Article publié dans l'édition Automne 2019 de Gestion

Bombardés d’information, les consommateurs qui naviguent sur Internet peinent parfois à faire le tri et à décider quoi acheter. Une telle surcharge peut donc rendre l’expérience de recherche en ligne très frustrante. Examen de cette question et pistes de solution.

Aux premières heures d’Internet et du commerce électronique, on ne trouvait sur le Web que quelques sites transactionnels. Aujourd’hui, l’offre a littéralement explosé et les assortiments de biens de consommation proposés  dans les boutiques en ligne sont innombrables. À cela s’ajoute la masse d’information provenant d’autres internautes qui commentent leurs achats ou les services qu’ils utilisent. Résultat : il est de plus en plus compliqué pour les consommateurs de dénicher les produits et services qui répondent le mieux à leurs besoins.


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Mais ce n’est pas tout : qu’en est-il des trouvailles inopinées ? Connu sous le nom de sérendipité (un mot directement calqué sur l’anglais serendipity), le phénomène qui consiste à trouver quelque chose de valeur – de l’information dans ce cas-ci – tout à fait par hasard peut s’avérer déterminant en ce qui a trait aux décisions des consommateurs. Et nous savons que de nombreux achats en ligne résultent de découvertes fortuites : il y a donc avantage à trouver des moyens de les susciter.

Or, il est encore très difficile de concevoir des environnements de recherche favorisant de telles découvertes. Afin d’outiller les gestionnaires de boutiques en ligne, des collègues et moi-même avons étudié la capacité des fonctionnalités des réseaux sociaux (notamment Facebook) à générer de la sérendipité et à faciliter la recherche d’information et de produits en ligne par les consommateurs. Un site de recherche de restaurants élaboré à cette fin nous a permis d’étudier ce phénomène.

Les facteurs clés de la découverte inattendue

Nous avons d’abord examiné les comportements de recherche d’information des consommateurs lorsqu’ils essaient de choisir un restaurant sur un site analogue à Just Eat ou à Expedia, par exemple. Ces sites offrent des fonctionnalités qui permettent de consulter les contributions des autres consommateurs, d’avoir accès à leurs listes d’« amis » Facebook et de naviguer dans leurs réseaux sociaux. Nous souhaitions ainsi comprendre l’incidence du capital social de l’utilisateur – c’est-à-dire l’étendue et la diversité de son réseau – sur ses comportements de recherche, de même que la façon dont ces comportements mènent à des expériences à la fois utiles et agréables.

Nous avons ensuite cherché à savoir comment une plateforme de commerce en ligne pouvait favoriser ou non la sérendipité grâce à deux fonctionnalités sociales. Alors que la première permet aux consommateurs d’accéder au contenu produit par les autres utilisateurs de la plateforme, la deuxième permet de lire les évaluations et les commentaires émis par les utilisateurs de la plateforme qui font également partie de leur propre réseau social (exemple : leurs « amis » Facebook). Voici ce que cette expérience nous a permis de découvrir.

Les comportements de recherche en ligne

Lorsque les consommateurs magasinent en ligne, ils peuvent faire deux types de recherche qui correspondent aux fonctionnalités décrites ci-dessus. Le premier type est l’exploitation, qui consiste à obtenir l’opinion des « amis » de son réseau social, alors que le second, l’exploration, consiste à prendre connaissance des avis d’autres membres d’un réseau social qui ne sont pas nécessairement des « amis ».

À plusieurs égards, le comportement d’exploitation apparaît comme étant plus agréable pour l’internaute. En effet, il est plus facile d’interpréter les opinions de nos amis : nous connaissons leurs goûts, et les points communs entre eux et nous suscitent un sentiment de confiance.

Ainsi, l’expérience de recherche d’information apparaît plus positive à la fois sur le plan utilitaire et d’un point de vue hédoniste. L’exploitation demande également moins d’effort de la part des consommateurs tout en générant davantage d’engagement. Nos observations ont révélé que le capital social a une incidence sur les comportements des consommateurs. Propre à chacun, ce capital peut être mobilisé en vue d’atteindre divers objectifs, par exemple trouver un produit ou un emploi. Ce capital se définit de deux manières :

  1. Le capital social structurel, c’est-à-dire le nombre de personnes dans un réseau de contacts et la structure de leurs relations (leur densité, par exemple);
  2. Le capital social relationnel, c’est-à-dire l’utilité (ou l’expertise) potentielle des membres du réseau.

