Nous avons tous aperçu ces symboles largement disséminés au cours de la pandémie de COVID-19 : un arc-en-ciel orné du fameux message « Ça va bien aller! ». Plusieurs habitations affichaient dans leur fenêtre ce mot d’encouragement. Des messages utilisant les mêmes symboles complétaient également nombre de signatures des courriels échangés. Ces mesures simples visaient à transmettre une lueur d’espoir et à marquer sa solidarité dans un contexte éprouvant.

Confinés à un mode de télétravail et de réunions virtuelles, nombre de travailleurs ont vécu dans ce contexte particulier une période de stress important, voire de détresse. Des études menées au cours de la période indiquent d’ailleurs l’atteinte de niveaux élevés de stress et d’indices de détresse, largement supérieurs aux niveaux prévalant avant la pandémie[1]. L’une des études parues indique même que 50 % des travailleurs québécois souffriraient d’un niveau élevé de détresse psychologique[2].

Derrière ces statistiques se cachent des sources de stress variées, souvent inusitées. Certains travailleurs se sont retrouvés à s’occuper d’une jeune famille tout en maintenant leurs engagements professionnels, d’autres ont été complètement isolés, coupés de tout lien social en « présentiel ». Après quelques heures de rencontres sur les principales plateformes collaboratives de télétravail, une fatigue certaine apparaissait, le fameux « Zoom fatigue »[3]. Les modes habituels de ressourcement, comme les sorties, les rencontres entre amis, étaient également retirés du répertoire d’outils. Peu à peu, nous avons été témoins de la fatigue de nos collaborateurs, et de l’apparition de tensions relationnelles et d’irritants, puis d’indices d’épuisement, voire de détresse chez certains.

La réponse collective de soutien à ce nouveau contexte est à plusieurs titres fort louables : webinaires gratuits, entrevues avec des médias, fiches-conseils disséminées sur les réseaux sociaux. Ces recommandations visaient à répondre à quatre principaux besoins découlant de ce contexte : maintenir la productivité, vaincre les méfaits de l’isolement, concilier au mieux le télétravail et la vie personnelle et maintenir une bonne santé psychologique. L’affaire de chacun au départ, nous avons rapidement saisi l’influence de nos collaborateurs sur notre état, où la réalité de l’un vient affecter l’autre. Nous reprenons ici certaines recommandations formulées à l’égard du quatrième besoin, maintenir une bonne santé psychologique, tout en reconnaissant que ces besoins sont interdépendants.

Maintenir le cap sur sa santé psychologique en contexte de télétravail imposé

Les conseils sont nombreux sur les réseaux sociaux. Les études ayant vérifié les effets de ces mesures diverses dans le présent contexte demeurent à ce moment peu nombreuses. Pour connaître leur valeur prospective, une clé consiste à les considérer à quelles causes de malaise ces mesures s’attaquent. Sans viser l’exhaustivité, nous proposons un regard sur trois risques partagés : l’isolement social, la contreperformance et la détérioration du climat de travail.

Isolement et santé psychologique

Tous, nous avons à satisfaire un besoin social d’appartenance, d’être en relation, avec des personnes significatives. Le manque de contacts sociaux fréquents, de qualité ou signifiants augmenterait le stress, la détresse et pourrait nuire au maintien de la santé psychologique. Le travail en mode présentiel constituerait pour certains la seule ou l’une des rares avenues pour combler ces besoins. Ainsi, coupés de ces contacts quotidiens ou réguliers, ou confinés à une interface virtuelle, bon nombre de travailleurs ne peuvent les satisfaire pleinement.

