De nombreuses organisations font appel à des collaborateurs externes pour atteindre leurs objectifs d’affaires. Qu’ils soient sous-traitants ou consultants, travailleurs autonomes ou petites entreprises, quels sont les enjeux liés à leur intégration et comment en tirer parti?

Si compter sur une équipe solide augmente les chances de succès des entreprises, il leur est parfois utile de chercher du soutien de l'extérieur pour atteindre leurs objectifs. Au Québec, un travailleur sur 10 est autonome, selon l'Institut de la statistique. Et lorsque les organisations les recrutent, eux ou de petites entreprises, c’est souvent pour les mêmes raisons, estime Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’Université TÉLUQ, spécialiste en gestion des ressources humaines, en économie et en sociologie du travail.

Expertise, économie et flexibilité

Diane-Gabrielle Tremblay mentionne en tête de liste le besoin des entreprises d’élargir leurs compétences de manière ponctuelle. «Elles cherchent des profils qui ont une expertise parfois pointue, et dont elles n’ont pas forcément besoin en permanence.» Marketing, technologies de l’information, intelligence artificielle, nanotechnologie, «ce sont notamment les expertises dans les champs de recherche et d’application récents qui sont recherchées par les organisations», précise Miguel Hernandez, maître d’enseignement au Département de management à HEC Montréal.

Par ailleurs, faire appel à un expert peut permettre aux entreprises d’obtenir du guidage sur des problématiques de niche. «Face à certains enjeux, les entrepreneurs — même les exécutifs — ne savent pas toujours quel chemin emprunter. Des profils expérimentés et spécialisés, tels que d’anciens directeurs financiers, peuvent les conseiller et diagnostiquer d’autres besoins de l’entreprise», souligne Claudia Del Papa, vice-présidente principale, Finance et comptabilité pour Randstad Canada.

Recruter des collaborateurs externes permet également aux organisations de réduire leurs coûts, indique Diane-Gabrielle Tremblay. «Ils peuvent offrir plus de flexibilité aux employeurs sans que ceux-ci aient à payer les avantages sociaux et les vacances, et sans qu’ils s’engagent à les garder en emploi pendant des années.»

Souvent embauchés contractuellement, ces collaborateurs aident les organisations à soutenir la charge de travail du personnel en place. «Faire appel à des collaborateurs temporaires permet de retenir les employés et d’éviter des cas d’épuisement professionnel», ajoute Claudia Del Papa.

De précieux atouts… temporaires

Si on retrouve des externes un peu partout, les entreprises qui fonctionnent par projet sont particulièrement promptes à les recruter, affirme Miguel Hernandez. Qu’il s’agisse de compagnies de consultation, d’ingénierie, de production cinématographique ou de jeux vidéo capables de passer de 500 à 5000 employés en six mois, «la nature temporaire des projets oblige ces entreprises à avoir des collaborateurs externes, parce qu’elles n’ont pas la capacité d’intégrer autant de monde à long terme.»

L’enseignant estime par ailleurs que l’intégration de ces collaborateurs permet souvent d’oxygéner la culture organisationnelle. «Les travailleurs autonomes et les consultants ont l’habitude de s’adapter au sein d’organisations diverses et connaissent plusieurs façons de faire, ce qui représente une occasion d’apprentissage pour les entreprises.»

Enrichir le savoir-faire interne

Il est toutefois nécessaire pour les entreprises de garder à l’interne les savoir-faire qui leur sont propres et de s’assurer que les soutiens encadrant leurs cadres métier sont majoritairement des employés, précise Miguel Hernandez. «Si on prend l’exemple des entreprises de TI, le rôle des architectes y est fondamental. Si trois des cinq membres qui appuient ces cadres au sein d’un projet viennent de l’extérieur, l’entreprise se met en danger [car ils peuvent facilement la quitter].»

Pour tirer le meilleur parti du recrutement de collaborateurs externes, les compagnies gagnent à instaurer des mécanismes de captage et de partage de la connaissance que ces derniers leur apportent. Selon Miguel Hernandez, cela peut se faire par du parrainage, du travail en binôme ou des rencontres entre membres de différentes équipes. «C’est ce qu’on appelle souvent la “machine à café”, soit un centre de discussions informelles au sein duquel les personnes apprennent les unes des autres, sans l’imposition des gestionnaires, mais avec leur appui.»

Relever le défi de l’intégration

S’assurer que les collaborateurs externes sont capables de s’adapter aux habitudes de travail et de s’intégrer aux équipes permanentes est le principal défi que doivent relever les organisations. Miguel Hernandez souligne à ce titre l’importance de soigner le processus d’embauche. «C’est comme former une équipe de hockey : il s’agit moins d’avoir des vedettes ou des personnes excellentes que des collaborateurs qui s’intègrent bien et rapidement au projet.» Claudia Del Papa précise : «Puisqu’ils doivent apprendre rapidement en recevant une formation parfois limitée, les profils qui ont déjà de l’expérience répondent souvent mieux à ces exigences.»    

Si l’intégration est essentielle sur le plan technique, elle l’est aussi sur le plan humain. Les organisations gagnent à favoriser le contact entre tous les membres d’une équipe, explique Diane-Gabrielle Tremblay. «Il faut prendre le temps d’organiser des rencontres en présentiel pour que les collaborateurs fassent connaissance, comme personnes et comme professionnels, et développent une collaboration.» Les employeurs doivent également tenir compte des enjeux d’équité, souligne l’enseignante, car même si les salariés réguliers ont des avantages, ils peuvent parfois considérer que les indépendants sont plus gagnants du côté de la rémunération à court terme.

Tirer pleinement profit du recrutement de collaborateurs externes, c’est enfin favoriser leur adhésion aux projets de l’entreprise en leur en présentant la vision à l’aide d’images parlantes et de mots forts, souligne Miguel Hernandez. «Il s’agit de se mettre ensemble dans la position du client afin de voir ce que le projet peut lui apporter. C’est un outil puissant pour réunir tous les collaborateurs autour d’objectifs communs.»