Article publié dans l'édition automne 2015 de Gestion

Dix-huit mois : c’est le temps qu’il aura fallu à Ubisoft, à une équipe de recherche médicale de l’Université McGill et à leur partenaire américain pour réaliser une percée technologique, thérapeutique et bientôt commerciale. Comment expliquer ce rapprochement et, surtout, en expliquer la réussite ? Mathieu Ferland, producteur de jeux chez Ubisoft, suivi de Réal Jacob et de Jean Poitras, de HEC Montréal, nous exposent les apprentissages tirés de cette expérience. Et si une productivité et une capacité d’innovation accrues passaient par une telle collaboration intersectorielle ?

1- Quand des hackers, des chercheurs et Ubisoft collaborent !

L'aventure commence en septembre 2013. Comme tout bon créateur, Mathieu Ferland, producteur de jeux chez Ubisoft, cherche de nouvelles idées. Sa stratégie: mettre son savoir-faire au service d'autres industries pour provoquer l'innovation. Au cours d'une soirée organisée par hacking health Montréal, un chercheur de l'université McGill exprime un besoin auquel Mathieu Ferland croit pouvoir répondre. Rapidement, une collaboration s'amorce. Dix-huit mois plus tard, les partenaires dévoilent Dig Rush, le premier jeu vidéo thérapeutique destiné à guérir l'amblyopie. 

« Au sein de Hacking Health, nous croyons que le véritable changement doit émerger de la base et que l’innovation survient lorsque des esprits dotés de perspectives différentes se croisent. Mais attention ! Bien qu’elle soit bénéfique, la collaboration est difficile, car il faut sortir de sa zone de confort pour innover », prévient d’entrée de jeu Luc Sirois, cofondateur et directeur principal de cet organisme sans but lucratif. Fondée au Québec, Hacking Health est une organisation internationale qui favorise la rencontre entre des professionnels de la santé et des experts en technologies a fin d’accélérer la conception de solutions numériques et mobiles dans le secteur de la santé (voir encadré).

Hacking health : favoriser l’innovation en santé

Hacking Health est un mouvement international qui vise l’innovation en santé. Cette initiative permet non seulement de mieux cerner les vrais problèmes à régler mais surtout de concevoir des solutions bien concrètes à la fine pointe de la technologie : jeux, applications mobiles, sites Web, logiciels en ligne, équipement, services, etc. « En construisant et en testant rapidement des prototypes, nous pouvons valider les idées qui ont le plus de potentiel et, par le fait même, permettre de nouveaux apprentissages qui pourraient par la suite susciter d’autres innovations, explique Luc Sirois, cofondateur de cet organisme. Cette façon de faire permet d’amorcer une expérimentation au plus faible risque possible pour tous les acteurs (participants individuels, organisateurs et investisseurs). »

« À titre de leaders dans nos communautés respectives, nous choisissons de travailler ensemble pour transcender les frontières et créer un mouvement mondial d’innovation en santé, poursuit le directeur principal. En collaborant ainsi dans le monde entier, nous parvenons à avoir un plus grand impact, à améliorer rapidement nos façons de faire et à livrer un message plus fort. Il est grand temps que la révolution numérique se passe aussi en santé, comme elle survient actuellement dans d’autres industries. »

Au cours des deux dernières années, Hacking Health a organisé une douzaine d’activités qui ont attiré plus de 2 500 participants et permis de créer près de 200 projets en santé numérique.

Dans cette perspective, Hacking Health Montréal a invité Mathieu Ferland à présenter, dans le cadre de l’une de ses activités, les différentes techniques qu’utilise Ubisoft pour stimuler l’engagement chez les adeptes de jeux vidéo. « Dans notre industrie, le plaisir de jouer ne suffit pas à retenir les clients. Il nous faut aussi déployer toutes sortes de stratégies pour maintenir leur intérêt et pour les fidéliser », explique le producteur. Or, il se trouve qu’au cours de cette même soirée, le Dr Robert Hess, de l’Université McGill, a annoncé avoir breveté une méthode pour traiter l’amblyopie (voir encadré) mais a du même souffle reconnu que le prototype de jeu qu’il avait mis au point était tellement ennuyeux que les patients n’allaient pas jusqu’au bout de leur traitement. Animé par la conviction que le jeu pouvait servir à bien d’autres fins qu’au simple divertissement, il n’en fallut pas plus à Mathieu Ferland pour proposer une rencontre exploratoire.