Les mesures efficaces fréquemment mises en place ont été à la fois innovantes et salutaires. Plusieurs équipes ont créé des espaces de discussion ouverte en continu entre équipiers ou ont fait place à des discussions lors de rencontres d’équipe ou de façon juxtaposée. Plusieurs organisations ont également renouvelé et aménagé des occasions dédiées à cette fonction, comme les 5 à 7 virtuels hebdomadaires. D’autres ont encouragé l’accès à des mesures de soutien, comme les lignes d’entraide ou les programmes d’aide au personnel. Le déconfinement progressif permet enfin de renouer avec ses proches, collaborateurs, amis ou membres de la famille. Il faut y accorder du temps. Toutes ces mesures renforcent le rôle du travail dans la satisfaction des besoins sociaux des personnes.

Performance et bien-être psychologique

L’adage « satisfait et en santé, un employé sera performant » est largement connu, mais la recherche soutient également une formulation alternative, à contresens : la performance favoriserait le maintien d’une bonne santé psychologique. Face aux difficultés rencontrées dans la réalisation de son rôle et de ses responsabilités dans le présent contexte, les frustrations semblent inévitables dans nombre d’équipes.

Les nouveaux obstacles, délais inédits, incertitudes et ambiguïtés participent également à ce stress important. Cela demande à chacun de s’ajuster en continu, mais aussi pour le leader de partager sa vision, les objectifs à atteindre et les priorités et, au besoin, de recadrer les efforts de chacun sur les cibles essentielles. Le principe étant de soutenir la performance en identifiant et en aplanissant les éléments stressants, par des gestes concrets comme celui de communiquer une rétroaction constructive, claire et bienveillante menant à des ajustements en cas de tension relationnelle. Dans certains cas, il faudra également innover pour aménager la coordination du travail en considérant la réalité de chacun : horaire de travail asynchrone, tâches considérant la situation personnelle, respect accru des zones de talents. 

Un climat de travail sain, l’affaire de tous

Le climat de travail sain repose sur la confiance réciproque voulant que chacun soit traité avec la considération et le respect requis. On consacre une littérature importante à ce concept qui influencerait à la fois la conduite, la performance et la santé des personnes. Alors que l’on remet d’emblée au supérieur immédiat la responsabilité de maintenir un climat positif au sein de son équipe, il semble que la contribution de chacun soit bénéfique.

Par des gestes simples, des marques de considération et de respect, tous sont en mesure de contribuer au maintien ou à l’assainissement de l’expérience du travail de chacun. Ces tout petits gestes – saluer, remercier, reconnaître – marquent notre volonté à créer un espace commun sécurisant, un sentiment de solidarité où chacun peut évoluer et contribuer à sa pleine mesure. D’autres mesures contribuent au maintien d’un climat favorable en contexte de télétravail : inviter l’expression des interrogations ou préoccupations (et y répondre!), réitérer le droit à l’erreur, favoriser la communication de rétroactions constructives entre équipiers, expliquer aux collègues son contexte personnel de vie, aborder les irritants communs du télétravail en invitant chacun à identifier des solutions. Alors que les climats malsains voient l’apparition de conduites inciviles, la solidarité atténuerait a contrario le stress, l’insécurité et comblerait certains besoins sociaux de première importance.

En ajoutant le maintien de saines habitudes de vie usuelles, les présentes mesures apporteront sans doute une atténuation du stress vécu dans un contexte de télétravail imposé. Prendre soin de ses équipiers et les soutenir représente une avenue collective efficace pour « tenir le coup ». Cela implique au préalable de reconnaître le rôle de l’équipe dans la protection de la santé des équipiers. L’élan de solidarité qui marque présentement notre société constitue en ce sens un contexte des plus favorables à ces mesures collectives.

 

Références :

[1] Finley, L. et Arim, R. (2020, 24 avril). StatCan et la COVID-19 : Des données aux connaissances, pour bâtir un Canada meilleur (publication no 45280001). Statistique Canada.

[2] Université Laval. (2020, 5 juin). Pandémie : près de 50 % de détresse psychologique chez les travailleurs québécois. ULaval Nouvelles.

[3] Sardeshmukh, S. R., Sharma, D. et Golden, T. D. (2012). Impact of telework on exhaustion and job engagement: a job demands and job resources model. New Technology, Work and Employment, 27(3), 193-207.