L’équilibre au travail, une simple question de gestion du temps? Pas seulement, selon les spécialistes. Pour éviter de se sentir comme un funambule sur un fil de fer, il vaut mieux apprendre à établir ses priorités et à mettre son énergie au bon endroit.

L’équilibre de vie, c’est «le fait de se sentir en mesure d’accorder la priorité et le temps qu’on souhaite aux différentes sphères de sa vie, comme le fait d’être une mère, une travailleuse, une associée, une amie, une conjointe», explique Julie Carignan, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA), psychologue organisationnelle et associée à Humance.

Cet équilibre fluctue en fonction de la personne, du stade de sa vie, de son travail et des changements dans sa vie personnelle ou professionnelle. C’est pourquoi Yarledis Coneo, CRHA, compare le tout à une partition de musique où chaque note représente un des rôles de sa vie. «Parfois, il y a des notes qui se répètent, d’autres qui sont plus douces ou d’autres qui prennent toute la place. Il peut aussi y avoir des moments de silence ou des instants de cacophonie. On est en quelque sorte le chef d’orchestre et on doit trouver l’harmonie qui nous convient», illustre la responsable du centre d’expertise Concilivi, spécialisé en conciliation famille-travail.

Revenir à l’essentiel

Pour éviter les dissonances, il faut donc se mettre au diapason de ses objectifs, comme le conseillent les deux expertes. «On est souvent dans un contexte où la charge de travail dépasse ses propres capacités, dans toutes les sphères de sa vie. C’est pourquoi il faut établir ses priorités et faire des choix, sans se culpabiliser», fait valoir Julie Carignan. Or, dans le feu de l’action, peu de gens prennent le recul nécessaire pour réfléchir à ce qu’ils désirent réellement accomplir.

Cet exercice permet pourtant de faire des choix conscients et éclairés, de l’avis de Jean-François Bertholet, CRHA, chargé de cours à HEC Montréal et consultant en développement organisationnel. Par exemple, veut-on écrire un livre? Peut-être faudra-t-il dans ce cas reporter l’idée de s’inscrire à des cours de perfectionnement… S’impliquer dans un nouveau projet? On aura alors moins de temps pour ses activités bénévoles. «Le fait de se rappeler ses intentions nous guide quand vient le temps de prendre des décisions personnelles; il faut revenir à cela, sinon les autres le feront pour soi. Cela signifie aussi qu’il faut parfois renoncer à certaines activités et apprendre à dire non. C'est tout un défi!»

Yarledis Coneo suggère d’élargir cette réflexion à ses valeurs et d’identifier comment elles s’incarnent au quotidien. La spécialiste donne l’exemple d’une gestionnaire qui avait mis sa santé en tête de liste : «Elle ne prévoyait aucune rencontre entre midi et 1 h. Elle prenait le temps de manger, sans rester derrière son ordinateur, et de sortir marcher une quinzaine de minutes.» D’autres, comme l’a fait Julie Carignan, pourraient s’accorder une pause de 16 h à 20 h pour s’occuper de leurs enfants et reprendre le collier en soirée.

Bien se connaître

Pour éviter de s’épuiser – ou de se démotiver –, il faut aussi respecter son propre rythme, selon Julie Carignan : «Dans quel contexte suis-je à mon avantage? Par exemple, il y a des sprinteurs et des marathoniens, et c’est important de me connaître pour comprendre de quoi j’ai besoin. Est-ce de la régularité ou de la flexibilité? Chaque personne est unique; il s’agit donc trouver la bonne formule pour soi.»

De la même manière, certaines tâches auront tendance à nous donner de l’énergie, tandis que d’autres puiseront plutôt dans nos réserves, d’après les observations de la psychologue. «Il faut tenter de respecter la règle du "60-40", c’est-à-dire que le travail soit composé d’une majorité de tâches qui nous alimentent», souligne-t-elle. Si ce n’est pas le cas, elle conseille de déléguer à d’autres collègues certaines parties du travail.

Les gestionnaires ont donc un rôle important à jouer pour offrir à l’employé la latitude nécessaire pour gérer ses occupations et son horaire, en facilitant la collaboration et l’autonomie. «Je suggère d’avoir des conversations régulières avec les membres de son équipe pour vérifier s’ils sont surchargés, s’ils doivent repousser certains dossiers, propose Jean-François Bertholet. Un peu comme une équipe sportive, on peut aussi répartir le travail en fonction des forces et des talents de chacun.»

De l’importance de prendre des pauses

Pour être performant, il faut aussi recharger ses batteries. «Si on dépasse ses limites, le corps finira par nous le faire savoir, rappelle Yarledis Coneo. Et si on étire trop l’élastique, la facture peut être très salée.» La spécialiste propose d’ailleurs de se préparer un «"kit" personnel d’énergie», au moyen duquel la personne note les moyens qui lui permettent de récupérer. «Ça peut être d'appeler un ami, d’écouter une liste de chansons qu’on aime, d’aller marcher au bord du fleuve…»

Ainsi, il faut prévoir des moments de pause et les respecter, une responsabilité qui ne repose pas uniquement sur les épaules des travailleurs. «Cela devrait être une priorité pour les organisations. D’ailleurs, certaines d’entre elles ont décidé de rendre les vacances obligatoires : elles limitent le nombre de jours de congé qu’on peut reporter à l’année suivante. Cela envoie un message très fort comme quoi on encourage les travailleurs à se reposer, que c’est important», indique Yarledis Coneo. Toutes les mesures qui permettent de concilier vie personnelle et vie professionnelle vont aussi dans ce sens.

Si on sent qu’on perd pied, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, selon le conseil de Julie Carignan, que ce soit auprès de son gestionnaire, d’un collègue ou d’un proche : «Il ne s’agit pas de se poser en victime, mais d’expliquer qu’on ressent un déséquilibre et qu’on cherche des solutions.» Plusieurs personnes se tourneront aussi vers un coach pour y voir plus clair. Bref, il ne faut pas attendre d’être submergé pour faire contrepoids!