« Depuis plusieurs années, je cherche comment les univers d’Ubisoft peuvent bénéficier à d’autres industries, précise le producteur de jeux. Comment notre savoir-faire et nos technologies pourraient-ils nous ouvrir d’autres marchés ? J’explore différentes avenues en me faisant des contacts dans divers secteurs d’activité, notamment en santé. À titre d’exemple, je participe à plusieurs activités de maillage. Je siège également au conseil d’administration du MEDTEQ, le Consortium de recherche et d’innovation en technologies médicales du Québec. » Au final, il lui aura fallu explorer plus d’une soixantaine de projets avant de tomber sur cette occasion offerte par l’Université McGill.

Qu’est-ce que l’amblyopie ?

  • L’AMBLYOPIE est un trouble oculaire qui se traduit par la réduction importante des capacités visuelles d’un œil à l’enfance et qui peut provoquer l’asymétrie de ce dernier ou une erreur de réfraction. Autrement dit, un œil devient beaucoup plus fort que l’autre. À un certain moment, le cerveau ne tient plus compte des informations qui proviennent de l’œil plus paresseux. Résultat : l’œil dominant en vient à prendre toute la place et la personne perd graduellement sa vision binoculaire.
  • LE TRAITEMENT USUEL consiste à utiliser un bandeau oculaire sur l’œil fort, mais cette approche a des effets limités parce que le bandeau peut s’avérer inconfortable et provoquer une stigmatisation sociale sur une longue période de traitement. Cette thérapie connaît notamment un haut taux de rechute auprès des adolescents et des adultes. À l’échelle internationale, l’amblyopie affecte environ 3 % des enfants et, lorsque ce problème n’est pas traité efficacement, il représente une des principales causes de cécité chez les adultes. Plutôt que d’entraîner l’œil faible à reprendre des forces, les patients jouant à Dig Rush, l’application conçue par Ubisoft, devront exercer leur cerveau à utiliser leurs deux yeux grâce à la perception de contrastes de rouge et de bleu au moyen de lunettes stéréoscopiques. De cette manière, le médecin pourra mieux ajuster les paramètres du jeu en fonction de l’état de l’œil faible du patient pour permettre aux deux yeux de percevoir ce qui apparaît à l’écran.
  • À CE JOUR, LES TECHNIQUES UTILISÉES pour corriger l’amblyopie devaient être appliquées avant que le cerveau n’atteigne sa maturité, car après, il était trop tard pour améliorer la situation. Or, la solution proposée par Ubisoft et par l’Université McGill donne également d’excellents résultats auprès des adultes puisque l’enjeu ne consiste plus à entraîner l’œil mais le cerveau.

Chacun son expertise

« Avant de s’investir dans un projet de collaboration, il faut d’abord en évaluer le potentiel et la faisabilité, explique Mathieu Ferland. Quelles sont les retombées possibles ? Avons-nous à l’interne les compétences, les capacités et le talent nécessaires pour le réaliser ? Pouvons-nous y dégager les ressources sans affecter notre plan de travail régulier ? Par la suite, chaque partenaire doit définir ses critères d’engagement et, lorsque tout le monde semble y avoir trouvé son compte – une condition essentielle au succès d’une collaboration –, nous pouvons négocier les conditions d’un partenariat. »

Pour éviter que la collaboration ne dérive ou ne prenne trop de temps à aboutir, un échéancier a aussi été déterminé. Au départ, les chercheurs Robert Hess, Benjamin Thompson, Behzad Mansouri, Jeremy Cooperstock, Long To et Jeff Blum, de l’Université McGill, se sont beaucoup impliqués en apportant l’expertise médicale et le soutien clinique. « Nous avons eu la chance de démarrer le projet avec une innovation au point et éprouvée, reconnaît Mathieu Ferland. Cette équipe avait consacré plusieurs années à mettre au point cette solution déjà brevetée. »

Comme ils ne détenaient aucune notion en ophtalmologie, les experts d’Ubisoft ont également dû comprendre ce qu’est l’amblyopie avant d’amorcer le développement du jeu, en quoi consistait exactement l’innovation et pourquoi cette méthode donnait de bons résultats. Par la suite, ils ont travaillé sur un concept de jeu qui devait prendre en compte une série de critères essentiels au traitement. Leur défi : utiliser leur savoir-faire pour créer une expérience divertissante et stimulante qui donne au patient l’impression de jouer alors qu’il suit une thérapie.

