Innover dune manière qui profite à tous et qui préserve la planète, cest possible. Disnover, cest innover en se plaçant au service de lhumanité et pas uniquement du marché. Le principe? Faire entrer les entreprises dans une ère (nouvelle) de «progrès holistique» avant que la planète ne soit à bout de souffle. Réflexion rafraîchissante – et croisée – dun entrepreneur et dun philosophe.

Pourquoi revoir sa façon de percevoir l’innovation? «La vraie innovation consiste à mobiliser l’intelligence collective autour d’un projet, ce qui apporte plus à l’entreprise que la concrétisation du projet lui-même», écrivent les auteurs de cet ouvrage. Au-delà d’innover en bougeant le statu quo, le fait de «disnover» se concentre (en plus) sur le processus comme une fin en soi. C’est une volonté de se détacher de l’obsession d’obtenir des résultats innovants, que ces derniers touchent davantage le produit, le procédé, l’organisation ou la commercialisation.

Les auteurs nous invitent à adopter un état d’esprit qui permet de mobiliser le collectif et qui obéit à une autre finalité que l’innovation «classique». «Aux valeurs d’usage, d’échange et d’estime, il faut en ajouter une nouvelle qui prime sur toutes les autres : l’utilité sociale et environnementale, qui contribue à l’amélioration des conditions structurelles de la vie.»

Groff, A., et Meneghin, L., Innovez autrement, disnovez! Lintelligence collective au service de la vraie innovation, Bruxelles, Éditions Mardaga, 2021, 205 pages.

Une vision patrimoniale

Si la disnovation trouble l’ordre établi, elle ne fait pas table rase du passé ou du court terme. Un principe clé de ce schéma de pensée consiste à privilégier le développement durable plutôt que la croissance rapide. Le rapport au temps est ici essentiel. Selon les auteurs, la croissance ne se matérialise pas sur la durée, mais repose sur une succession de moments et de décisions. La nature et les créations humaines sont alors des trésors à protéger. Alors que le capital vise son unique accroissement, le patrimoine s’évalue en fonction de l’impact environnemental et humain de l’innovation. Cela revient à préférer la logique de transmission à celle du remplacement d’un produit par un autre.

Frugalité

Pour contrecarrer une certaine vision du court terme, il faut commencer par se défaire du consumérisme alimenté par des innovations qui ne servent qu’à le régénérer. La solution? Réorienter la production vers d’autres finalités : la durabilité des produits en pensant préservation, maintenance, entretien de l’existant ; l’économie des ressources dans un monde où elles sont limitées; la résilience en renforçant la capacité des systèmes à traverser les crises.

La «permaentreprise»

Dans cette logique de durabilité, les entreprises sont au cœur du changement de système. Les auteurs mettent de l’avant les caractéristiques d’une «permaentreprise». Les organisations qui se mettent en mode «perma» œuvrent à rendre les écosystèmes résilients, se mettent en état de veille pour repérer les initiatives de terrain et améliorer les choses en place, remettent l’utilisateur au centre de l’environnement Web, autorisent une version low tech de leurs activités plutôt que de se mettre au service du high tech, apprennent à surmonter les crises en sachant en tirer parti et migrent vers des activités plus adaptées au contexte planétaire actuel. En fin de compte, ces entreprises pensent l’après dès aujourd’hui!

Article publié dans l’édition Printemps 2024 de Gestion