Dans leurs recherches d’un premier emploi après l’université, les étudiants négligent bien souvent les petites et moyennes entreprises. En quoi une première expérience professionnelle dans une PME diffère-t-elle de celle vécue dans une grande société? Tour d’horizon.
 
Dénicher après vos études un premier poste qui s’harmonise parfaitement avec vos besoins, vos valeurs et vos objectifs comporte son lot de difficultés et d’inconnus. Il est normal de ne pas trouver le parfait milieu de travail dès le premier emploi, indique Catherine Leduc, conseillère en orientation au Service de gestion de carrière de HEC Montréal. Une période d’expérimentation en début de carrière serait même bénéfique, puisqu’elle vous permettrait d’éclaircir les décisions à prendre plus tard, au cours de votre cheminement professionnel.

Il n’en demeure pas moins que de vous questionner sur l’environnement qui favoriserait votre développement professionnel en amont de votre recherche d’emploi contribue à une première expérience réussie.

Carrières

PME et grande entreprise : des distinctions qui ne sont pas nettes

Au Canada, 88,5% des salariés du secteur privé travaillent pour une petite ou une moyenne entreprise. Outre le nombre d’employés qui dissocie la PME (moins de 500 salariés) de la grande entreprise, «distinguer de manière très claire les deux types d’organisation n’est pas si évident», reconnaît Sylvie St-Onge, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal. Selon elle, il est fautif d’établir un lien de corrélation directe entre l’environnement de travail offert par une organisation et son nombre d’employés.

Néanmoins, certaines tendances se dégagent. Avec un effectif plus restreint, la hiérarchie tend à être moins prédominante dans les PME. Se joindre à ce type d’organisation dans un poste d’entrée donnerait ainsi un accès privilégié aux dirigeants, en plus de permettre l’obtention de responsabilités accrues.

Par ailleurs, la petite et moyenne entreprise demande fréquemment davantage de flexibilité dans le rôle de ses employés. «La PME, par sa taille, emploie moins d’experts. Elle ne peut pas se payer une expertise dans chaque fonction et s’attend donc à ce que l’employé soit un généraliste dans sa discipline», explique Sylvie St-Onge.

En général, les ressources financières y sont également plus limitées. «Les budgets pour le développement de la main-d’œuvre sont parfois adoptés de manière moins formelle; il faut donc prendre davantage d’initiatives», ajoute la professeure.

Bien que chaque organisation ait un environnement de travail distinct, les PME offrent habituellement un climat de proximité valorisant l’autonomie et la responsabilisation, alors que les grandes entreprises proposent plus de structure et d’accompagnement.

Une question d’aspirations et de priorités

«À peu près toutes les personnalités peuvent se retrouver autant dans une grande entreprise que dans une PME », affirme Sylvie St-Onge. Selon elle, c’est plutôt des besoins ou certains désirs qui guident le premier choix de carrière dans un sens ou dans l’autre.

La professeure évoque à cet effet l’exemple d’un individu qui chercherait à gravir les échelons et qui trouverait une forme de valorisation dans l’atteinte de postes prestigieux. Celui-ci serait souvent mieux servi dans une grande entreprise que dans une PME. En effet, alors que la première prévoit des possibilités de mobilité tant verticale qu’horizontale, la seconde présente parfois un potentiel de promotion restreint.

Inversement, un étudiant qui désire avoir un impact concret rapidement dans son parcours professionnel pourrait prioriser les organisations de plus petite taille. «Dans une carrière où on se définit par ce qu’on apporte et l’incidence de nos décisions sur l’avenir de l’entreprise, une personne peut être plus choyée dans une PME que dans une grande organisation où elle aura peut-être l’impression d’être un numéro et d’être facilement remplaçable», remarque Sylvie St-Onge.

Les organisations de taille supérieure tendent par ailleurs à offrir des conditions salariales et des avantages sociaux plus généreux. Selon Statistique Canada, le salaire hebdomadaire moyen dans les entreprises ayant de 50 à 100 employés était de 1 006,28$ en 2020, comparativement à 1 205,61$ pour les organisations de plus 500 salariés.

Tout en reconnaissant que cette considération demeure importante, Catherine Leduc met en garde les étudiants pour qui les avantages financiers seraient la principale motivation dans un premier choix de carrière. «Si votre décision est uniquement axée sur le salaire, c’est peut-être que vous n’avez pas considéré ce que vous désirez réellement dans un emploi», croit-elle.

Des réalités à prendre en considération

Le type d’entreprise que l’étudiant est susceptible de joindre en sortant de l’université dépend aussi de son secteur d’études et de l’emploi qu’il souhaite occuper, selon Sylvie St-Onge. Par exemple, les professionnels qui évoluent dans le milieu de la finance de marché ou de l’assurance ont davantage d’opportunités d’emploi dans de très grandes organisations. À l’inverse, les PME occupent une place prédominante dans certaines industries manufacturières, notamment à l’extérieur des métropoles.