En cours de route, un nouveau partenaire s’est joint à l’aventure. Originaire d’Atlanta, le distributeur Amblyotech a accepté à leur demande de commercialiser le jeu thérapeutique. « Bien que l’application ait été conçue pour rouler sur une tablette électronique, elle ne pouvait pas être simplement vendue sur Apple Store, car il s’agit d’une solution médicale qui doit être prescrite par un médecin, explique Mathieu Ferland. Un protocole de soins doit être élaboré et suivi de près par un professionnel de la santé. Amblyotech travaille actuellement à obtenir toutes les approbations officielles nécessaires à la commercialisation auprès de Santé Canada et de la Food and Drug Administration aux États-Unis. » Au final, la solution sera intégrée dans une tablette que les cliniques prêteront aux patients et qui ne pourra être utilisée qu’à des fins médicales.

Pour l’heure, les partenaires mettent la dernière main à la production du jeu et procèdent aux tests cliniques nécessaires à l’obtention des certifications. À ce jour, les résultats sont excellents. Sans pouvoir s’engager sur une date de sortie, les collaborateurs souhaitent pouvoir effectuer le lancement de Dig Rush au cours de la prochaine année.

mathieu ferland

Mathieu Ferland

dr hess

Le Dr Robert Hes

2 - Mettre son expertise au service d’une percée médicale

Pour des experts en divertissement, il est très gratifiant de participer à la conception d'un jeu qui pourra éventuellement guérir des milliers de personnes, voire leur éviter de perdre la vue. Mais au-delà de la valorisation, cette collaboration avec le secteur de la santé a également été riche en apprentissages pour Ubisoft. Voici quelques réflexions sur la conception et le développement de notre premier jeu thérapeutique, que nous avons surnommé à l'interne la feel good game. Mathieu Ferland*

Avec le recul, une évidence s’impose : ce sentiment de contribuer à améliorer la vie des gens s’est avéré un véritable carburant pour nos troupes, et ce, tout au long du projet. Peu importe les embûches et les défis qui se sont présentés, nous avons toujours eu cette vision à long terme qui nous a motivés à trouver des solutions. Nous partagions tous le même but et étions animés par le désir de l’atteindre.

Nous devons aussi le succès de cette collaboration au fait que chacun des partenaires a su respecter le champ de compétence de l’autre sans s’y immiscer. Par ailleurs, nous étions tous très conscients que c’est en misant sur la complémentarité de nos expertises que nous allions accélérer l’innovation. Nous avons ainsi pu rapidement passer de l’étape de prototypage initiale à un produit dont le potentiel de mise en marché se concrétise de jour en jour. Au final, cette expérience s’est avérée très constructive.

Autre condition de succès : les contraintes et les ambitions de chaque partenaire ont été prises en considération pendant toute la démarche. À la lumière de plusieurs expériences, un autre constat me semble tout aussi clair : il n’existe pas un seul modèle de collaboration applicable à toutes les situations mais plusieurs, que nous devons avoir l’audace d’inventer. Toutefois, le timing constitue également un élément important : des partenaires peuvent partager les mêmes intérêts, mais pour que la magie opère, il faut qu’une certaine connivence apparaisse au bon moment.

Quelques défis

Évidemment, un projet d’une telle envergure comporte aussi quelques défis. Chez Ubisoft, nous n’avons pas l’habitude de dépendre d’une équipe externe pour nous dire comment faire les choses ou pour influer sur le rythme de nos productions. Toutefois, dans le cadre de cette collaboration, les chercheurs ont dû s’assurer que le développement du jeu respectait bien le protocole clinique. À quelques reprises, il m’a donc fallu recentrer l’équipe, qui désirait prendre certaines initiatives alors qu’il nous fallait d’abord obtenir l’accord des scientifiques. Pour ne pas trop freiner les élans, nous avons mis au point un système qui a facilité les échanges entre les parties.

En matière de communication, nous avons vite constaté qu’il ne suffit pas de parler la même langue pour se comprendre. Nous étions confrontés non seulement au jargon propre à chacune de nos industries mais aussi à nos réalités respectives. À titre d’exemple, lorsque nous avons défini notre cadre de travail sur le plan légal, nous avons appris que le court terme représente cinq ans pour l’industrie pharmaceutique alors que, pour Ubisoft, cela équivaut à trois mois. Au fil du temps, nous avons aussi constaté qu’il existe même plusieurs expressions communes à nos secteurs d’activité mais qu’elles ne veulent pas dire la même chose. Chaque fois, nous devions donc nous assurer de nous être bien compris.

