Toutes les organisations — et les humains qui les composent! — veulent s’améliorer. Que ce soit par des pratiques de gestion quotidiennes ou des activités ponctuelles, il est possible d’encourager cette progression vers le mieux et d’aider les équipes à se montrer plus agiles.

«L’amélioration continue, ce n’est pas flamboyant. Cela prend racine dans le management japonais et s’ancre plutôt dans des comportements quotidiens, en faisant de petits pas tous les jours», explique Miguel Hernandez, maître d’enseignement au Département de management de HEC Montréal. Autrement dit, ce sont de petits gestes qui permettent d’avancer et d’obtenir des gains.

Il est possible d’alimenter le progrès grâce à différentes routines, appelées katas, poursuit-il. «Ce mot, emprunté à la pratique des arts martiaux, désigne la chorégraphie qu’on fait pour rendre les mouvements plus fluides et plus conscients.» La mise en place de ces katas permettrait aux employés de développer certains réflexes qui les pousseraient à réfléchir à leur travail, à l’environnement et aux tâches qu’ils exécutent.

Miguel Hernandez suggère de s’inspirer des katas d’amélioration pour mettre à profit l’intelligence des employés pour ensuite avancer par étapes, en éprouvant différentes solutions. «En fait, il faut travailler avec son équipe pour se donner un objectif, évaluer la situation actuelle, se demander quelle sera la prochaine étape et l’expérimenter. On se fixe alors un but à court terme, pour faire de petites avancées.» Une boucle à refaire régulièrement pour vérifier l’efficacité du mécanisme et en faire l’ajustement, si nécessaire.

Cela permet d’obtenir des gains à brève échéance. «Le gestionnaire doit laisser de l’autonomie aux membres de son équipe qui prennent la maîtrise du résultat. Ce sont eux qui sont les mieux placés pour voir comment améliorer les processus.» Il est aussi possible de créer un tableau de suivi rappelant l’objectif et répertoriant les actions mises en place, celles qui ont fonctionné et celles qui restent à faire. «Cela permet aux travailleurs d’obtenir une rétroaction continue et d’établir quelles sont les prochaines étapes.» 

Développer ses réflexes

Les travailleurs ne sont pas laissés à eux-mêmes et peuvent recevoir de l’aide pour développer ce genre de réflexe, explique pour sa part le professeur titulaire au Département de gestion des opérations et de la logistique de HEC Montréal, Sylvain Landry. «Les katas permettent de pratiquer des routines pour développer des comportements plus scientifiques, pour être mieux habilités à résoudre des problèmes. Cela s’accompagne de coaching pour faire grandir les individus afin que l’amélioration continue soit l’affaire de tous, et non de quelques experts dans l’entreprise.»

Souvent, les employés ont des solutions en tête, mais ne poussent pas l’idée plus loin. Ce type de coaching leur permet de réfléchir à l’impact de ce qu’ils aimeraient mettre en place et d’éviter de sauter trop rapidement aux conclusions, explique le professeur. «Quelle action cherches-tu à poser pour régler le problème? À quoi t’attends-tu? Quand peut-on se rencontrer pour reparler de cette expérience? Poser ce genre de question permet d’aller plus loin que la simple idée, de l’expérimenter, de voir si elle a eu l’effet escompté et d’en tirer des apprentissages pour la suite.»

En résumé, ce type de coaching apprend aux employés à prendre un pas de recul quant aux gestes posés (souvent sans en avoir conscience) et à se questionner sur leurs actions quotidiennes. Cela permet aussi d’émettre des hypothèses, de les mettre à l’épreuve sur le terrain et d’en tirer profit. «C’est un peu comme un entraînement», ajoute-t-il.

Voir les choses autrement

L’amélioration continue repose sur les épaules des travailleurs, qui sont les mieux placés pour savoir quelles actions mettre en place. Or plusieurs gestionnaires auront du mal à offrir aux équipes toute la latitude nécessaire pour communiquer leurs idées, les expérimenter et se responsabiliser, note Philippe Mast, CRHA, cofondateur du cabinet de conseil et de recrutement de cadres CORTO.REV.

Pour mieux comprendre là où le bât blesse, il propose aux gestionnaires d’utiliser comme outil l’arbre de décision, un repère visuel sur lequel s’appuyer lorsqu’il y a prise de décision. À partir de cette grille, le gestionnaire analyse avec son équipe l’une de ses responsabilités pour mieux comprendre le niveau d’autonomie et de responsabilisation des travailleurs, explique Philippe Mast. «Les décisions feuilles sont celles que l’équipe peut prendre sans se référer à son gestionnaire. Les décisions branches peuvent aussi se prendre, mais en tenant au courant le gestionnaire. Pour les décisions tronc, il faut en parler avant d’aller de l’avant. Et les décisions racines, c’est le gestionnaire qui les prend.» Si l’arbre a d’énormes racines, mais peu de feuilles, c’est que le gestionnaire doit apprendre à déléguer, ajoute-t-il. Un ingrédient essentiel pour mettre à profit l’intelligence collective.

Pour «penser en dehors de la boîte», il faut parfois oser sortir du cadre. Pour cela, le Lean Canvas ou le Business Model Canvas peuvent se révéler très pertinents, fait valoir le consultant. «C’est un exercice très intéressant, puisqu’il t’oblige à repenser ton organisation, à comment tu travailles, et à te demander si tu crées vraiment de la valeur. Pour cela, il faut répondre à une série de questions, comme : qui sont mes clients? Quels sont les segments de clientèle que je dois approcher? Par rapport à ces clients, comment je crée de la valeur? Pour créer cette valeur, quelles sont les compétences dont j’ai besoin à l’interne?»

Cet exercice permet de prendre du recul, de remettre en question les façons de faire et de voir quelles sont les cibles à atteindre. «En fait, cela permet de se demander ce qu’on peut apporter comme nouvelles solutions et comment évaluer la pertinence de celles-ci», conclut Philippe Mast. Un scan complet qui peut s’appliquer à l’ensemble d’une entreprise autant qu’à un département en particulier, et dont l’appréciation peut aboutir à de nouvelles pistes d’amélioration continue.