La négociation raisonnée cherche à faire des gagnants de chaque côté de la table.

Négocier, les experts vous le diront, tient autant de l'art que de la technique. La négociation est en effet un art, car elle demande une bonne dose d'inspiration, parfois d'improvisation, et une solide compréhension de la psyché humaine. Mais la négociation est aussi une technique, et à cet égard, plusieurs perspectives existent, qui vous proposeront des façons de faire afin de trouver un dénouement heureux à toutes les négociations que vous pourriez entreprendre.

Et dans la panoplie de ces techniques de négociation existantes, l'une d'entre elles, la négociation raisonnée, a prouvé à maintes reprises, et dans des contextes parfois difficiles et en apparence insolubles, qu'elle pouvait donner des résultats, et c'est surtout là l'essentiel, satisfaisants pour les protagonistes.

Séminaire : Techniques et stratégies pour négocier avec succèsLa négociation raisonnée s'inscrit dans le courant de la négociation dite « coopérative », par opposition à celui de la négociation « conflictuelle ». La distinction est importante car la philosophie du premier type cherche à établir des gagnants de chaque côté de la table, gardant à l'esprit que les parties de part et d'autre de cette dernière auront à continuer à se côtoyer à court, à moyen et à long terme. La négociation conflictuelle ne s'embête généralement pas de ces considérations, l'objectif étant de tout rafler à l'issue des tractations.

La négociation raisonnée est un modèle de négociation élaboré par deux universitaires de Harvard, Roger Fisher et William L. Ury, qui ont synthétisé leur approche dans un ouvrage devenu avec le temps un succès de librairie : Getting to Yes. Les deux universitaires ont par ailleurs puisé à un épisode du sempiternel conflit israélo-palestinien, la Guerre des Six Jours (du 5 juin au 11 juin 1967), afin d'illustrer comment la négociation raisonnée a pu dénouer à tout le moins une partie du conflit.

Ainsi, en résumant à grands traits le déroulement et les suites de ce conflit-éclair, mentionnons qu'Israël déclenchait, le 5 juin 1967, une attaque tous azimuts contre ses voisins arabes, et notamment contre l'Égypte en détruisant plus de 90 % de l'aviation égyptienne stationnée au sol et en envahissant la péninsule du Sinaï (flèches en bourgogne sur la carte). Trois jours plus tard, l'Égypte capitulait et demandait un cessez-le-feu.

Ce n'est que lors des accords de Camp David, la résidence d'été des présidents américains, en 1978, qu'une issue satisfaisante fut trouvée, qui permit de clore ce difficile chapitre des relations israélo-palestiniennes. Mais rien ne pouvait, à l'ouverture des pourparlers, laisser présage une conclusion heureuse à ces tractations, puisque Israël et l'Égypte, habitués qu'ils étaient à négocier en mode conflictuel, ouvrirent le bal en énonçant leurs positions initiales. Ces positions, on le devine bien, ne pouvaient que générer hargne, rancœur et de bien minces avancées. Constatant le cul-de-sac vers lequel les négociations se dirigeaient, le président américain Jimmy Carter initia alors un changement de paradigme vers la négociation raisonnée. Plutôt que de mettre l'accent sur les positions des parties en présence, l'on chercha davantage à identifier et à reconnaître les intérêts de toutes les parties en présence, de manière à trouver un compromis qui serait acceptable à la fois pour Israël et l'Égypte.

Au final, la négociation raisonnée aura produit un accord de paix durable, fondé non sur des positions émotives mais sur des intérêts identifiés rationnellement de part et d'autre, et qui répondait à ces mêmes intérêts: en échange du retrait israélien de la péninsule du Sinaï, l'Égypte accepta de ne pas militariser cette zone, rassurant de facto l'État hébreu. Cet accord aura par ailleurs valu aux trois signataires, le premier ministre israélien Menahem Begin, le président égyptien Anouar el-Sadate et le président américain Jimmy Carter, le Nobel de la paix en 1978.

Et le lien avec votre contexte en entreprise ou en organisation, me direz-vous? Lorsque vous avez à arbitrer un conflit, et au-delà des mots et des esclandres, cherchez plutôt à saisir ce que les protagonistes essaient réellement de dire, et usez du dialogue afin de trouver un compromis acceptable pour tous!