Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les grands maux de l'Humanité et, surtout, la manière de les combattre, peuvent être riches d'enseignements pour nos entreprises et organisations.

Prenons un cas réel. En Égypte, il fut rapporté que dans des milieux économiquement très défavorisés, une minorité d'enfants semblaient être en meilleure forme et mieux nourris que la très grande majorité de leurs camarades. Pourquoi? Tout simplement parce que leurs parents, malgré les maigres ressources financières dont ils disposaient, faisaient des choix fondamentalement différents, en servant à leur progéniture une alimentation à base de légumes verts, d'oeufs et de légumineuses, et en appliquant des mesures d'hygiène toute simples, telles que le lavage des mains et des aliments avant la préparation des repas. Ces principes de base mis de l'avant par ces parents, déviant ainsi de la norme sociale dans ces milieux, ont pu être identifiées, puis diffusées à plus grande échelle, contribuant ainsi à soulager la faim dans ces communautés1.


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Ces comportements d'exception, et pourtant bénéfiques, sont à la base du concept de « déviance positive » (positive deviance), développé dans le monde communautaire et dans les ONG comme l'UNICEF, par exemple. Comme le signalent Monique Sternin et Grégory Le Roy sur le site de Harvard Business Review France, les organisations se sont rapidement emparées de ce concept afin de l'appliquer au domaine des affaires. Laissons les auteurs résumer les prémisses de la déviance positive: « [c'est] une approche innovante qui consiste à découvrir et à diffuser ce qui marche malgré les difficultés présentes. Elle est basée sur un constat : dans toute organisation - communauté ou entreprise - il y a quelques individus ou groupes qui, grâce à leurs comportements différents et efficaces, préviennent ou résolvent des problèmes dits insolubles tout en partageant les mêmes contraintes que leurs pairs. La démarche consiste à inviter toutes les parties prenantes à découvrir par elles-mêmes ces solutions comportementales locales, adaptées au contexte, immédiates et pérennes, puis à les diffuser par la pratique. » En somme, l'exercice consiste donc à...

  • Dégager, entre membres de l'organisation et parties prenantes externes, une compréhension commune de la problématique à résoudre;
  • Pointer les actions, les individus ou les  groupes porteurs de pratiques déviantes positives;
  • Établir les fondements, les procédés et les processus de ces pratiques déviantes en interviewant les auteurs des pratiques déviantes;
  • Établir collectivement un plan d'action qui sera diffusé largement par la suite;
  • Et finalement, faire un suivi des actions ainsi implantées.

Fructueuse dans le domaine de l'aide humanitaire et dans le monde médical2, la déviance positive a par ailleurs connu des succès intéressants dans le monde des affaires, notamment chez Goldman Sachs et Merck, un cas bien documenté en ce sens, toujours dans la Harvard Business Review France. Comme quoi aller à contre-courant, ça peut parfois rapporter!  


Note

1. Exemple tiré de MARSH, David R., SCHROEDER, Dirk G., DEARDEN, Kirk A. et al. (2004). « The power of positive deviance ». BMJ: British Medical Journal, 329(7475), p. 1177. 

2. BRADLEY, Elizabeth H. et al. (2009). « Research in action: using positive deviance to improve quality of health care ». Implementation Science, 4(1), p. 25.