La visualisation joue un rôle crucial pour optimiser l’intégration des données dans les processus décisionnels. Mais faire parler ces informations est un art autant qu’une science, qu’on doit prendre le temps d’apprivoiser.

Les organisations collectent des tonnes de données, mais leur utilisation dans les décisions pose souvent problème. Tirer des conclusions, montrer un enjeu ou illustrer ce qui motive une nouvelle direction avec des feuilles de calculs ou des rapports n’est généralement pas très efficace. C’est là que la visualisation de données entre en jeu.

«Elle représente un peu l’équivalent des appareils de navigation pour un capitaine de bateau : elle est essentielle, surtout en période de brouillard, explique Sébastien Giroux, vice-président services-conseils de la firme d’analyse de données Numea. Elle permet à l’entreprise de s’orienter, d’identifier rapidement des enjeux ou de cerner les sources d’un problème.»

Pour Sébastien Giroux, une bonne visualisation constitue d’abord et avant tout un exercice de retenue. «Les indicateurs clés de performance devraient se compter sur les doigts d’une main, avance-t-il. Leur présentation doit être claire et logique en fonction de ce que l’on veut expliquer. On n’utilisera pas le même graphique pour montrer une tendance ou pour comparer des éléments, par exemple.»

Raconter une histoire

La visualisation constitue en effet une forme de langage, qui passe par un encodage. Celui-ci repose sur l’utilisation de couleurs, de formes, de positions, de longueurs ou de largeurs, qui servent à mieux distinguer les données entre elles. Son objectif consiste d’abord et avant tout à bien raconter une histoire.

Une bonne connaissance de certaines caractéristiques humaines aide à y arriver. Par exemple, l’œil perçoit certains éléments, comme la longueur, d’une manière plus précise que d’autres, telle une aire. Les couleurs peuvent également revêtir des significations particulières. Chez nous, le vert a acquis une signification plutôt positive (autorisation, environnement, etc.) alors que le rouge a une connotation plus négative (interdiction, déficit, violence, etc.) et que le blanc incarne la pureté.

«Mais ces significations varient entre les pays et les cultures», avertit Francis Gagnon, fondateur de la firme de design d’information Voilà. En Chine, par exemple, le rouge représente la chance et la prospérité, le vert indique la pureté et le blanc symbolise la mort.

Le courage de communiquer

La construction d’une bonne visualisation se confronte souvent à deux défis. Le premier consiste à utiliser des données erronées, ce qui fausse le message. C’est le vieux principe du «garbage in, garbage out».

La crainte de prendre une position ferme peut aussi s’avérer nuisible dans un tel projet. La visualisation n’est en effet pas un exercice objectif, mais un acte de communication. «Une bonne visualisation ne montre pas un graphique, mais un message, prévient Francis Gagnon. On doit donc savoir ce qu’on veut dire et oser s’engager clairement.»

Cela commence, par exemple, par un titre évocateur qui présente la conclusion que l’on a tiré de l’examen des données. Francis Gagnon conseille aussi de ne pas hésiter à annoter un graphique pour renforcer ou souligner certains éléments. Le message doit apparaître très nettement en regardant le visuel.

Les organisations doivent par ailleurs se garder d’espérer que ces outils répondent à toutes leurs interrogations. Dans bien des cas, leur rôle consiste plutôt à générer les bonnes questions, en confirmant ou en infirmant certaines impressions et en attirant rapidement l’attention aux bons endroits.

Une percée publique

Ces dernières années, des outils comme Tableau et Power BI ont grandement démocratisé la visualisation. On constate également l’intégration de techniques d’analytique avancée et prédictive. «On a souvent associé la visualisation des tableaux de bord à du descriptif : on regardait dans le rétroviseur pour voir ce qui s’était passé, rappelle Sébastien Giroux. Mais rien n’empêche maintenant d’inclure des prévisions ou de créer des scénarios.»

La pandémie a aussi amené les gens à mesurer le pouvoir des visuels. En 2020, la page la plus populaire de bien des médias était celle qui montrait les graphiques de l’évolution des cas de COVID et la fameuse courbe qu’on s’échinait à faire redescendre. «La visualisation de données a alors réalisé une grande percée dans l’espace public», note Francis Gagnon.

Ceux qui font de la visualisation de données tentent en outre de la rendre de plus en plus accessible. On évite, par exemple, l’utilisation de certaines couleurs que les daltoniens peinent à distinguer. On ajoute parfois un texte alternatif, qui décrit le visuel pour les personnes non voyantes. On réduit également la complexité des graphiques, afin qu’ils soient largement compris.

«Si on veut s’adresser au grand public, on doit nécessairement porter attention à l’accessibilité», conclut Francis Gagnon.