Pour éviter les pertes de temps et d’argent, nous avons opté pour l’approche des petits pas. Avec nos partenaires, nous avons d’abord établi un cadre de travail et convenu de certaines étapes à atteindre. À la fin de chacune d’elles, nous réévaluions la situation et déterminions s’il valait le coup de poursuivre la collaboration. En se définissant ainsi des règles d’action claires, nous espérions réduire les attentes, les déceptions et les malentendus. Évidemment, tout projet comporte sa part de risques. Tout réside donc dans l’art de savoir se remettre périodiquement en question.

Les véritables retombées

Au départ, pour des raisons d’ordre juridique, seules quelques personnes connaissaient l’existence de cette initiative chez Ubisoft. Tant qu’une entente officielle n’avait pas été conclue, nous ne pouvions pas divulguer la nouvelle. À tout moment, le projet pouvait échouer. Toutefois, le jour où nous avons amorcé des relations avec les médias, les réactions ont fusé de toute part.

Nous avons évidemment été ravis du chaleureux accueil que la presse nous a réservé. Toutefois, ce sont les nombreuses réactions des futurs patients qui nous ont procuré le plus de satisfaction. Nous avons reçu des milliers de messages à la suite de cet effort médiatique. Certaines personnes nous offraient de participer aux tests cliniques, d’autres souhaitaient avoir rapidement accès à la technologie. Plusieurs adultes qui avaient abandonné tout espoir de guérison depuis des années se sont de nouveau mis à espérer.

Pour l’heure, les résultats sont spectaculaires : 90 % des patients ont retrouvé une vision binoculaire, 66 % ont amélioré leur vision tridimensionnelle et 33 % disposent d’une meilleure acuité visuelle tout en ayant recouvré une vision binoculaire. Ces résultats représentent un impact majeur dans la vie de ces patients. À titre d’exemple, un joueur de volley-ball nous a confié que depuis le traitement, c’était la première fois qu’il voyait en trois dimensions.

Lorsqu’on conçoit un bon jeu vidéo, par exemple Assassin’s Creed, plusieurs fans nous transmettent leurs félicitations, mais les témoignages à propos de Dig Rush nous font vivre d’autres émotions. Nous ne pouvons donc que ressentir une grande fierté d’avoir contribué à la réalisation d’un traitement en y apportant un savoir-faire critique. Le développement de ce jeu s’est avéré pour nous une occasion unique de mettre nos connaissances et notre expertise en jeux vidéo au service d’une percée médicale concrète.

Une convergence incontournable

Pour Ubisoft, la conception de ce jeu thérapeutique représente l’exemple parfait de l’impact positif que peuvent désormais avoir les technologies dans tous les secteurs d’activité. Plus que jamais, les technologies de l’information constituent les atomes crochus qui assurent la convergence entre les différentes industries. Jusqu’alors, nous avions été conditionnés à regarder la vie de façon linéaire, mais la technologie vient désormais tout bousculer. Et cette métamorphose va tellement vite qu’on ne peut plus rien tenir pour acquis. Toutes les industries constatent actuellement l’apparition de nouveaux concurrents inattendus. Apple est en train de devenir une banque. Google investit désormais dans le secteur de l’énergie. Et le phénomène ne fait que s’accentuer.

Si le Québec veut améliorer sa compétitivité, il vaudrait peut-être la peine que ses entreprises échangent davantage et explorent le potentiel de futures collaborations. Pour demeurer productifs, nous devons prendre le temps d’évaluer certaines occasions de partenariat, quitte à nous retirer par la suite. Au moins, nous aurons tenté le coup. Partout dans le monde, de plus en plus d’entreprises ont compris que si elles travaillent en collaboration, elles détiendront peut-être cette longueur d’avance stratégique à l’ère de la mondialisation. Je crois donc que le Québec inc. gagnerait à prendre davantage le virage de la collaboration.

