Lorsqu’elles sont bien utilisées, les données peuvent devenir de puissants outils d’appui à la décision dans une entreprise. Cela demande d’établir des processus efficaces et de développer une véritable culture des données. Comment s’y prendre?

Les dirigeants évoluent dans des contextes d’affaires et sociaux de plus en plus complexes, qui changent rapidement. Dans une telle situation, prendre des décisions par instinct offre des perspectives très limitées et peut même mener à des erreurs magistrales.

L’apport des données dans les processus de décision s’avère donc névralgique. Il repose sur deux facteurs fondamentaux : la qualité des informations et l’existence d’une réelle vision stratégique pour l’entreprise. En effet, l’utilisation des données devrait toujours avoir comme but d’atteindre les objectifs d’affaires.

«Les entreprises et organisations ont généralement accès à deux types de données : quantitatives et qualitatives», explique Marc Fredette, professeur titulaire au Département des sciences de la décision de HEC Montréal. Le nombre d’étoiles que les clients décernent à un commerce constitue un exemple d’information quantitative. Les revues et commentaires représentent, au contraire, des informations qualitatives.

«Les données qualitatives permettent de dégager certaines tendances, que les données quantitatives viendront valider ou infirmer», poursuit Marc Fredette. C’est important, car les données qualitatives peuvent souffrir de plusieurs biais.

Prenons l’exemple d’un restaurant. Une lecture de 18 critiques sur un site laisse poindre plusieurs insatisfactions. Mais la note moyenne décernée par 435 clients est de 4 étoiles sur 5. Cela indique que les clients insatisfaits ont été plus portés à écrire un commentaire que ceux qui étaient satisfaits. L’organisation peut aussi décider d’accorder une valeur différente à l’appréciation d’un client régulier par rapport à celle d’un client occasionnel.

Éviter les biais

«Trouver les bonnes sources de données, les collecter et les nettoyer de manière très rigoureuse est donc crucial pour qu’elles soient réellement utiles et qu’elles n’envoient pas les décideurs sur de fausses pistes», souligne Marc Fredette.

Le principal intérêt des données est d’éviter de prendre des décisions basées sur des impressions. Elles permettent d’établir certains indicateurs clés de performance (KPI), comme le nombre de clients ou de ventes, les revenus récurrents, la productivité, etc. Certains dirigeants iront parfois jusqu’à retarder une prise de décision dans l’attente de données probantes pour les appuyer.

«Plusieurs éléments peuvent venir biaiser nos impressions individuelles et collectives, alors que les données aident à quantifier certains phénomènes de manière objective», rappelle Aurélie Labbe, professeure titulaire au Département des sciences de la décision de HEC Montréal.

Les données peuvent même servir la prise de décision en temps réel (séquentiel), comme dans la médecine de précision, qui utilise des régimes de traitement dynamiques. Ces approches reposent sur un ajustement en continu du traitement basé sur les données du patient.

Centraliser l’information

Une fois les sources de données et les KPI identifiés arrive le moment crucial de l’organisation des données. «C’est une étape clé, estime Aurélie Labbe. Les données doivent être centralisées sur une plateforme facilement accessible à tous ceux qui les utiliseront dans l’organisation.» Un bon tableau de bord affichera les données essentielles pour atteindre les objectifs stratégiques, tactiques, analytiques ou opérationnels de l’entreprise.

Ce tableau de bord servira dans l’analyse des données, mais on ne doit pas hésiter à comparer ce que disent ces KPI à d’autres sources d’information (enquêtes, témoignages des clients, etc.). La confrontation de ces données réduit les risques de biais et d’angles morts.

Les résultats de cette analyse pourront ensuite être présentés dans une visualisation, afin de rendre les conclusions claires pour tout le monde. Cette visualisation aidera à établir un ou des objectifs, à appuyer le plan d’action et à hiérarchiser les décisions.

Une équipe structurée

Le virage vers une culture de la donnée doit venir des dirigeants, mais il concerne tout le monde dans l’entreprise. Cependant, chacun doit être utilisé au mieux de ses compétences et aptitudes. Programmer un modèle efficace n’exige pas les mêmes qualités que de réaliser une visualisation créative, par exemple.

«Plusieurs étapes comme la collecte, le stockage, le nettoyage, l’exploration, la modélisation et la visualisation peuvent être menées par des personnes ou des équipes différentes, mais on doit se garder de travailler en silo», avance Aurélie Labbe.

Elle insiste toutefois pour dire que le développement d’une culture des données et la structuration efficace de leur utilisation passent nécessairement par l’engagement des dirigeants. «Ils doivent comprendre l’utilité de ce changement de culture et la valeur ajoutée des données dans leurs prises de décision et à ce titre, il reste de la sensibilisation et de la formation à faire auprès de nos entrepreneurs et de nos gestionnaires», croit-elle.