Article publié dans l'édition automne 2018 de Gestion

Les marques sont partout. Elles nous habillent et nous habitent. Elles façonnent notre identité sociale. Dès lors que les consommateurs s’emparent des marques, comment accompagner le mouvement? Conseils de Bernard Cova, professeur à la Kedge Business School, aux marketeurs.

De la culture des marques…

Le phénomène est nouveau, fait observer Bernard Cova : les marques possèdent une vie sociale indépendante des entreprises qui les ont créées et qui croient – encore – les posséder. Le véritable pouvoir des marques est moins dans le produit que dans l’expérience qu’elles offrent aux consommateurs en mal de reconnaissance. La consommation d’expériences devient peu à peu un moyen d’exister par les loisirs, la culture, le sport, les voyages. Certaines marques liées à des activités, comme Apple ou Harley-Davidson, l’ont bien compris.

... aux marques cultes...

Les marques cultes sont reconnaissables à leur statut d’icône. Leur histoire – transformée en mythe – imprègne l’imaginaire social. La vénération peut aller très loin, jusqu’à leur consacrer une journée de célébration annuelle, par exemple la journée officielle Star Wars, le 4 mai. Au programme : déguisements, jeux, concours, marathon de films, rabais sur certains produits... et une visite à l’hôpital auprès d’enfants malades afin de faire passer au second plan la dimension commerciale de cette fête.


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Autre symptôme de marque iconique : l’utilisation du nom de la marque comme verbe, tant à l’écrit qu’à l’oral. Par exemple, « ubériser », introduit dans l’édition 2017 du Petit Robert. « Alors qu’il y a encore deux décennies, les entreprises luttaient pour empêcher tout usage générique de leur nom de marque [...], aujourd’hui, on pousse à la généricisation des noms de marques », note l’auteur.

... jusqu’aux communautés de marques!

Pour avoir une communauté autour de sa marque, il faut d’abord définir sa stratégie : capitaliser sur une communauté existante, en coopter une autour d’une activité ou la créer. Ensuite, il s’agit de repérer les sous-groupes et leurs dynamiques. Surtout, « le capital principal de la marque, ce ne sont pas ses produits et ses services mais les liens qui se sont créés entre les membres de sa communauté », souligne Bernard Cova. Conséquence : « Il faut multiplier toutes les occasions d’interaction hors ligne comme en ligne des membres de la communauté. » L’instauration d’« une valeur de lien » commande de saisir les codes de la communauté, de susciter l’événement, de cultiver l’esprit communautaire, sans oublier le besoin de reconnaissance : « La communauté doit aussi faciliter l’“exposition de soi” des consommateurs » en incitant à raconter et à montrer son expérience personnelle de la marque.

Le marketing collaboratif

Autre nouveauté : au-delà des personnalités ambassadrices, des consommateurs œuvrent bénévolement à promouvoir la marque. Le marketing collaboratif mise sur le désir des consommateurs de se sentir utiles en leur proposant de tester des prototypes avant leur lancement, de participer à un anniversaire de marque, d’offrir des idées innovantes pour développer une plate-forme... L’entreprise « ne doit pas chercher à les satisfaire comme des consommateurs ou à les motiver comme des employés mais à les mobiliser dans un programme de collaboration », prévient l’auteur. Il s’agit de reconnaître la valeur de l’engagement, de stimuler l’empathie, de remercier, de récompenser... si possible dans une ambiance festive !


vie sociale des marques Cova B., La Vie sociale des marquesCaen, Éditions EMS, 2017, 195 p.