La spécialisation choisie lors du parcours scolaire influence aussi le choix du type d’entreprise. Certaines compétences avancées ont tendance à être convoitées par des entreprises de plus grande taille, celles-ci ayant les ressources nécessaires pour embaucher un employé occupant des fonctions plus pointues.

Dans le même ordre d’idées, la polyvalence que recherchent les PME les amène parfois à se méfier des professionnels ayant fait des études de second cycle. «La décision de faire une maîtrise a le caractère implicite de se diriger vers une plus grande entreprise», note à cet effet Sylvie St-Onge.

Certains milieux, notamment celui de la consultation, priorisent également des cheminements laissant moins de place à l’exploration. Les entreprises dans ces domaines recherchent souvent de jeunes talents qu’elles vont pouvoir accompagner dans leur développement. «Dans ces milieux où il y a beaucoup de compétition, le premier choix de carrière va être déterminant», mentionne Catherine Leduc. Elle soutient néanmoins que cette réalité touche uniquement certaines industries ciblées à l’intérieur desquelles les parcours atypiques demeurent possibles.

Visualiser et s’informer

«Est-ce que vous vous voyez travailler plus tard en habits dans un grand bureau avec une fenêtre qui donne sur le centre-ville, ou en chandail à manches courtes à dîner dans la cafétéria de l’entreprise?», questionne Sylvie St-Onge. La visualisation demeure, selon elle, la meilleure manière de choisir un environnement de travail qui s’harmonise avec ses aspirations.

Parallèlement, pour bâtir son opinion sur le type d’organisation recherché, il importe de connaître les opportunités offertes. C’est pourquoi Catherine Leduc incite les étudiants à s’investir dans leur cheminement professionnel et à aller chercher des réponses à leurs questions.

Les personnes qui ont des doutes quant à la direction qu’elles souhaitent donner à leur carrière devraient utiliser les ressources qui sont mises à leur disposition, conseille-t-elle. Consulter la documentation disponible visant à appuyer les étudiants dans leur choix de carrière ou rencontrer un professionnel est souvent un bon point de départ. Participer aux différentes activités de réseautage qui sont proposées sur les campus est aussi un excellent moyen de s’entretenir avec des professionnels qui évoluent dans divers domaines. Les rencontres d’information, souvent plus accessibles que ce qu’imaginent les étudiants, permettent également de découvrir en profondeur une industrie ou une organisation.

Catherine Leduc vante également les bienfaits des stages en entreprise. Ceux-ci offrent l’opportunité de confronter ses préjugés et de valider ses intentions de carrière. «La meilleure façon d’apprendre à connaître un style d’organisation est de s’exposer à sa réalité», conclut-elle.

Faire ses débuts dans une PME : l’expérience de Suzy Truong

Après son parcours à HEC Montréal, où elle a obtenu un baccalauréat en administration des affaires avec une spécialisation en management et en affaires internationales, Suzy Truong a fait ses premières armes sur le marché du travail au sein de la firme Poudre Noire.

L’entreprise, qui se définit comme partenaire de la transformation numérique des organisations, ne comptait alors pas plus d’une quinzaine d’employés. Pour la jeune diplômée, la PME offrait une excellente porte d’entrée dans un milieu où les candidats s’arrachent les quelques postes disponibles.

«Je désirais surtout rentrer en agence, ce qui n’est pas toujours facile, explique-t-elle. Je suis tombée sur Poudre Noire grâce à la référence d’une personne qui travaillait là-bas. Si c’était à refaire, je n’y changerais rien.»

Suzy Truong a rapidement été exposée à des rôles et à des projets variés. C’est d’ailleurs ce qui distingue son expérience de celle vécue par des collègues ayant rejoint de plus grandes agences à leurs débuts sur le marché du travail. «Chez Poudre Noire, c’était un peu comme de l’apprentissage en format concentré. J’étais amenée à travailler avec plusieurs services et avec des experts de divers secteurs. J’avais l’impression d’apprendre très vite et d’avoir un grand impact», raconte-t-elle.

Sans généraliser, elle pense que pour certains amis, commencer leur carrière en travaillant pour une grande entreprise au nom connu était une source de grande fierté. «Mais les choses n’allaient pas toujours aussi vite que ce qu’ils auraient souhaité», précise-t-elle.

Bien que recevoir peu d’encadrement fût parfois éprouvant, elle estime que c’est ainsi qu’elle a développé sa polyvalence et sa débrouillardise, deux qualités cruciales à l’exercice de ses fonctions chez Rethink, où elle travaille actuellement.

«Je suis stratège. Mon rôle consiste donc à mettre de l’ordre dans le chaos. Peu importe le type de mandat ou l’industrie du client, il faut être polyvalent et débrouillard pour ne pas voir l’inconnu comme un frein, mais plutôt comme une motivation», souligne-t-elle.

S’appuyant sur ses expériences personnelles, Suzy Truong offre le conseil suivant aux étudiants qui ne sauraient choisir entre la PME et la grande entreprise : «Ne pas se mettre trop de pression. L’apprentissage est partout.»