Comme tous les changements organisationnels, le virage vers davantage de diversité et d’inclusion (D&I) dans une société progressera plus vite s’il est porté par des champions efficaces. Mais comment être un bon leader inclusif?

Réglons tout de suite le cas de l’éléphant dans la pièce : nul besoin d’être issu d’un groupe minoritaire pour devenir un leader inclusif. «Un homme blanc qui soutient l’inclusion peut même avoir encore plus de traction dans l’entreprise, parce que personne ne pourra le soupçonner de promouvoir ses propres intérêts», note Gabriela Zuniga, consultante principale en gestion de la diversité, de l’équité et de l’inclusion à Inclusive Kind et professeure associée en relation de travail à l’Université Queen’s. À condition bien sûr de faire preuve d’humilité, d’admettre que l’on ne comprend pas tout de l’expérience vécue par les gens de groupes minoritaires et de posséder la curiosité d’apprendre.

À l’inverse, ce n’est pas non plus parce que l’on fait partie d’un groupe minoritaire que l’on a l’envie ou les qualités requises pour devenir un champion de l’inclusion. «C’est parfois difficile d’être un leader inclusif et d’agir comme porte-parole d’un groupe minoritaire en même temps, ce n’est pas nécessairement le même rôle», précise Marie-Ève Dufour, professeure agrégée en sciences administratives à l’Université Laval. La tâche d’un leader inclusif ne consiste pas tant à porter les doléances d’un groupe qu’à développer un climat de travail accueillant et stimulant pour tous.

Incarner l’inclusion

Marie-Ève Dufour ajoute qu’un leader inclusif peut agir formellement ou informellement. Nul besoin de se voir décerner une fonction officielle exacte pour passer aux actes. «On peut devenir un modèle, peu importe l’échelon où l’on se trouve dans l’entreprise ou le titre que l’on détient, avance-t-elle. Les salariés percevront une personne comme une championne de l’inclusion surtout en raison de ses actions et de ses comportements.» La première tâche de cette personne consiste donc à incarner elle-même la D&I et à donner l’exemple. Elle n’a pas à être «parfaite». Elle doit au contraire reconnaître qu’elle peut elle-même ignorer des choses et souffrir de biais, qu’elle en est consciente et qu’elle possède la curiosité et la volonté de travailler à s’améliorer.

«Le leader doit bien communiquer les raisons derrière les changements associés à la D&I; il doit donc lui-même comprendre ce qui rend ces ajustements si importants, quels objectifs ils permettent d’atteindre et où cela doit mener l’organisation», affirme Sébastien Arcand, professeur titulaire à HEC Montréal.

Par ailleurs, un champion de l’inclusion doit lui-même apprendre à développer le réflexe de décentrement. Cette notion intéressante suppose de prendre conscience que ses propres croyances et intérêts ne convergent pas nécessairement vers le bien commun, par exemple celui de l’entreprise. En d’autres termes, le décentrement invite à s’ouvrir, à se mettre à la place de l’autre. «Les diversités peuvent parfois heurter nos valeurs, reconnaît M. Arcand. On doit savoir dépasser cela pour le bien de l’organisation.»

Favoriser le dialogue

Pour Marie-Ève Dufour, cela exige une bonne dose d’intelligence culturelle, c’est-à-dire la capacité d’une personne de s’adapter lorsqu’elle interagit avec des individus de cultures différentes. «On doit être porté vers les autres et montrer certaines qualités comme l’empathie, l’acceptation, l’humilité et l’écoute», croit-elle.

Le leader ne tente pas nécessairement de voler la vedette. Il ne s’agit pas d’être la «superstar» de l’inclusion dans l’entreprise. Au contraire, cette personne doit plutôt viser à bâtir des lieux de collaboration et d’échanges. Un milieu inclusif se construit en tenant compte des particularités de chacun et le leader inclusif est celui qui affiche une belle aptitude pour aller chercher cette information, créer du dialogue et articuler les attentes des différents groupes.

D’ailleurs, il serait plus juste de parler «des» diversités que de «la» diversité. En effet, de grandes différences, voire des oppositions, peuvent exister entre les souhaits des femmes, des personnes de la communauté LGBTQ+, des personnes handicapées, des personnes de minorités ethniques ou religieuses, etc. Le champion de l’inclusion possède une aptitude pour générer de la cohésion et entraîner les autres dans son sillage.

Enfin, si les dirigeants de l’entreprise ne doivent pas être les seuls à être des leaders inclusifs, ils doivent certainement jouer un rôle. «Ils doivent montrer leur engagement sérieux envers la D&I; c’est nécessaire pour définir la nouvelle culture organisationnelle que l’on souhaite développer, soutient Sébastien Arcand. Ils doivent surtout pratiquer ce qu’ils prêchent. L’inclusion, c’est pour tout le monde, à tous les niveaux.»