Bien que l’économie circulaire soit aujourd’hui sur toutes les lèvres, elle reste absente de la plupart des modèles d’affaires et des grappes industrielles. Quels sont donc les obstacles qui freinent son adoption?

L’économie circulaire est un «système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités[1]».

Elle peut s’incarner dans plusieurs stratégies. Le recyclage d’objets en fin de vie est la plus répandue. «On peut aussi citer l’allongement de la durée de vie des produits et l’augmentation de leur utilisation, ou encore, songer à des interventions en amont, comme repenser la production et la consommation par l’écoconception et la réduction à la source», précise Rafael Ziegler, professeur agrégé au Département de management de HEC Montréal.

Tout ne tourne pas rond

Selon un rapport publié en 2021 par Circle Economy et Recyc-Québec, l’indice de circularité de l’économie québécoise plafonne à 3,5%, bien loin des 8,6% de l’économie mondiale cette année-là. Notons par ailleurs que la circularité mondiale n’a fait que reculer depuis 2018, passant de 9,1% à 7,2% en 2023.

Qu’est-ce qui explique cette lente progression, malgré les efforts de sensibilisation et d’accompagnement d’organismes comme Québec circulaire, Recyc-Québec et le Réseau de recherche en économie circulaire du Québec? L’un des défis consisterait à apprendre à penser en «systèmes» et à mieux percevoir les complémentarités des entreprises, selon Rafael Ziegler. «Les entreprises doivent dépasser l’individualisme et développer des capacités de coopération, de partage et de confiance», avance-t-il.

L’approche pâtit d’autres obstacles, comme des coûts d’investissement initiaux parfois élevés et des législations et règlements mal adaptés. Le réemploi des matériaux récupérés de bâtiments démontés, par exemple, se bute souvent à l’absence de processus de certification appropriés.

«Les organisations estiment également que les échanges entre les pairs et la communauté de pratique sont insuffisants et qu’au-delà du financement des projets pilotes, il peut être difficile d’obtenir du soutien pour passer à l’étape suivante», ajoute le professeur.

Des initiatives au Québec

Malgré tout, des modèles intéressants sont apparus au Québec ces dernières années. L’entreprise très connue Loop Mission fabrique des jus frais à partir d’une partie des rejets du distributeur de fruits et légumes Courchesne Larose, qui, avant la collaboration des deux partenaires, perdait entre 16 et 20 tonnes d’aliments par jour.

Des diplômés de HEC Montréal s’y mettent aussi en créant des entreprises à mission sociale ou environnementale. Boomerang récupère la drêche, un sous-produit du processus de brassage de la bière, et l’utilise pour confectionner une nouvelle farine. Retournzy, quant à elle, permet aux restaurateurs de servir des commandes à emporter dans des récipients réutilisables, qu’elle leur fournit, nettoie, puis leur renvoie.

Il s’agit dans les deux cas de coopératives, un modèle basé sur la mutualisation et le partage des ressources, dont le Québec possède une longue tradition. «Dans le passé, les groupes disposant de ressources limitées ont su les employer de manière circulaire avant la lettre, rappelle Rafael Ziegler. Est-il temps de redécouvrir cette valeur de frugalité?»

Article publié dans l’édition Hiver 2024 de Gestion


Note

[1] Selon la définition adoptée au Québec par le gouvernement et les acteurs de l’économie circulaire.