Décrocher du travail et se ressourcer sont incontournables pour demeurer à la fois motivé, productif et garder une bonne santé mentale. Conseils pratiques pour que cela ne reste pas qu’un vœu pieux.

Tous les experts le disent : pour inciter les équipes à décrocher du travail, il est indispensable que l’organisation envoie un signal fort et qui vient d’en haut. Cette réalité, on l’a bien comprise chez Normandin Beaudry, une firme d’actuariat-conseil et rémunération globale. «À cause de la pandémie, nos banques de vacances ne se vidaient pas, parce que les gens ne pouvaient pas voyager et préféraient continuer à travailler. Dans nos messages corporatifs, nous rappelons donc constamment l’importance de prendre du repos, de garder son temps de dîner pour aller marcher par exemple, et nous accordons également des journées supplémentaires de congé à certaines conditions. Nos gestionnaires prennent aussi des vacances et ils le font savoir pour donner l’exemple», illustre Sophie Lachance, associée et chef expérience. «Notre succès repose sur nos idées, et pour avoir de bonnes idées, il faut être reposé!», poursuit-elle.

Au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est, on a mis en place plusieurs mesures simples et efficaces pour permettre aux gestionnaires de décrocher. «On les invite à ne pas planifier de rencontres durant leur période de dîner, et chaque semaine, notre PDG leur envoie une invitation pour le lundi de 8 h à 10 h et le vendredi de 15 h à 17 h. Dans les faits, rien n’est prévu durant ces périodes, mais cela permet de bloquer leur agenda afin qu’ils puissent profiter de ce temps pour boucler leurs dossiers ou aller rencontrer les équipes sur le terrain», explique Vicky Lavoie, directrice des ressources humaines, des communications et des affaires juridiques au CISSS. Selon elle, ces balises organisationnelles misant sur une approche de santé globale permettent aussi d’être plus attractif aux yeux des candidats quand le CISSS affiche des postes à pourvoir.

Envoyer le bon message

Si ces deux organisations font partie des «bons élèves» en la matière, d’autres le sont moins ou envoient des injonctions paradoxales. «L’entreprise invite ses employés à prendre du temps pour eux, mais du même souffle, elle leur rappelle qu’il faut malgré tout atteindre certains objectifs de performance», remarque Émilie Genin, professeure agrégée à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal. Pourtant, un travailleur qui ne récupère pas sera moins performant, et un gestionnaire épuisé pourrait aussi devenir toxique pour son équipe.

Alors, comment trouver le juste équilibre? Tout d’abord, s’intéresser sincèrement aux autres et ne pas toujours leur parler de travail. «Le gestionnaire doit non seulement être un modèle et un ambassadeur, mais aussi quelqu’un qui s’informe sur la façon dont les membres de son équipe rechargent leurs batteries et sur ce qui les aide à décrocher du travail. Il faut aussi connaître le rythme de ses gens, savoir à quel moment ils sont plus efficaces et quand ils ont besoin de prendre une pause», recommande Marie-Ève Landry, psychologue organisationnelle, consultante principale, développement des leaders et des équipes au sein de la firme-conseil Humance.

Le consultant et conférencier Mario Côté, CRHA, suggère aussi aux gestionnaires de partager des informations ou des lectures qui rappellent la nécessité de prendre soin de soi. À cet égard, on trouve de nombreuses ressources en ligne; Le Test qui fait du bien de la STM en est un bon exemple. Il permet de faire le point en moins de cinq minutes et d’obtenir une foule de conseils.

Des trucs pour se ressourcer

Outre une culture corporative qui donne le droit à ses employés de décrocher et qui leur fournit des outils pour le faire, on doit aussi se prendre en main sur un plan individuel. Comme le souligne Marie-Ève Landry, l’être humain est composé de différentes dimensions – sociale, affective, physique, mentale – qui doivent toutes être nourries pour pouvoir maintenir l’équilibre. «Bien souvent, on confond sommeil et repos; or, on peut dormir huit heures par nuit sans que cela soit suffisant pour réellement faire le plein et se ressourcer. Décrocher véritablement signifie qu’on recharge ses batteries en se ressourçant, et cela se produit lorsque l’on alimente l’ensemble de nos sphères», soutient-elle.

Selon elle, la première étape consiste à mener une réflexion préalable sur la façon dont on est sollicité au travail. Est-ce qu’au niveau social, on enseigne, on anime des groupes, on travaille en aire ouverte, etc.? Dans ce cas, s’accorder des moments de solitude peut être une bonne façon de réduire la surcharge sociale. «Si on œuvre surtout en résolution de problèmes ou que notre capacité d’analyse est fortement sollicitée, on misera plutôt sur des stratégies de détente mentale ou on effectuera des tâches à faible complexité qui nous changent les idées», explique-t-elle.

Deuxième étape : aller jouer dehors! Marcher, courir, faire des exercices de respiration, etc. «Le corps est dans le moment présent et, par conséquent, nous y ramène. Cela aide à réduire le stress», précise la psychologue organisationnelle. Enfin, pour éviter la surchauffe et l’hyperactivité du cerveau, la méditation est une bonne option, mais pas toujours facile à maîtriser. On fait souvent l’erreur de tenter d’arrêter de penser, mais même lorsqu’on ne fait rien, notre cerveau, lui, demeure actif. Ainsi, en lieu et place, détournez plutôt votre attention en réalisant une activité que vous aimez : bricolage, jardinage, etc.

Pour Émilie Genin, les travailleurs qui accomplissent des tâches répétitives pourront mieux reconstituer leurs ressources par le biais d’activités qui leur donnent un sentiment de reprise de contrôle. «Bricoler ou faire un potager par exemple, car on peut également voir le résultat de son travail», note-t-elle. En revanche, un gestionnaire qui est toujours dans le décisionnel pourrait être bien avisé de pratiquer le détachement en faisant quelque chose qui permet de ne plus penser au travail, du vélo par exemple. Enfin, les occasions de socialisation permettent aussi de se ressourcer. C’est sans doute aussi pour cela que cette période de distanciation sociale est si difficile à vivre…