Comment asseoir sa crédibilité lors d’une présentation d’importance? Comment transmettre des idées complexes ou abstraites? Comment désamorcer un conflit sans faire de remous? À ces trois questions, une réponse : en racontant une histoire. C’est ce que l’on appelle la communication narrative ou storytelling.

Il s’agit de précéder ou d’accompagner son argumentation d’une histoire, ou d’une anecdote, de manière à la contextualiser, la mettre en scène, lui donner du sens et de la cohérence. Et ça marche, car ce faisant vous ajoutez de l’émotion à la raison. Or, tout ce qui est émotif marque les esprits.

Enfantin? Pas du tout. Les plus grands orateurs ont recours à cette technique. Churchill et Obama en sont des exemples : en insérant des histoires dans leurs discours, certaines de leurs idées ont été mieux comprises, mieux acceptées par un plus grand nombre et se sont même logées durablement dans la mémoire de leurs auditeurs. En retenant leur histoire, ils ont retenu l’idée qu’ils défendaient.


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Un exemple simple de communication narrative

Un employé s’obstine à ne pas saisir ses données dans le système CRM. Lui expliquer l’importance de ces données vaudra mieux que le réprimander. Tout le monde en convient. Comment lui expliquer de manière à ce qu’il adhère sincèrement et durablement à cette pratique? En lui racontant l’histoire vécue d’un tout petit client dont la fidélité légendaire tient au fait qu’il se sente toujours comme s’il était le plus important client de l’entreprise. En lui racontant qu’un jour, ce client en a référé un autre dix fois plus important que lui en termes de revenus et que c’est la raison pour laquelle il fut embauché, lui, qui aujourd’hui ne saisit pas les données dans le système. Imaginez l’impact.

Et un autre plus complexe

Une entreprise présente une stratégie et un plan d’action à l’un de ses clients. La chose n’est pas facile, car la stratégie préconisée nécessite un changement de perception, de culture et même de vision. L’argumentation est complexe, voire périlleuse, d’autant plus qu’il faut déboulonner certains mythes et convaincre de l’importance d’opérer un virage majeur. Il y aura de la résistance. Ce n’est pas gagné. Comment s’y prendre? Raconter une histoire authentique issue de l’expérience permettra de mettre les idées en scène, de les associer à quelque chose de concret et même d’émotif. À la logique de l’argumentation s’ajoute la sensibilité de l’émotion : le client s’identifie à cette histoire qui le touche et adhère à la stratégie proposée. En passant par l’émotion, on rejoint la raison.


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Quand l’histoire est plus efficace que l’argumentation

Dans certaines situations, il est démontré que l’émotion est plus efficace que la raison. Exemples :

  • Pour asseoir sa crédibilité et inspirer confiance;
  • Pour transmettre une idée complexe, abstraite, ou qui demanderait une longue explication technique;
  • Pour ouvrir les esprits par rapport un sujet délicat;
  • Pour désamorcer un conflit, vaincre les résistances.

Ce que ces situations ont en commun, c’est le fait que l’argumentation puisse se buter soit à la méfiance, soit à l'incompréhension, soit au déni. Raconter une histoire permet de quitter le discours essentiellement logique et d’entraîner l’auditeur sur le terrain de l’émotion, voire du gros bon sens qui découle de l’expérience, du fait vécu.

Vous n’êtes pas Obama ?

Tout le monde est en mesure de « tricoter » une histoire et de la raconter. D’autant plus qu’il ne s’agit pas de l’inventer, mais de fouiller dans sa propre mémoire et ses expériences personnelles. Authentique au départ, car il ne s’agit pas de mentir, il suffira de la réécrire pour la faire coller au contexte et faire émerger l’émotion qui fera son œuvre.

Ce qui ne veut pas dire que ce soit facile. Churchill était réputé pour préparer très soigneusement ses « histoires » et d’en réviser constamment les détails afin de les affiner. Il savait en maîtriser les clés : ses histoires étaient authentiques, ce qui est essentiel, elles étaient solidement ancrées dans la réalité, donc pertinentes, elles suscitaient de vives émotions et elles prenaient soin d’interpeller le public en le prenant à témoin.

Le jeu en vaut toutefois la chandelle. Pour preuve les nombreux ouvrages écrits à ce sujet, dont Le storytelling en action d’Olivier Clodong et Georges Chétochine (Les Éditions d’Organisation, 2010), Les sept règles du storytelling de John Sadowsky et Loïck Roche (Éditions Pearson Village Modial, 2009) et The Story Factor d’Annette Simmons (Éditions Basic Books, 2006). Autant d’ouvrages qui confirment que la communication narrative est une pratique à considérer avec le plus grand sérieux par quiconque convient qu’il n’y aura jamais assez d’humain dans les communications…