Notre optique très occidentale de la vie économique nous fait souvent oublier que la direction des flux financiers n’est pas qu’unidirectionnelle. Pourtant, à regarder l’activité des grands fleurons du capitalisme à l’international, on se conforte aisément dans cette conception. Après tout, McDonald’s est établie partout sur le globe comme le démontre le fameux indice Big Mac, et il en va de même pour nombre de ces entreprises, telles Apple ou Coca-Cola, qui peuvent faire déferler leurs produits ou leurs services sur la Terre entière et joindre les consommateurs, notamment ceux des marchés émergents, là où ils sont.

Pourtant, une autre réalité existe, certes moins imposante, mais qui démontre que ces flux financiers peuvent également être bidirectionnels. Cette réalité, c’est celle des entreprises issues des marchés émergents et qui commencent à établir et à faire leur marque chez nous. Dans leur article intitulé « Diaspora Marketing » (Harvard Business Review, octobre 2013), Nirmalya Kumar et Jan-Benedict Steenkamp décrivent la stratégie originale déployée par ces entreprises pour mettre le pied dans ces marchés qui, de prime abord, leur apparaissent inaccessibles. À cet égard, l’une des stratégies gagnantes employée par ces entreprises des marchés émergents consiste à cibler les effectifs d’une diaspora donnée établie en Occident.

Gardons à l’esprit, par exemple, qu’il y a 32 millions d’Américains nés au Mexique, quatre millions de citoyens allemands d’origine turque et qu’il y a près d’un millions et demi de citoyens d’origine chinoise au Canada. Ces émigrants, ou leur progéniture née dans le pays d’adoption, peuvent donc constituer un vecteur efficace d’entrée pour l’une de ces entreprises des pays émergents désirant faire affaire en Occident. Évidemment, toutes ces personnes issues des communautés culturelles ne possèdent pas le même degré d’attachement à leur pays d’origine. Certaines cherchent à établir la plus grande distance possible avec leurs racines, d’autres conservent un lien fort avec leur culture et leur terre natale, tandis qu’une troisième catégorie navigue aisément entre la culture de départ et celle d’arrivée. Pour Nirmalya Kumar et Jan-Benedict Steenkamp, ce sont les deux dernières catégories qui constituent sans conteste les meilleurs alliés des entreprises des marchés émergents. Et le procédé semble connaître un succès certain, comme en témoignent ces quelques exemples :

  • La bière mexicaine Tecate est devenue, au fil des ans, la cinquième marque de bière importée la plus consommée aux États-Unis. Pour ce faire, la marque s’est essentiellement appuyée sur la présence de la première génération de Mexicains ayant émigré aux États-Unis. Les publicités de la marque, relayant un message de persévérance et de travail assidu qui résonnait auprès de ce segment, ont frappé dans le mille et ont grandement contribué à son succès.
  • La firme indienne Reliance MediaWorks, propriétaire de la chaîne de salles Big Cinemas, a tablé sur le genre Bollywood et sur la présence de communautés indiennes dans certains états (Californie, New York et New Jersey) pour faire l’acquisition de 22 salles aux États-Unis. Ce faisant, Big Cinemas a pu faire un premier pas convaincant au pays de l’Oncle Sam. Ses salles, de même que tous les services de restauration connexes, qui troquent le maïs soufflé pour le samoussa, sont ainsi devenues un point focal et un lieu de rassemblement pour ces communautés indiennes en sol américain.
  • La chaîne de restauration rapide Jollibee, originaire des Philippines, a choisi le marché californien pour son expansion internationale. En cela, elle a pu s’appuyer sur une diaspora philippine bien implantée dans la société américaine et plus fortunée que celle établie ailleurs en Asie du Sud-Est, tirant ainsi l’image de la marque vers le haut.

Pas besoin de réinventer la roue pour croître et étendre ses activités en terre étrangère. En s’appuyant simplement sur ces ambassadeurs culturels établis sous d’autres cieux, ces entreprises des pays émergents ont pu augmenter significativement leurs revenus et, du même coup, contribuer à étendre les horizons culturels des habitants occidentaux, ce qui constitue un pas un avant pour tous!