Article publié dans l'édition Printemps 2021 de Gestion

Comment les gestionnaires réagissent-ils à la situation exceptionnelle provoquée par la pandémie de COVID-19? Résilience adaptative, management de crise, nouvelles possibilités : la crise sanitaire apporte son lot de défis et de solutions ingénieuses, révèle une enquête menée par le Business Science Institute sous la direction de Michel Kalika.

Le temps est à la résilience plutôt qu’à la résistance. Qu’il s’agisse de protéger les employés, de superviser les relations avec les clients, de numériser les entreprises, de gérer à distance de façon efficace, de réduire les dépenses pour tenir le coup ou de sécuriser les outils informatiques, le monde du travail a basculé dans une gestion de crise sur tous les plans. Trente professeurs et chercheurs du Business Science Institute, en Europe, ont enquêté sur les perceptions, sur les pratiques et sur les perspectives des gestionnaires en première ligne.

La place (future) du numérique

À propos du rôle des technologies de collaboration à distance, cette enquête menée en ligne a d’abord révélé le recours à des outils qui reposent sur la synchronisation. Le télétravail, qui a accéléré la maîtrise de plusieurs technologies de ce type, devrait d’ailleurs persister après la crise. Sur les 171 répondants au sondage, «59 % [ont] indiqu[é] vouloir demander à leur employeur de télétravailler dans le futur», note le professeur et auteur français Michel Kalika. L’urgence actuelle? Faciliter un véritable accès à la technologie et faire entrer les gens dans la culture numérique. Mais après cette phase d’adaptation viendra le temps, selon la professeure Chantal Fuhrer, qui a contribué à l’ouvrage, non seulement de décider de la nature des interactions qu’on souhaitera favoriser entre les hommes et les machines mais aussi de réfléchir à nos futures relations au travail.

Prendre soin des autres

Cette crise globale a exacerbé une attention focalisée sur la bienveillance, estime le professeur Yvon Pesqueux : «On passe de la conquête à la quête, du souci de soi au souci des autres dans le cadre d’une sollicitude généralisée, c’est-à-dire en libérant la réflexion d’une pensée de l’intérêt.» Le monde du travail deviendra-t-il plus attentionné? Selon lui, cette philosophie pourrait bien soutenir l’éthique professionnelle et mériter toute l’attention des dirigeants.

En écho à cette bienveillance, l’économiste Gabriel Tremblay a noté chez une grande majorité des employés qui œuvrent dans divers secteurs d’activité le souhait de «se concentrer sur leur bien-être et sur la santé de leur famille». Voilà de quoi inciter à valoriser les mesures favorables à la qualité de vie. Par exemple, «l’amélioration des niveaux d’assurance maladie et invalidité pourrait également faire partie des stratégies qui seront mises en place pour retenir les employés et aussi pour limiter les risques de santé publique pour l’entreprise en protégeant mieux ses employés».

Un nouvel état d’esprit

Même le style de direction devrait évoluer vers un nouvel état d’esprit. «Une confiance accrue résultant d’une distance renforcée» devrait se hisser sur la première marche du podium managérial, estime le professeur émérite Jean-Pierre Helfer. Lors de l’enquête, 35 hauts dirigeants d’entreprise ont souligné à quel point il est important de questionner à la fois la hiérarchie des valeurs, les solutions locales et de proximité pour fidéliser les clients ainsi que les responsabilités et les objectifs en matière d’éducation durable, rapporte Michelle Bergadaà, une autre universitaire qui a contribué à cet ouvrage.


Note

Kalika, M. (dir.), L’Impact de la crise sur le management, Caen Éditions EMS, 2020, 276 pages.