3 - Autopsie d’une collaboration

Bon nombre d'organisations auraient intérêt à s'inspirer du projet Ubisoft-Université McGill, non seulement pour en apprendre davantage sur les conditions à respecter afin de réussir une collaboration interorganisationnelle, mais aussi pour ouvrir leurs horizons et pour explorer ce qui se fait dans d'autres industries. Que pouvons-nous apprendre de cette expérience? Réal Jacob et Jean Poitras*

Plusieurs innovations sont nées de l’adoption ou de l’adaptation des meilleures pratiques issues d’un autre secteur d’activité, comme l’a fait, par exemple, Chris Griffiths, fondateur de Garrison Guitars. En s’inspirant de l’industrie de la thermoplastie, ce jeune luthier a réussi à créer une guitare acoustique haut de gamme à un coût bien plus bas. Pour ce faire, il a remplacé les quelque 30 pièces de bois qu’il devait auparavant assembler minutieusement à la main par une monocoquille en fibre de verre. Fabriqués dans une usine ultramoderne, ces instruments de grande qualité sont aujourd’hui vendus dans le monde entier.

En outre, cette expérience démontre que la collaboration permet aussi aux organisations de détenir une expertise de pointe sans nécessairement devoir recruter. Pour concevoir ce jeu thérapeutique, Ubisoft aurait pu embaucher des ophtalmologistes … mais qu’aurait-elle fait de ces spécialistes une fois le jeu réalisé ? Ainsi, s’associer à des spécialistes qui possèdent une expertise complémentaire s’avère désormais l’un des meilleurs moyens de concevoir rapidement un nouveau produit ou service et d’exploiter un nouveau marché.

Facteurs de succès

Pour aller chercher une véritable valeur ajoutée dans le cadre d’une collaboration, il est essentiel que le savoir-faire de l’un soit indispensable à l’autre. Le projet Ubisoft-Université McGill illustre bien ce principe de parfaite réciprocité : les chercheurs pour le volet thérapeutique et les experts d’Ubisoft pour l’expertise en matière de jeux. Il n’est toutefois pas facile de trouver un partenaire aussi complémentaire. Voilà pourquoi Mathieu Ferland a dû examiner une soixantaine de projets avant de trouver celui qui présentait le plus de potentiel. Une collaboration prend d’ailleurs tout son sens lorsqu’on parvient à produire en partenariat quelque chose qu’on ne pourrait pas faire seul.

Nous attribuons aussi la réussite de ce projet au fait que les parties étaient motivées par une même cause : concevoir un jeu pour guérir les personnes souffrant d’amblyopie. Chaque acteur y a aussi trouvé son compte. Les projets collaboratifs ont toujours plus de chances de réussir lorsque les aspirations individuelles vont de pair avec l’intérêt supérieur commun.

Pour collaborer, il faut également se doter de normes partagées. Dans le cas présent, Ubisoft et l’Université McGill ont graduellement établi des règles et une manière de fonctionner qui ont permis à chaque partie de satisfaire à ses impératifs.

Les recherches ont également démontré que la proximité peut jouer un rôle primordial dans le contexte d’une collaboration. Cette proximité peut s’exercer sur trois plans : cognitif pour partager un schéma mental commun, relationnel pour créer une confiance mutuelle et géographique pour accroître la synergie. Là aussi, le partenariat Ubisoft-McGill a réuni les meilleures conditions possibles.

Autre facteur de succès : le solide leadership qu’Ubisoft a su assurer pendant tout le projet. Cettte équipe a non seulement consacré des ressources spécifiques pour le gérer et pour l’exécuter mais a même constitué une initiative à part au sein de l’organisation.

Ce leadership semble aussi avoir été exercé en tout respect de l’identité de l’autre partenaire, une condition essentielle pour tirer pleinement profit d’un partenariat. Ainsi, les employés d’Ubisoft et les experts de l’Université McGill se sont appliqués à comprendre leurs univers respectifs sans chercher à imposer leur identité propre. Chacun des partenaires a su respecter les rythmes individuels. Malheureusement, de nombreux projets de collaboration avortent lorsqu’un des partenaires tente de dicter ses façons de faire aux autres. À titre d’exemple, il n’est pas rare que certains médecins ou autres professionnels de la santé veuillent imposer leurs idées à leurs partenaires dans le cadre de projets de collaboration visant à mettre sur pied des programmes clientèles. Règle générale, cette attitude conduit tout droit à l’échec. Mais dans le cas de Dig Rush, l’esprit de collaboration dont ont fait preuve les partenaires a su favoriser la contribution de chacune des parties.

*Article écrit en collaboration avec Liette D’Amours, rédactrice-journaliste.