Article publié dans l'édition Hiver 2019 de Gestion

Louis Jacques Filion

Louis Jacques Filion est professeur honoraire au Département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal.


La Journée des micro-, petites et moyennes entreprises (MPME), proclamée par l’ONU en 2017 et qui aura lieu dorénavant le 27 juin tous les ans, est une belle occasion pour partager nos réflexions sur les façons de préparer les entrepreneurs de demain. En effet, nos pratiques à ce sujet sont toujours à améliorer.

Les MPME comptent pour plus de 90 % des entreprises, créent plus de 80 % des nouveaux emplois et contribuent à plus de 60 % de l’emploi ainsi qu’à plus de 50 % du PIB dans les pays développés. Dans les pays en développement, ces pourcentages sont encore plus élevés. Le nombre de MPME dans le monde ne cesse de croître. Si la tendance se poursuit, elles représenteront plus de 95 % des entreprises dans une décennie.

Certaines de ces entreprises demeureront des « souris », ces microentreprises stables qui doivent néanmoins s’ajuster constamment aux changements, en particulier technologiques mais aussi sur les marchés. D’autres deviendront des « lièvres », ces petites entreprises agiles qui peuvent changer de direction rapidement en renouvelant fréquemment leur modèle d’affaires. D’autres encore deviendront des « gazelles », ces moyennes entreprises qui connaissent une croissance rapide, parfois exponentielle. Construites à partir d’opportunités porteuses et appuyées sur des modèles d’affaires imaginatifs, certaines gazelles deviendront de grandes entreprises.


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Si la quatrième révolution industrielle à laquelle nous assistons depuis quelques années est souvent associée à l’accélération de la robotisation, elle donne aussi lieu à l’éclosion de nombreuses formes de conceptions innovantes en ce qui a trait tant aux produits qu’aux processus de fabrication et de mise en marché.

L’entrepreneur classique est un concepteur d’opportunités qu’il met en œuvre. Or, l’entrepreneur actuel est en train de devenir plus qu’un concepteur d’opportunités. L’accélération des changements l’amène à devenir un agent qui ne cesse d’innover en élaborant une diversité toujours plus grande de projets et de conceptions opportunes.

L’entrepreneur de la quatrième révolution industrielle est devenu un agent de création qui ne cesse d’innover et de réinventer. Il continue à peaufiner l’opportunité à partir de laquelle il a créé son entreprise, la modifie parfois plusieurs années durant et ne cesse d’en créer de nouvelles.

Des modèles mentaux imaginatifs et innovants

Élaborés en fonction des contextes de la première révolution industrielle, la majorité des systèmes d’éducation sont axés sur l’acquisition de savoirs, sur le développement de la pensée analytique et sur la capacité à se conformer : apprendre à lire, à écrire, à compter et à suivre des règles. Ce sont là des éléments de base de tout apprentissage, mais il faut maintenant aller plus loin.

Certains peinent à s’ajuster aux nouvelles réalités de la quatrième révolution industrielle. Nous sommes entrés dans une période de changements accélérés au cours de laquelle les entreprises qui veulent survivre doivent sans cesse se réinventer. Pour ce faire, le développement de l’intelligence analytique doit être accompagné du développement de l’intelligence imaginative.


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Désormais, la façon de penser de l’entrepreneur nécessite un niveau de créativité jamais vu dans le passé. Il est devenu un agent de création dont les innovations déterminent de plus en plus les façons de vivre non seulement des personnes mais aussi des collectivités.

Quelques critères pour mieux préparer à l’activité innovante

Les systèmes d’éducation sont des ensembles complexes qui ne peuvent pas être modifiés efficacement sans apporter des changements substantiels à la formation des futurs enseignants. C’est pourquoi il est suggéré de mettre en œuvre des approches et des modèles éducatifs destinés à préparer les esprits à mieux évoluer dans les contextes actuels et futurs en tenant compte des critères suivants :

  1. Considérer chaque étudiant comme une personne unique et dispenser une éducation qui lui permette de devenir le maître d’œuvre de son développement.
  2. Éveiller la curiosité afin de nourrir la motivation à apprendre, à aller plus loin, à créer, à se réinventer.
  3. Favoriser aussi bien l’acquisition de connaissances et de compétences analytiques, d’une part, que le développement d’un mode de pensée imaginatif, d’autre part. Einstein l’a souvent répété : « L’imagination est plus importante que le savoir. »
  4. Promouvoir un développement plus équilibré entre l’apprentissage conceptuel et pratique afin de mieux préparer à l’activité innovante.
  5. Perfectionner le jugement afin d’être en mesure de prendre des décisions plus éclairées dans des contextes où tout n’est pas toujours clairement défini.
  6. Susciter la confiance en soi, la débrouillardise et l’audace pour continuer à explorer, à découvrir et à conquérir, d’une part, et pour avoir le courage d’entreprendre et d’accomplir des choses jamais faites auparavant, d’autre part.
  7. Apprendre à mieux utiliser les ressources ainsi que les savoirs des écosystèmes entourant l’agent de création. Cela deviendra un enjeu toujours plus crucial.
  8. Former les gens au travail en groupe. Déjà, en 2018, en Amérique du Nord, plus de 80 % des nouvelles entreprises sont créées par des équipes.

En terminant, je tiens à souligner l’excellente initiative de l’ONU d’avoir institué la Journée mondiale de la créativité et de l’innovation (21 avril) et d’avoir accepté, en 2017, la proposition du Conseil international de la petite entreprise (CIPE, ou ICSB : International Council for Small Business) de créer la Journée des micro-, petites et moyennes entreprises. La création de journées mondiales pour améliorer la condition humaine pourrait être suggérée sur plusieurs autres thématiques. Nous insistons sur deux d’entre elles en particulier : l’éducation et l’épanouissement personnel.