Tranquillement, à raison de quelques dixièmes de cents par semaine, le dollar canadien est entré dans une phase descendante par rapport au dollar américain. Certains disent qu’il pourrait bien chuter jusqu’à 59 cents. Je ne suis pas un expert, mais un observateur, et en tant qu’observateur, il ne me semble pas que notre économie en soit atteinte tant que ça puisque dans toute situation, il y a toujours des gagnants et des perdants : tout est une question d’équilibre. Le TSX en souffre, car il est très influencé par les cours du pétrole, et les importations, encore plus. Mais qu’en est-il du commerce en ligne?

«Les innovations de ruptures sont instantanées aujourd’hui, et si nous n’avons pas l’agilité nécessaire, nous irons tout droit dans le mur.» «L’agilité en entreprise, c’est un muscle, et ça se travaille.»

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La question m’a été posée de nombreuses fois dans les derniers jours : un dollar canadien faible par rapport à la devise américaine, une bonne chose pour le commerce électronique ou pas? Question plus ou moins pertinente quant à moi dans l’état actuel des choses, car dans l’absolu la réponse est oui, mais dans la réalité nous ne sommes pas en position d’en profiter pleinement. Au plus fort de la crise économique mondiale, celle des subprimes et de la fragilisation temporaire du système capitaliste, le Canada est entré en récession. Mais dès 2008, une légère progression de 0,3 % du PIB a été enregistrée, suivie d’une forte de baisse de 4,7 % en 2009. Même si ces deux années ont été les plus intenses de cette crise mondiale, au bout du compte, entre 2001 et 2010, le Canada a connu une croissance annuelle moyenne de son PIB réel de 1,6 %, et si on retire ses plus mauvaises années (2001, 2008 et 2009), la croissance a été de 2,7 %. Entre 2011 et 2013, le pays a enregistré une croissance de 2,2 %, et au premier semestre de 2015, le Canada a vécu une deuxième récession en 6 ans. Je ne suis pas forcément en mesure d’analyser ces chiffres comme un économiste le ferait – je suis prêt en revanche à travailler de concert avec un de ces spécialistes –, mais ce que je sais, c’est que nous en sommes à un anémique 2,4 % des ventes en ligne (sur le total des ventes au détail) contre un 5,2 % aux É-U.

«[...] il faudra attendre que notre économie soit plus sévèrement touchée pour miser sur une économie numérique forte afin d’acquérir de nouvelles parts de marché, d’aller chercher une nouvelle niche, de prendre les devants et de nous différencier.»

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Cependant, entre vous et moi, il est humain d’avoir un peu moins le cœur à l’ouvrage quand l’économie ne va pas si mal que ça : on en a, mais un peu plus modérément. L’instinct de survie qui se manifeste par l’intermédiaire de l’innovation – afin d’être meilleur que les autres – prend alors toute son importance, surtout en période de crise. Selon moi, il faudra attendre que notre économie soit plus sévèrement touchée pour miser sur une économie numérique forte afin d’acquérir de nouvelles parts de marché, d’aller chercher une nouvelle niche, de prendre les devants et de nous différencier. De là une certaine timidité à aller de l’avant avec ce « nouveau » canal numérique. Le retour sur l’investissement (ROI) immédiat n’est sans doute pas là, et la vision est sans doute trop courte également, mais le long terme nous rattrapera malheureusement. Les innovations de ruptures sont instantanées aujourd’hui, et si nous n’avons pas l’agilité nécessaire, nous irons tout droit dans le mur. L’agilité en entreprise, c’est un muscle, et ça se travaille. Alors, un dollar canadien à 60 % de la valeur d’un dollar américain, est-ce bon pour le commerce et pour le commerce électronique en particulier? C’est possible. Mais pour ça, il faudrait présenter une offre en ligne beaucoup plus vaste que présentement, et que le Québec passe de 14 % d’entreprises vendant en ligne à 18 % ou à 20 %. En toute logique, ce que nous ne trouvons pas ici, nous le cherchons ailleurs, que le dollar canadien soit à 60 % de la valeur du dollar américain ou pas. Et je ne pense pas que nous allons baisser notre niveau de consommation parce que la monnaie de nos voisins est plus forte que la nôtre. Cependant, à moyen terme, cette faiblesse monétaire pourrait constituer un réveil durable pour notre tissu économique, une incitation à nous lancer dans la vente en ligne, un momentum à saisir. Mais vendre en ligne ne s’improvise pas, il ne s’agit pas seulement d’avoir un site Web, un catalogue de produits et un panier d’achats doté d’un système de paiement, c’est un peu plus complexe que cela. Une entreprise qui n’a pas commencé sa mutation numérique risque d’être prête seulement quand notre dollar aura retrouvé une pente ascendante.

«Alors, un dollar canadien à 60 % de la valeur d’un dollar américain, est-ce bon pour le commerce et pour le commerce et pour le commerce électronique en particulier? C’est possible...»

Cependant, bonne nouvelle : Amazon, eBay ou même Google nous aiment (pour ne parler que d’eux). Ils nous offrent de vendre sur leur Market Place. Ils nous offrent même, pour certains, la possibilité d’avoir notre propre magasin sur leur plateforme. Ils nous offrent d’accéder à 350 millions de consommateurs, je dis bien à 350 millions. Et nous, avec un dollar faible, pouvons donc vendre à un prix plus bas qui pourrait s’avérer le meilleur prix du marché et battre la concurrence tout en gardant une bonne rentabilité. Mais c’est à la condition de maitriser les coûts de production. Et on a un dollar faible, encore une fois. Profitons-en.