La période estivale est propice au réaménagement du temps de travail. Pour accommoder les vacances annuelles ou, dépendant des secteurs, préparer la rentrée d’automne. Comment la mettre en place de manière bénéfique pour l’organisation et les employés?

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) levait, le 5 mai dernier, son plus haut niveau d’alerte sur la pandémie de COVID-19. Une annonce qui marque la reprise, pour beaucoup de Québécois, des voyages internationaux cet été. Et qui symboliquement marque peut-être aussi, dans les esprits, la fin de plusieurs années éprouvantes.

«Les Québécois ont besoin de se reposer, puis de se refaire, et les gestionnaires aussi. La sagesse commande d'offrir de la flexibilité en été aux employés en rappelant que l’impératif est de satisfaire la clientèle», souligne Estelle Morin, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal. Un impératif qui implique pour l’entreprise d’adapter cette flexibilité à la nature de ses services, notamment selon qu’ils soient – ou non – essentiels.

S’adapter aux besoins de l’industrie

Pour répondre aux besoins de flexibilité estivale de leurs équipes, plusieurs possibilités s’offrent aux employeurs : la réduction des horaires ou encore l’augmentation des journées en télétravail. «La première option est la plus intéressante pour les employés», croit Ariane Ollier-Malaterre, professeure et directrice du groupe de recherche International Network on Technology, Work and Family de l’ESG UQAM. La chercheuse estime par ailleurs que les secteurs ne pouvant offrir aucune de ces solutions à leurs employés gardent souvent une marge de flexibilité : «Dans la restauration, l’hôtellerie ou les commerces tels que les glaceries, il y a la possibilité d’offrir des changements de shifts ou d’horaires de travail, notamment parce que le secteur bénéficie d’une bonne partie de la main-d'œuvre.»

Pour les entreprises qui peuvent se le permettre, les horaires «à la carte» reposant sur une gestion des employés par objectifs plutôt que sur une base horaire fonctionnent particulièrement bien, juge Annie Boilard, présidente du Réseau Annie RH et gestionnaire d’équipe et d’entreprise : «On donne aux employés des objectifs auxquels ils répondent à leur guise : en travaillant 48 h lundi et mardi et en prenant le reste de leur semaine, en travaillant la fin de semaine ou encore la nuit, si c’est ce qui leur convient.»

Miser sur l’intelligence collective

Cette approche requiert toutefois un travail de la part des gestionnaires qui doivent, eux aussi, apprendre à gérer leurs équipes par objectif, soutient l’entrepreneure : «Cela nécessite de créer un lien de confiance avec les employés, de comprendre les éléments essentiels de leur travail, et de partager avec eux des objectifs réalistes et stimulants.»

Il s’agit aussi pour les gestionnaires de croire en l’intelligence collective des équipes à l’heure d’aménager les horaires d’été, estime Estelle Morin : «Les gestionnaires ont tendance à prendre sur eux la responsabilité de trouver une solution uniforme. Mais ces solutions ne sont pas nécessairement équitables, et la manière de les prendre n'est pas forcément juste», affirme la professeure, qui croit en la force des décisions consultatives : «Si une personne prend un engagement en public, les probabilités qu’elle aille le respecter sont bonnes.»

À un niveau pratique, les gestionnaires peuvent mettre en place des stratégies pour aider les employés à atteindre les objectifs à l'intérieur d’horaires aménagés, notamment en levant le pied sur la fréquence des réunions, explique Ariane Ollier-Malaterre : «C'est une très bonne idée pour augmenter la productivité, car les recherches montrent que, tous secteurs confondus, on en fait beaucoup trop.» Une approche qu’il serait bon d’appliquer aux discussions en ligne et par courriel, juge l’enseignante : «Bien souvent, on n'a pas besoin de mettre toutes les équipes en copie. Penser la diffusion de l’information de manière stratégique permet de ne pas encombrer les autres.»

Délimiter travail et vie personnelle

Les employés, eux, doivent être conscients que la flexibilité estivale est un privilège qui se déploie aux conditions de l'employeur et peut inclure des clauses d’exclusion, affirme Annie Boilard : «Pour en bénéficier, ils doivent s'assurer d'avoir un rendement adéquat et de rencontrer, voire de surpasser les attentes de leur employeur.»

Un engagement qui ne doit toutefois pas verser dans l’excès de travail, souligne Ariane Ollier-Malaterre : «Si la flexibilité qu'on vous offre est de réduire les heures, le piège va être de gérer une charge de travail trop importante. Et si la flexibilité offerte est le télétravail, le gros enjeu va être de gérer les frontières entre vie personnelle et professionnelle.»

Car selon les secteurs, le travail peut s’immiscer dans le temps personnel, y compris en été : «Dans les emplois de bureau, il n’est pas rare que les gens partent en vacances avec leur portable, puis travaillent à distance», observe Estelle Morin, qui insiste sur l’importance pour le bien-être des travailleurs qu’ils se déconnectent de leur travail sur leur temps personnel.

Un avis que partage Ariane Ollier-Malaterre : «Réguler le numérique, c'est vraiment une compétence clé pour les employés comme pour les gestionnaires au XXIe siècle.»