Article publié dans l'édition Hiver 2019 de Gestion

Comment conjuguer l’envie de travailler « autrement », en rupture avec les modes traditionnels de management, et les besoins d’innovation collaborative ? Sous quelles formes managériales peut-on y parvenir ? Un collectif de chercheurs a fait enquête au sein de 10 entreprises. Constats.

Autissier, D., Moutot, J.-M., et Johnson, K., L’Innovation managériale – Design thinking, réseaux apprenants, entreprise libérante, intelligence collective, modes collaboratifs, ateliers participatifs, shadow cabinet, hackathon, junior entrepreneur...

Autissier, D., Moutot, J.-M., et Johnson, K., L’Innovation managériale – Design thinking, réseaux apprenants, entreprise libérante, intelligence collective, modes collaboratifs, ateliers participatifs, shadow cabinet, hackathon, junior entrepreneur... , Paris, Eyrolles, 2018, 224 pages.

En gestion, le principe traditionnel « commander/contrôler » fait l’objet de critiques récurrentes : fonctionnement pas assez réactif, trop bureaucratique, peu transparent et très politique, décisions imposées, etc. « Le manager d’aujourd’hui n’est plus seulement une tour de contrôle mais un véritable noyau de connexion entre des personnes et des contextes, permettant la production, le pilotage et l’innovation tout en veillant au bien-être des individus », affirment les auteurs. Cette rupture s’exprimerait notamment par l’obsolescence des quatre grands principes suivants : la prévisibilité de l’activité future, la causalité simple et extrinsèque des motivations, la hiérarchisation des circuits d’information et la durée des cycles économiques.

Tout au « co » ?

La tendance organisationnelle actuelle est au collaboratif : co-construction, co-évaluation, co-direction, co-développement, co-design, etc. Jamais l’intelligence collective n’a été à ce point mobilisée et la participation autant valorisée. Cette collaboration à tous égards – production, performance, innovation et bien-être – façonne le management d’aujourd’hui.


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Des pavés dans la mare

En écho à la littérature critique, les auteurs dressent quelques constats. L’innovation managériale touche peu les employés et demeure cantonnée aux champs de la R-D, du contrôle de la qualité et du marketing. Victime des jeux de pouvoir, elle peine à s’imposer auprès des directions attachées à une logique de contrôle. Et même lorsque cette innovation est attendue par les salariés et encouragée par les dirigeants, il existe un autre obstacle : « Les grands modèles de management et tous les contenus enseignés dans les cours de management des écoles et des universités sont, pour la plupart, des travaux et des publications menés il y a plus de 40 ans », affirment les auteurs.

Liens, liberté, bien-être, performance

Selon l’expérience d’entreprises audacieuses, l’innovation managériale s’appuierait sur quatre piliers : renforcer les liens, favoriser la liberté, développer le bien-être, veiller à la performance. Des exemples? Les auteurs citent notamment la société de services informatiques indienne HCL Technologies, qui a conçu et adopté une application destinée à susciter le dialogue entre les salariés et la direction. Quant à elle, l’entreprise 3M promeut la liberté en accordant à ses salariés l’occasion de se consacrer un jour par semaine à un projet de leur choix. De son côté, l’éditeur de logiciels américain Intuit organise une « fête de la défaite » pour favoriser le bien-être, apprendre de ses erreurs et « tourner collectivement la page ».


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Les objectifs

Ces pratiques s’articulent autour de cinq finalités et formes d’innovation managériale :

  1. L’externalisation, qui permet de recueillir des idées notamment au moyen d’incubateurs ou grâce à des expériences originales et enrichissantes;
  2. Le mode collaboratif (entre autres lors d’ateliers participatifs);
  3. La créativité collective, par exemple la pensée design (design thinking) ou les hackathons;
  4. Le co-apprentissage d’expériences et de connaissances (tutorats, mentorats, groupes de discussion, etc.);
  5. Enfin, l’empowerment, qui permet d’instaurer de nouvelles formes organisées de contrôle et de coordination.