Stratégique, le rôle clé de l’intendant de données est souvent attribué à une personne de confiance haut placée dans une organisation. Si c’est votre cas, peut-être êtes-vous enthousiaste à l’idée d'adopter ce rôle… ou peut-être avez-vous plutôt des doutes ou des interrogations quant aux responsabilités qui, soudain, vous incombent. Décryptage.

L’intendant est le gardien des données d’un secteur d’activité de l’entreprise. Sa mission va cependant bien au-delà du simple aspect technologique puisque cette personne est aussi responsable de l’administration de ce patrimoine. Pourquoi? Parce que les données sont désormais le bien le plus précieux de votre organisation. Or, les administrer implique de les faire vivre et de les valoriser, et non de les enfermer dans un coffre-fort inaccessible.

«Un intendant est une personne responsable de la gestion de la propriété d’autrui. Un intendant de données gère des actifs de données pour les autres et dans l’intérêt primordial de l’organisation (Danette McGilvray, 2008). Il représente les intérêts de toutes les parties prenantes et doit adopter un point de vue organisationnel afin de s’assurer que les données de l’organisation sont de grande qualité et peuvent être utilisées de façon efficiente[1]

L’intendance des données requiert de veiller à la qualité, la disponibilité, l’intégrité et la confidentialité de ces dernières, tout en facilitant leur accès. Pareil rôle demande donc de la rigueur, de la constance et un équilibre de tous les instants. Voici quelques conditions de succès pour embrasser pleinement une telle responsabilité.

Comprendre la stratégie de données de votre organisation

Heureusement, l’intendant de données n’a pas à devenir un scientifique de données, et encore moins un architecte de solutions. Il n’a pas non plus à acquérir toute l’expertise data de l’organisation, car c’est déjà le rôle des experts de gérer les systèmes, les analyses et les architectures.

Ainsi, le premier rôle de cet intendant est d’identifier les données qui ont le plus de valeur pour l’organisation, sans en compromettre la protection, afin d’en garantir une utilisation efficace. Par exemple, cela signifie que cette personne a la responsabilité d’assurer un accès facile aux données et de faire en sorte que celles-ci soient adéquates pour l’utilisation prévue. Pour cela, il importe de mettre en place des mécanismes qui permettent de gérer, contrôler et surveiller les données tout au long de leur cycle de vie, et ce, conformément aux politiques, aux principes et aux normes de l’organisation. Ce n’est pas à l’intendant d’établir les encadrements et politiques, mais il doit les faire vivre au quotidien, en s’arrimant à la stratégie de données qui a été établie. En comprenant bien le processus en question, ce professionnel sera en mesure de donner du sens aux actions du secteur qui sont à mettre en place.

Le saviez-vous? Seulement 16 % des entreprises peuvent compter sur une participation active de leurs cadres supérieurs dans la gouvernance des données[2].

Orienter les travaux des équipes de votre secteur

Pour faire vivre la stratégie de données dans votre secteur, l’intendant doit mettre en place de nouvelles règles opérationnelles : stockage, entrées et extraction de données, archivage, etc. Par conséquent, il sera crucial pour ce spécialiste de se pencher autant sur les processus et les règles à mettre en place que sur les types de données à utiliser, sans oublier les catégories de métiers et postes qui auront réellement besoin d’accéder à ces données. Certains des collègues verront peut-être ce rôle comme celui d’un facilitateur pour ce qui est de leurs responsabilités, tandis que d’autres, en toute transparence, auront peut-être le sentiment que l’intendant leur met des bâtons dans les roues, qu’il ralentit leurs actions.

La première étape en matière de données : le nettoyage! D’aucuns se montrent parfois surpris du côté archaïque de certains des systèmes, ou encore de la «créativité» dont font preuve d’autres collègues avec l’entrée de données, soit pour pallier les lacunes desdits systèmes, soit par ignorance des meilleures pratiques qui existent. Ainsi, l’intendant se doit d’être patient et persévérant, à la fois flexible et rigoureux.

