La crise sanitaire a causé un véritable tsunami dans l’économie mondiale. Beaucoup d’entreprises y ont perdu des plumes et plusieurs ont même dû fermer leurs portes. Dans un tel contexte, comment les start-up ont-elles vécu cette période de turbulences? Étonnamment, nombre d’entre elles ont fait preuve de résilience.

Les jeunes pousses sont-elles adéquatement outillées pour traverser les crises? Et, si oui, quelles sont celles qui réussiront le mieux à se positionner dans un marché en pleine transformation? On peut en effet se demander si les start-up – qui par définition sont en démarrage, dont l’équipe de direction est réduite et pas toujours expérimentée – sont en mesure d’affronter d’intenses perturbations. À cet égard, la pandémie a constitué un véritable test qui a permis d’évaluer en temps réel leurs capacités à surmonter l’adversité.

Des zones de fragilité

Dans le cadre de l’étude[1] que nous avons menée, nous avons recueilli pendant deux ans des données auprès de 65 start-up travaillant dans le domaine des technologies de l’information. Au sein de ces organisations établies en Ontario, principalement à Toronto et à Waterloo, dans la «Silicon Valley» canadienne, 111 gestionnaires ont été interrogés. Nous avions amorcé cette enquête avant que la COVID-19 ne fasse irruption dans nos vies, et lorsque celle-ci a frappé, nous avons décidé d’évaluer les répercussions de la pandémie sur ces organisations.

Nous avons choisi d’analyser les start-up parce qu’elles semblent, à première vue, plus à risque de subir les contrecoups d’événements perturbateurs externes, leurs bases étant encore fragiles. Bien sûr, elles proposent des produits innovateurs, mais parallèlement, elles ne savent pas toujours comment les positionner sur le marché ni comment les vendre. Il s’agit aussi de très petites structures, composées généralement de cinq à dix personnes. Leurs dirigeants, peu nombreux, doivent endosser des rôles variés.

Dans nos travaux, nous souhaitions vérifier si les jeunes pousses pouvaient survivre à la tempête et, le cas échéant, réussir à engendrer de bons résultats malgré un environnement d’affaires défavorable. Nous voulions également vérifier l’hypothèse selon laquelle les entreprises résilientes performaient mieux que les autres. Enfin, lorsque nous constations que certaines entreprises manifestaient de la résilience organisationnelle, nous avons cherché à identifier les facteurs qui avaient contribué à la faire émerger. Les résultats obtenus ouvrent d’intéressantes perspectives et des pistes d’actions concrètes.

Résilience

Favoriser la résilience organisationnelle

Mais d’abord, qu’est-ce que la résilience organisationnelle? Il s’agit du processus permettant à une entreprise d’atteindre un nouvel état d’équilibre après avoir vécu un changement majeur. En d’autres termes, c’est sa capacité à relever un défi considérable et à rebondir en situation de stress intense.

Concrètement, la résilience peut être développée en tirant profit de toutes les forces psychologiques du capital humain de l’entreprise, c’est-à- dire la capacité des individus à s’adapter et à affronter les écueils. Il faut donc avoir recours tant aux qualités individuelles que collectives pour réussir à surmonter une crise. D’ailleurs, les gestionnaires ont un rôle important à jouer, car leur attitude et leurs comportements auront des répercussions sur la résilience de l’entreprise.

Mais ce n’est pas tout. Il doit exister une coordination et une réelle coopération entre les différents services de l’entreprise (par exemple, la R-D, le marketing et les ventes). Or, ces deux conditions ne sont pas toujours au rendez-vous. Dans une start-up, la créativité et l’innovation sont à l’honneur, mais l’arrimage avec le service du marketing et celui des ventes n’est pas nécessairement optimal. Ce sont pourtant ceux-ci qui aideront à bien positionner le produit sur le marché et à le vendre. Dans le domaine du B2B, particulièrement, la rétroaction du personnel de vente est primordiale, puisque c’est lui qui sert de courroie de transmission entre les clients et l’entreprise. Ces personnes ont un lien direct avec le marché et peuvent donc influer sur le potentiel des ventes.

