Après plusieurs années de collaboration virtuelle, quelles leçons en tirer? Des experts nous proposent leurs meilleures stratégies pour accroître la performance des différents modes de communication à distance.

1- Apprendre à piloter différents canaux

Visioconférences, messagerie instantanée, outils de collaboration en ligne, courriels ou simples appels téléphoniques : la communication à distance implique une multitude d’outils. «Dans ce contexte, il y a une nouvelle compétence à acquérir qu'on appelle la gestion multicanale», explique Éric Brunelle, professeur titulaire au Département de management de HEC Montréal. Ainsi, annoncer une mise à pied par Teams ou réprimander quelqu’un, c’est possible, mais ce n’est pas recommandé. «Ce sont des exemples extrêmes, mais tout ce qui touche l’humain, qui suppose beaucoup d’interactions, devrait passer par un canal plus riche. Par exemple, on a tout intérêt à travailler en présentiel pour créer un nouveau produit.»

«Si on sollicite l’avis d’une personne par écrit, elle va se censurer naturellement, plutôt que de rédiger une longue réponse. Toutefois, un appel de seulement cinq minutes nous permettra de collecter beaucoup plus d’informations», renchérit Jennifer Gabriele, vice-présidente associée chez Lord Communication managériale et associée, développement des leaders et des équipes chez Humance. Bref, il faut sélectionner le meilleur moyen de communication selon qu’on veut informer ou coacher une personne, ou partager une information, discuter ou collaborer avec un collègue, entre autres exemples.

2- Adopter le bon ton

Les paroles s'envolent, mais les écrits restent. Avec la multiplication des plateformes de communication, cet adage demeure toujours d'actualité. «Certaines personnes vont envoyer un texto un peu raide sur un service de messagerie instantanée en ajoutant un petit sourire pour atténuer leurs propos», illustre Jennifer Gabriele. Or, les études montrent que l’écrit laisse beaucoup de place à l’interprétation, ajoute-t-elle. Sans le ton et le langage non verbal, le message risque d’être perçu beaucoup plus négativement que s’il était livré oralement.

3- Se mettre dans la peau de l’autre

«Un des dangers de la communication à distance, c'est qu'on oublie que nous ne vivons pas nécessairement la même réalité en même temps», souligne Jennifer Gabriele. Ainsi, certaines personnes vont s'attendre à recevoir une réponse automatiquement à leur message sans savoir que l'autre est peut-être en rencontre ou encore plongé dans une tâche demandant une grande concentration. Se mettre dans la peau de l’autre facilite donc la communication, tout en aidant à gérer les attentes de tout un chacun, pense-t-elle. «Il faut aussi être clair dans ses intentions, en ajoutant du contexte, et ne pas présumer que son collègue est sur la même longueur d’onde que nous alors que ce n’est pas le cas.»

4- Clarifier les attentes

Dans quel délai doit-on répondre aux courriels, à la messagerie? Avec qui doit-on communiquer – et de quelle manière – quand une urgence se produit? Est-ce qu’on concentre ses échanges sur un seul canal ou sur plusieurs? Dans quels cas utiliser l’un ou l’autre? Pour éviter les frustrations, Jennifer Gabriele suggère de s’entendre avec ses collègues sur un modus operandi.

5- Bâtir une relation réelle

«On communique mieux avec les gens qui nous sont familiers, affirme Éric Brunelle. Ce qui est important n'est pas tant ce que je vais dire, mais ce que l'autre va comprendre. Cette analyse sera teintée par différentes choses et non pas seulement par les mots. Or, quand on connaît bien une personne, on va plus facilement interpréter son message. Est-ce qu'elle est en train de me faire une blague ou de me lancer des tomates?» L’idéal est donc de créer des occasions de rencontres entre les gens – si possible, en face à face – pour que cette complicité puisse se construire.

6- Établir les règles du jeu

Pour rendre les réunions à distance plus efficaces, Louise Lachapelle propose d’établir des règles du jeu très claires pour que tout le monde participe de la même façon. «Pourquoi un gestionnaire n'écrirait-il pas, en quelques paragraphes, un code de vie virtuel? C’est l’occasion de rappeler les consignes, par exemple, assurez-vous de porter un casque si votre son est déficient, installez-vous dans une pièce bien éclairée, sinon dotez-vous d’une pince lumineuse, soyez à l’heure et ouvrez vos caméras», explique la coach et formatrice professionnelle qui enseigne notamment à l’École des dirigeants de HEC Montréal. Être clair sur ses intentions, comme résoudre un problème ou partager de nouvelles règles, permet aussi de se concentrer sur ses objectifs. Dans tous les cas, une bonne préparation est donc de mise, résume-t-elle.

7- Ne pas ratisser pas trop large

Comme il n’y a pas de limites au virtuel, il peut nous pousser l’envie de multiplier les invitations aux réunions. Toutefois, au-delà de 5 à 8, les invités seront moins enclins à participer, du moins de façon proactive, soutient Jennifer Gabriele. Pour connaître l’opinion des plus timides, il est possible de les inciter à utiliser l’outil de clavardage, conseille-t-elle. Les gestionnaires peuvent aussi demander directement l'avis à certaines personnes, ajoute Louise Lachapelle. «C’est important de solliciter la participation de tous, d’éviter que certains ne soient invisibles.»

8- Laisser place à l’informel

En organisant une réunion virtuelle, on peut avoir la pression de remplir chaque minute. Jennifer Gabriele suggère plutôt de laisser aux participants un moment pour souffler. Ce temps de battement permet aussi d’avoir une place pour les conversations informelles, nécessaires à la création de liens. De la même manière, elle propose de garder quelques minutes à la fin de la rencontre pour en résumer les principaux points, histoire d’intégrer le contenu. «L’idéal, c’est de terminer la réunion quelques minutes à l’avance, pour que les participants puissent prendre une pause avec la prochaine», souligne-t-elle.

9- Être bref

En présentiel, tout le monde écoute poliment quand une intervention s’allonge. À l’inverse, en mode virtuel, il est très tentant d’arrêter discrètement d’être attentif pour prendre ses courriels, écrire un message, naviguer sur le Web, avertit Louise Lachapelle. «C’est important d’avoir un message clair, synthétisé, qui sera aussi retenu beaucoup plus facilement.»

10- Provoquer les occasions

«Avec le travail à distance, on a réalisé que les gestionnaires étaient bons pour maintenir les liens forts dans leur équipe, chez les employés qui collaborent régulièrement», explique Éric Brunelle. Ce sont plutôt les relations avec des professionnels qui ne font pas partie de son quotidien qui sont plus difficiles à tisser. Il y a toutefois des façons de mélanger les collaborateurs qui, autrement, feraient connaissance à la cafétéria, note Jennifer Gabriele. «On pourrait organiser des rencontres virtuelles entre des équipes qui ne travaillent pas ensemble et les inviter à collaborer sur un projet, par exemple, ou jumeler une personne récemment embauchée avec un employé d’expérience.» Bref, il est possible de briser des silos!