Participer à la gouvernance des données

En plus de comprendre les orientations de l’organisation concernant les données, l’intendant sera à même d’apprendre au contact des autres en participant à la gouvernance. Bien sûr, ce ne sont pas toutes les organisations qui se sont dotées d’un mécanisme spécifique à cet égard, mais il ne faut pas hésiter à le proposer (sans pour autant le prendre en charge!). Siéger à un conseil de gouvernance réservé aux données, c’est une occasion en or pour comprendre les enjeux et, surtout, les politiques en place. L’intendant sera alors en mesure de mieux assumer son rôle et d’anticiper les changements à venir, tant dans ses pratiques que dans celles des équipes.

S’assurer de la sécurité et gérer les risques

Ce que le rôle d’intendant de données n’est pas : celui d’expert de la sécurité des environnements technologiques et des logiciels, pas plus que celui de responsable de la mise en place des mesures de sécurité propres à la confidentialité des données. Cependant, ce nouveau rôle amène la personne qui l’assume à travailler de pair avec les experts dans l’organisation, ou encore des fournisseurs, pour s’assurer de la sécurité des actifs que sont les données.

Pour vous aider dans vos nouvelles fonctions, voici quelques questions pertinentes qui permettront de réduire, voire d’éliminer les risques associés aux données dont vous vous retrouvez à être le tout nouveau gardien.

- À quel endroit les données sont-elles entreposées, et quels sont les modes de stockage?

- Y a-t-il de la redondance et des copies de sécurité?

- Des tests d’intrusion dans les infrastructures ont-ils été menés?

- Les mises à jour des logiciels sont-elles bien effectuées?

- Comment les accès aux données sont-ils gérés pour les équipes?

- Quelles sont les politiques de confidentialité et de protection de la vie privée (données critiques) en vigueur?

En fait, un plan de gestion de risques et un plan de gestion de crise constituent de bons outils structurants pour guider vos réflexions. N’oubliez pas que les données ne résident pas uniquement sur des serveurs informatiques et que le papier est encore grandement utilisé. En résumé, votre compréhension des risques informationnels doit être globale et ne pas s’attarder qu’à la technologie.

Être un agent de changement

La question qui s’impose à ce stade-ci : comment réagir en cas de résistance de la part de certaines équipes? En effet, il est tout à fait possible que l’intendant ait à faire face à des gens qui refuseront d’entendre son message et qui préféreront (ou préféreraient) fonctionner comme avant. Or, il faut comprendre que ce n’est pas en raison d’une mauvaise volonté de leur part.

La stratégie de données et leur gouvernance sont complexes et difficiles à comprendre, surtout pour des personnes qui sont moins familières que d’autres avec le jargon technique. Dans cette optique, l’une des responsabilités de l’intendant de données est de vulgariser, de créer du sens pour que ces personnes comprennent toutes les étapes de sa mission : la raison d’un changement de pratiques, les bénéfices attendus, les répercussions sur leur travail, les risques pour l’organisation en cas d’absence de changement et les moyens pris pour parvenir à ce dernier. Bref, en favorisant les échanges, les discussions et les débats sur ce sujet, l’intendant parviendra à renforcer la culture de données de l’organisation en incarnant le changement.

En embrassant pleinement cette nouvelle responsabilité, en comprenant la stratégie et en orientant les équipes, vous-même serez en mesure de libérer le véritable potentiel de ce précieux patrimoine qu’est la donnée. C’est l’occasion pour vous de contribuer de manière significative à l’efficacité opérationnelle, à la prise de décisions informée et éclairée de même qu’à la conformité réglementaire de votre organisation. Certes, le rôle d’intendant de données peut se révéler exigeant, mais il conduit à une grande satisfaction professionnelle et organisationnelle lorsqu’il est abordé de façon positive et organisée.


Notes

[1] Traduction libre d’un extrait de DAMA-DMBOK: Data Management Body of Knowledge, Technics Publications, Basking Ridge, New Jersey, 2017.

[2] Cognopia, «Two-thirds of firms still do not have a data strategy, survey reveals».