À l’ère du travail à distance, les pratiques de recrutement des organisations ont été considérablement transformées, notamment en raison de la crise sanitaire provoquée par le coronavirus. Or, pour les chercheurs d’emploi, le stressant moment de l’entretien d’embauche demeure toujours fatidique. Comment alors faire bonne impression quand tout se déroule à distance?

Pour Boris Nonveiller, bibliothécaire de formation tout juste sorti de l’université, la recherche d’un premier emploi s’est avérée très formatrice. Il faut dire que le contexte de pandémie mondiale de COVID-19 dans lequel il était plongé n’avait rien de banal. Au printemps 2020, ce jeune diplômé s’est retrouvé dans un marché de l’emploi quasi désert. Au cours de ses démarches pour dénicher un travail, M. Nonveiller a enchaîné les entrevues d’embauche à distance. Il revient ici sur les différents défis qu’il a rencontrés.

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1. Se préparer pour mieux se raconter

Boris Nonveiller l’avoue : il y a certaines entrevues pour lesquelles il n’était tout simplement pas préparé, surtout dans les premiers mois de sa recherche d’emploi. «J’ai envoyé tellement de CV, sans vraiment obtenir de résultats pendant les trois premiers mois, se remémore-t-il. La première fois qu’on m’a appelé, je n’étais pas vraiment préparé. J’étais surtout stressé.»

Anne Bourhis, professeure titulaire au Département de gestion des ressources humaines de HEC Montréal et spécialiste du télétravail, n’est pas surprise : «Étonnamment, dans l’expression entrevue à distance, le mot le plus important, c’est entrevue. Il faut se préparer comme si la rencontre se déroulait en personne. La distance, ce n’est qu’une modalité.»

Le bon candidat, mentionne la professeure, c’est celui qui sait bien «se raconter». Elle conseille ainsi à tous les candidats de relire attentivement la description du poste, de repérer les caractéristiques et les qualités recherchées et de préparer des exemples de situations passées dans lesquelles ces qualités ont été mises en valeur.

2. Bien se présenter : le cadrage et l’éclairage

Si la distance n’est qu’une modalité, elle a néanmoins ses particularités. Au fil de ses expériences, M. Nonveiller l’a bien compris. Lorsqu’il a été convoqué en entrevue pour un poste de rêve – bibliothécaire dans un collège de Montréal –, il a redoublé d’efforts pour faire une bonne première impression. «J’ai surélevé mon ordinateur et j’ai utilisé une webcaméra, parce que la caméra de mon ordinateur n’est pas très bonne», relate-t-il. Surtout, il a allumé à l’avance ses outils technologiques pour faire les dernières mises au point.

«L’écran s’allume et la première chose que tu vois, c’est la personne et la façon dont elle se présente, confirme Joannie Couture, cheffe de section et recruteuse pour la Société de transport de Montréal. Ensuite, notre regard se pose sur l’arrière-plan.» Il est alors primordial d’opter pour un arrière-plan neutre, où rien ne pourrait distraire l’œil du recruteur.

Se pose finalement la question de l’éclairage. «Je n’ai pas vraiment l’œil pour ces choses-là, reconnaît M. Nonveiller. J’ai alors demandé conseil à ma conjointe. Nous avons allumé une lampe dans le couloir de l’appartement et orienté une lampe de lecture vers moi.»

Pour Anne Bourhis, le candidat a eu le bon réflexe. Ceci dit, elle précise que les recruteurs ne sont pas des photographes professionnels et qu’ils ne s’attendent pas à ce que les candidats le soient non plus. Bien que la plupart des recruteurs fassent preuve d’une certaine tolérance, la professeure note toutefois qu’ils espèrent qu’un candidat fasse un effort pour avoir un bon angle de caméra et être bien visible.

3. Maîtriser l’environnement technique

Pour son dernier entretien, M. Nonveiller devait préparer un exposé de cinq minutes accompagné d’une présentation visuelle, le tout sur une plateforme avec laquelle il n’était pas familier. Il a donc enchaîné les répétitions pour s’assurer que tout se passe sans anicroche. «Je me suis même enregistré sur Teams pour voir de quoi la présentation avait l’air lorsque je passais d’une fenêtre à l’autre», raconte-t-il.

Nos deux expertes saluent l’effort de M. Nonveiller, mais tempèrent tout de même la gravité d’un éventuel problème technique. «L’important, c’est de rester calme, de ne pas se laisser déstabiliser», recommande Mme Couture.

«Le problème, prévient Anne Bourhis, c’est qu’un inconvénient du genre risque de vous troubler. Une entrevue, c’est déjà assez stressant : pas besoin d’y ajouter une couche d’incertitude.» Pour la professeure, la préparation reste le meilleur moyen de limiter ce stress.

4. S’isoler, dans la mesure du possible

Chercher un endroit calme pour rencontrer les recruteurs, voilà la clé pour une entrevue réussie. Si les distractions sonores ou visuelles ne sont pas dramatiques, le candidat doit tout de même démontrer qu’il a fait un effort pour s’assurer d’être dans des conditions gagnantes, croit Joannie Couture.

Or, pour Boris Nonveiller, le calme est souvent difficile à trouver, puisque sa conjointe et lui ont accueilli leur premier enfant au début de la pandémie. Au stress de l’entrevue s’ajoute alors la crainte que son nouveau-né requière son attention durant la rencontre. Il craint que les pleurs de son bébé le fassent paraître moins professionnel.

Mme Couture tient à dissiper cette inquiétude. «Comme recruteuse, ce n’est pas quelque chose qui pourrait affecter ma perception du potentiel de la personne.» Anne Bourhis suggère quant à elle l’honnêteté. «On peut tout simplement dire : “Écoutez, j’ai un nouveau-né à la maison, il est possible que vous l’entendiez pleurer, mais ne vous inquiétez pas, il y a quelqu’un dans l’autre pièce qui s’en occupe.” Je crois que c’est rassurant pour les recruteurs et que ça humanise le candidat.»

5. Être dynamique, sans interrompre

Le son est un enjeu important dans ce type d’entrevue. Les micros et les haut-parleurs peuvent être capricieux, ce qui rend parfois la conversation laborieuse. «Il faut faire attention à ses réactions», soutient Boris Nonveiller, qui admet avoir de la difficulté à rebondir à chaud ou même à acquiescer sans avoir peur d’interrompre son interlocuteur.

Or, pour Mme Couture, «l’entrevue est un ballet chorégraphié par les recruteurs». Il leur revient donc d’avoir un bon plan de match pour éviter le brouhaha, surtout s’ils sont plusieurs lors de la rencontre. Elle recommande toutefois aux candidats d’être toujours à l’écoute afin de déterminer le moment opportun pour répondre aux questions et entrer dans la conversation.

Avec tous les changements qui s’opèrent dans les pratiques de recrutement, chose certaine, les entretiens d’embauche virtuels sont là pour rester. C’est d’ailleurs ce que confirme Anne Bourhis : «C’est vrai surtout pour la première entrevue. L’économie de temps, pour les candidats et pour les recruteurs, est trop importante pour que cette pratique instaurée en temps de pandémie ne perdure pas», conclut-elle.