux centaines de personnes qui s'’étaient déplacées au Palais des Congrès de Montréal pour l'’entendre?

Un bilan somme toute décevant

Pour le magnat de la presse, le bilan de l'économie mondiale, loin d'être rose, est plutôt teinté de gris : « When you look around the world, it is hard to find any country that is going very well », a-t-il dit. Pour Steve Forbes, l'économie américaine progresse, mais à un rythme plutôt lent; la croissance est anémique au Canada; la plus grosse économie de l'Amérique du Sud, celle du Brésil, est à la dérive; la Chine est aussi victime d'un ralentissement occasionné par sa transition vers une économie de consommation. Quant à l'Europe, « Enough said! » a-t-il marqué avec humour! Conséquence inévitable de cette situation économique morose, le climat politique mondial s'en ressent également. L'éditeur du Forbes évoque, à l'appui de ce constat, le récent « brexit» anglais, les attaques menées de part et d'autre contre les accords de libre-échange et la montée en popularité des partis d'extrême-droite des deux côtés de l'Atlantique. En somme, les gouvernements sont actuellement impuissants à apaiser un tant soit peu les maux de l'économie mondiale, constate Steve Forbes.

Les instances politiques pointées du doigt

« What we are going through in the world right now is the result of policies errors, policies that need to be corrected. » On ne s'étonnera pas du doigt accusateur pointé par M. Forbes à l'égard des politiques monétaires menées déployées par les diverses instances gouvernementales en charge des économies les plus puissantes de la planète. Pouvait-il en être autrement pour celui que l'on situe généralement à droite du spectre idéologique et qui, à deux reprises (1996 et 2000), a brigué l'investiture du Parti républicain?

Mais tout n'est pas perdu! Bien à l'affût des changements technologiques en cours, et notamment dans le domaine de la finance, l'observateur intéressé qu'est Steve Forbes entrevoit, pour reprendre ses propos, « a new golden age of economic growth. » Mais avant d'en goûter les doux fruits, les dirigeants politiques devront revoir la nature même de la politique monétaire et, in fine, revoir également l'utilisation qu'ils en font.

L'argent, la simple mesure d'une économie

Car c'est à ce chapitre que le bât blesse principalement, selon Steve Forbes. L'argent ne devrait être qu'un étalon, qu'un outil de mesure, de la santé d'une économie. À ce titre, agir sur les flux monétaires par l'entremise de la politique monétaire s'est avéré, par le passé, catastrophique, et l'est tout autant aujourd'hui. Dans le cas américain, par exemple, la baisse des taux d'intérêt et la volonté de maintenir un dollar américain faible afin de favoriser les exportations auront provoqué une ruée vers les refuges que sont l'or ou le pétrole, avec un effet à la hausse sur le prix de ces derniers. Et l'inverse est tout aussi vrai. Les gouvernements doivent cesser, dit en substance M. Forbes, de jouer aux apprentis-sorciers avec la baguette magique que constitue la politique monétaire. « Economies are not machines », affirme M. Forbes.

Les plus récentes politiques de la Réserve fédérale américaine, en laissant le taux directeur frôler le zéro, ont largement favorisé les divers paliers gouvernementaux et les grandes entreprises. De fait, constate l'éditeur, le crédit des gouvernements (villes, États et gouvernement fédéral) s'est accru de 37 % et celui des grandes entreprises, de 32 %. Quant au crédit des PME américaines et des particuliers, véritables dynamos de la croissance économique, celui-ci n'a connu qu'une mince inflation de 6 %. Cela explique le faible taux de création de nouvelles entreprises, selon M. Forbes

Combattre la contraction du crédit

Nous devons, souhaite M. Forbes, promouvoir une véritable « libération » du capital. Exit, les taux d'intérêt négatifs qui ne font que restreindre la circulation du capital et rendre le crédit plus difficile. Exit, toutes les entraves (entendre ici les politiques monétaires boiteuses) qui, d'une manière ou d'une autre, restreignent l'accès au capital pour investir dans les entreprises existantes et celles à voir le jour. Et à ce titre, l'arrivée de nouvelles pousses dans le domaine des fintechs ne pourra que contribuer positivement à rendre plus aisé l'accès au capital. « Change is coming! », a prévenu Steve Forbes. Voilà le credo d'un homme qui demeure profondément attaché aux principaux moteurs de la croissance économique que sont l'individu et le progrès technologique.


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