Même si le leadership est habituellement associé aux postes reliés à la gestion, les deux ne font pas forcément la paire. Qui sont ces leaders informels et quelle influence peuvent-ils avoir dans une organisation?

«Le titre ne fait pas le leadership!», annonce d’entrée de jeu Pénélope Codello, professeure agrégée au Département de marketing de HEC Montréal. En fait, on peut retrouver des leaders partout et à tous les échelons. C’est pourquoi on aurait tort de croire qu’ils occupent obligatoirement un poste de gestionnaire… ni qu’un gestionnaire possède nécessairement les qualités d’un leader.

Qui sont ces leaders informels, mais surtout, comment les repérer et les mettre en valeur?

Des leaders qui gagnent à être connus

Selon Penelope Codello, deux dimensions sont à considérer dans le profil des leaders moins visibles : le savoir-faire professionnel et le savoir-être. Autrement dit, quelqu’un qui excelle dans son champ d’activité ou encore qui a de bonnes habiletés relationnelles. «Ils ont un impact sur leur environnement, ils sont capables d’avoir une influence et on a envie de les suivre», précise-t-elle.

Un avis que partage Julie Carignan, psychologue organisationnelle, CRHA et associée chez Humance, qui ajoute : «Le leadership informel part de la prémisse qu’il nous est accordé par les autres. On gagne le respect de nos collègues en raison de nos comportements, postures et contributions.»

Souvent bons joueurs d’équipe, rassembleurs et respectés par leurs pairs, ces leaders informels devraient être identifiés. «Mais cela nécessite une bonne dose d’humilité de la part du gestionnaire. Certains leaders peuvent d’ailleurs quitter l’entreprise sans jamais avoir été reconnus. Dans d’autres cas, ils sont difficiles à repérer, parce qu’ils préfèrent se montrer discrets et ne sont pas à l’aise avec l’idée de faire leur propre promotion», indique Pénélope Codello.

Pour les détecter, on peut toutefois effectuer des observations durant les rencontres de groupe. «Les participants les écoutent quand ils parlent, on sollicite leur avis. Ils sont aussi fréquemment nommés dans les conversations, on pense à eux lorsqu’il s’agit de siéger à un comité, etc.», détaille Julie Carignan.

Un allié pour le gestionnaire

Parce qu’ils peuvent constituer un allié de poids pour le gestionnaire, ce dernier gagne donc à les identifier et à leur donner la reconnaissance qu’ils méritent. «Ils sont d’autant plus précieux qu’aujourd’hui, les entreprises sont vivantes et évoluent rapidement. Les équipes se font et se défont, au fil des projets qui leur sont confiés. Les leaders informels passent de l’une à l’autre. De plus, leur soutien peut faciliter et accélérer l’adhésion à des changements pour lesquels la ligne de gestion formelle ne suffit pas», mentionne la psychologue organisationnelle. Dans les situations délicates, avoir le leader informel de son côté est donc un avantage, puisqu’il est susceptible d’influencer ses collègues de travail.

Ils ont aussi une action bénéfique sur la cohésion des équipes et peuvent agir comme des mentors informels. Certains vont aussi proposer des idées innovantes et voudront faire bouger les choses. Un atout pour les entreprises qui veulent garder une longueur d’avance sur la concurrence.

L’importance de la reconnaissance

Pour qu’ils continuent à jouer leur rôle de leader informel, leur donner de la reconnaissance est crucial. «Les gens ont besoin d’avoir une certaine influence sur ce qu’ils font, et si on ne les nourrit pas en ce sens, la source va finir par s’assécher», remarque Pénélope Codello. C’est pourquoi le gestionnaire ne devrait pas hésiter à leur confier la gestion d’une équipe ou de dossiers plus complexes par exemple, ce qui leur conférera davantage d’autonomie et leur offrira la possibilité d’atteindre leur plein potentiel.

Mais d’autres ne carburent pas aux défis ni à la visibilité. Il faudra dès lors moduler les formes de reconnaissance et trouver une façon de valoriser leur apport autrement. «Cela peut être par le biais de l’évaluation annuelle, ou encore en leur attribuant un statut d’expert dans un domaine particulier», suggère la professeure. On peut aussi leur demander conseil, ce qui est une autre façon de valider et de souligner leur apport.

Julie Carignan confirme que le gestionnaire doit prendre le temps de donner de la rétroaction positive à son leader informel. «Or, certains ont plutôt le réflexe de ne rien dire, prétextant que la personne ‘’risque de s’enfler la tête’’… C’est une erreur, et ce faisant, on risque plutôt d’étouffer sa motivation», explique-t-elle. 

Elle prévient aussi que tous les leaders informels ne veulent pas nécessairement être propulsés au rang de leader formel ni se retrouver sur le devant de la scène. «Il est possible de faire évoluer un employé qui a un talent naturel s’il le souhaite. Mais il faut se rappeler que d’autres préfèrent rester en retrait, car ils ne veulent pas avoir à porter le poids des décisions», soulève-t-elle.