Or, plus le capital social dont bénéficie une personne est élevé, plus elle aura tendance à utiliser les ressources disponibles dans son réseau : ces ressources lui permettront d’obtenir de meilleurs résultats tout en diminuant ses efforts. Au bout du compte, elle profitera donc d’une expérience d’achat plus agréable et plus utile. En revanche, si son capital social est faible, elle se tournera davantage vers l’exploration. Toutefois, bien que ce choix semble logique – il permet en effet de pallier les limites d’un réseau social –, le comportement d’exploration s’avère moins intéressant pour les consommateurs. Voici  pourquoi.

Quels comportements doit-on encourager ?

Le recours à l’exploration ou à l’exploitation a un effet significatif sur la probabilité que les utilisateurs fassent de belles trouvailles au cours de leurs recherches : c’est la fameuse sérendipité ! Or, l’exploitation apparaît nettement plus performante que l’exploration, puisque les sites qui permettent de se connecter à son réseau d’amis ont un potentiel de sérendipité nettement plus élevé que ceux qui ne font que donner accès au contenu généré par d’autres utilisateurs.

Pour illustrer cet aspect, imaginons qu’un consommateur cherche sur une plateforme en ligne un restaurant italien abordable et situé près de chez lui. S’il a la possibilité de consulter le profil de ses « amis », il pourra probablement y voir un choix de restaurants diversifiés dont la plupart ne correspondront pas nécessairement à ses critères de recherche initiaux. Ainsi, il pourrait faire une découverte à la fois fortuite et intéressante et éventuellement choisir un restaurant différent de celui auquel il pensait au départ.


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Bien que la recherche parmi les commentaires d’utilisateurs apparaisse moins prompte à générer de la sérendipité, elle a cependant l’avantage de donner accès à un fort volume de renseignements très pertinents en ce qui a trait aux décisions d’achat. Dans ces conditions, un design hybride de plateforme permettant les deux comportements de recherche offrirait-il le meilleur des deux mondes? Paradoxalement, nos travaux n’ont pas confirmé cette hypothèse.

Des leçons à tirer pour les commerçants

Les commerçants et les détaillants peuvent tirer de précieuses leçons de ces observations. Tout d’abord, ils doivent miser sur un environnement informationnel qui permet aux consommateurs d’accéder à leurs réseaux sociaux, notamment en intégrant des fonctionnalités sociales dans leurs sites transactionnels. Ensuite, ceci peut être mis en œuvre en exploitant la plateforme Facebook, qui permet aux utilisateurs d’être connectés à leur réseau d’« amis » tout en recherchant des biens de consommation.

En « important » sur un site de commerce en ligne ce réseau élaboré sur Facebook, les consommateurs peuvent tirer avantage de leur capital social lors de leurs expériences d’achat. Les commerçants qui proposent ce type de recherche personnalisée favorisent ainsi les chances de leur clientèle de trouver une information à la fois fortuite et pertinente, donc de profiter des avantages de la sérendipité. L’inclusion des réseaux sociaux à un site de commerce en ligne constitue un des facteurs susceptibles d’améliorer l’expérience d’achat sur Internet à un coût relativement faible. À la clé, un potentiel de ventes plus important… Soyez prêts!


Pour aller plus loin

Grange, C., Benbasat, I., et Burton-Jones, A., « With a Little Help from My Friends: Cultivating Serendipityin Online Shopping Environments », Information & Management, vol. 56, n° 2, mars 2019, p. 225-235.

Grange, C., et Benbasat, I., « Opinion Seeking in a Social Network-Enabled Product Review Website: A Study of Word-of-Mouth in the Era of Digital Social Networks », European Journal of Information Systems, vol. 27, n° 6, mai 2018, p. 629-653.