Il importe également de partager de l’information liée à sa sphère d’activité, notamment sur la concurrence et les technologies. C’est pourquoi les différents services de l’entreprise doivent travailler main dans la main afin d’établir les priorités et de prendre des décisions stratégiques.

De fait, la synergie créée entre les différents services de l’entreprise se révèle être un atout incontournable pour assurer la résilience organisationnelle. Seules une collaboration active et une rétroaction efficace permettront d’atteindre un objectif organisationnel commun. Là encore, les gestionnaires ont une mission essentielle à accomplir : cultiver un climat de confiance et mettre en place un environnement qui encourage la coopération.

Au bout du compte, lorsque ces conditions sont réunies et que l’organisation est en mesure de faire preuve de résilience, les performances de celle-ci sont améliorées, même en temps de crise. En effet, malgré l’adversité, malgré l’incertitude et le changement du marché, l’entreprise sait s’adapter, conserver sa clientèle et continuer à générer des revenus. D’ailleurs, rappelons qu’il est plus simple et moins coûteux de retenir ses clients que d’aller en chercher de nouveaux – un facteur déterminant en période de turbulences.

Des pistes concrètes pour les gestionnaires

Pour amener les employés et l’organisation sur la voie de la résilience et favoriser l’intégration des différents services, les gestionnaires constituent un maillon indispensable. Afin qu’une entreprise soit résiliente, nous serions tentés de croire qu’il suffit de recruter des employés qui le sont également. Or, ces perles rares ne sont pas si faciles à dénicher. Même si, au cours d’une entrevue d’embauche, nous demandions aux candidats comment ils réagiraient dans telle ou telle situation, il est évidemment peu probable que nous réussissions à reproduire un scénario représentatif d’une crise ou des perturbations comme celles que nous avons connues lors de la pandémie de COVID-19.

Par conséquent, la meilleure option consiste à bâtir sur les ressources dont l’entreprise dispose déjà. Mais comment procéder? Qu’il s’agisse de comportements éthiques ou de résilience, l’exemple vient généralement du sommet : c’est la haute direction qui donne le ton. Les gestionnaires doivent donc afficher une attitude positive et créer un environnement propice à la collaboration, démontrant ainsi aux employés qu’il est possible de traverser ensemble les épreuves.

Pour cela, ils doivent aussi mettre à la disposition de leurs employés tous les outils nécessaires et soutenir la synergie entre les différents services de l’entreprise. Attention, toutefois, à ne pas tenir la coopération pour acquise, car c’est rarement le cas. Vaut mieux s’assurer qu’elle existe réellement.

La pandémie nous a forcés à nous adapter. Les entreprises qui ont survécu à cette crise sont celles qui ont fait preuve de résilience et de coopération à l’interne. Cette règle était aussi valable pour les start-up, et plusieurs ont démontré leur aptitude à rebondir. Leurs habiletés les aideront assurément à relever d’autres défis, qui ne manqueront pas de se présenter.

Quelques données sur les start-up ayant participé à l’enquête

Âge moyen des entreprises

6,5 ans

Nombre moyen d’employés

32 employés

Type d’activités

  • Matériel informatique (hardware) : 9% Logiciels et applications (software) : 26%
  • Matériel informatique, logiciels et applications : 28%
  • Logiciel en tant que service (software as service ou SaaS) : 28%
  • Place de marché en ligne (marketplace) : 9%

Sexe des membres de l’équipe de direction

Féminin : 21%

Masculin : 79%

Âge des membres de l’équipe de direction

Moins de 35 ans : 33%

35-44 ans : 28%

45 ans et plus : 39%

Formation des membres de l’équipe de direction

Génie, logiciels ou autres secteurs techniques : 42%

Gestion des affaires : 38%

Autres : 20%

Article publié dans l'édition Été 2022 de Gestion


Référence

[1] Anwar, A., Coviello, N., et Rouziou, M., «Weathering a crisis: A multi-level analysis of resilience in young ventures» (article en ligne), Entrepreneurship Theory and Practice, septembre 2021, p. 1-29.