Article publié dans l'édition Été 2014 de Gestion

L’univers de l’aviation nous touche tous. Chaque minute, des millions de personnes montent dans des appareils que d’innombrables personnes s’affairent à rendre efficaces, sûrs et ponctuels.

Chaque minute, des avions décollent quelque part dans le monde et sillonnent les cieux sur des routes tracées conformément à des ententes multilatérales où interviennent gouvernements, compagnies aériennes, agences de navigation, agences de sécurité et organismes de réglementation, dont le simple voyageur ne soupçonne pas l’ampleur.


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Chaque minute, des passagers achètent sur Internet, ou dans des agences de voyages, des billets uniques qu’ils règlent en un seul paiement. Selon leur destination, ils peuvent faire des correspondances d’une ville à une autre, d’un pays à un autre et d’une compagnie aérienne à une autre, sans avoir à racheter de nouveaux billets chaque fois. Derrière ce foisonnement d’activités de surface se cache un univers complexe, qu’il faut gérer serré, dans lequel Pierre Jeanniot a été appelé à jouer un rôle cardinal.

Une jeunesse de débrouille

Né à Montpellier, en France, Pierre Jeanniot a grandi en Éthiopie, où son père français était directeur de la Compagnie de chemin de fer franco-éthiopien, puis en France, où sa famille a dû se réfugier à l’approche de la Deuxième Guerre mondiale1. Jeune adolescent dans le Jura occupé par les Allemands, il a appris à survivre en temps de disette. En compagnie de sa mère et de son grand-père, il écoutait le soir, à la radio clandestine, les émissions provenant d’Angleterre qui émettaient les vibrants appels du général de Gaulle et les messages codés à l’intention des résistants du maquis.

À 14 ans, après un long périple de 48 heures consécutives en avion à hélices, exténué et nauséeux, il atterrissait à Montréal, une ville qu’il fera sienne. Globe-trotter malgré lui, il avait suivi ses parents, puis seulement sa mère, mariée et divorcée deux fois de son père ! Ils se déplaçaient en train, en avion, en bateau ou à pied, selon les aléas de leur vie commune ou séparée…

Comme jeune étudiant à Montréal, il a dû se débrouiller pour se procurer de l’argent de poche, car sa mère, dont le nouvel emploi d’enseignante dans un collège privé français comprenait le gîte et le couvert, l’avait mis en pension dans une famille québécoise. Elle lui accordait une allocation juste assez suffisante pour combler ses besoins vitaux, sans superflu, confiante qu’il saurait s’organiser pour le reste. Elle avait raison.

Débrouillard et alerte, il a déniché des emplois de fortune, s’adaptant rapidement à son nouveau milieu d’adoption. Il a quitté un lycée laïc français pour entrer à l’École supérieure Saint-Henri, située dans un quartier beaucoup plus modeste, où son accent français et son esprit critique lui attiraient les sarcasmes de ses enseignants religieux et les sobriquets de ses camarades de classe. Surnommé Kid Voltaire, il y a appris à se défendre avec les armes puissantes de l’humour et du charme.

La boîte noire

Son diplôme secondaire en poche, il est engagé chez Northern Electric, puis chez Sperry Gyroscope Canada où il développe un intérêt pour l’électronique. Commence alors une longue période où il travaille le jour et étudie le soir, car il a l’ambition d’obtenir une formation universitaire. Un concours de circonstances l’amène à accepter un emploi de technicien chez Trans-Canada Airlines, ancêtre d’Air Canada. Il se découvre une passion pour l’aviation.

Tout en travaillant à l’entretien des appareils, il poursuit ses études et finit par obtenir un diplôme en mathématiques de l’Université Concordia, alors le seul établissement universitaire montréalais à accorder des grades supérieurs à des étudiants à temps partiel. À force de travail, d’études et d’apprentissage de l’anglais, il maîtrise une nouvelle discipline, la recherche opérationnelle, grâce à laquelle il se fera un nom auprès de ses collègues et supérieurs de ce qui est devenu entre-temps Air Canada.

À la suite du terrible écrasement du DC-8F, survenu en novembre 1963 à Sainte-Thérèse, il est déterminé à trouver une façon qui permettrait au service d’entretien, dont il est maintenant responsable, de découvrir les causes d’une telle tragédie. À partir d’un appareil sommaire qui servait à enregistrer quelques données de vol pour son entretien, et qui disparaissait dans les catastrophes, il mettra au point, avec son équipe de techniciens qu’il a mobilisés dans son projet, la célèbre boîte noire, capable d’emmagasiner plus de 2 000 paramètres, de survivre aux pires secousses et d’émettre des signaux. On la retrouve aujourd’hui dans tous les appareils. Elle constitue, comme on sait, un élément clé dans les enquêtes sur les causes d’écrasements d’avions.

Au sommet d’Air Canada

Fort de cette réalisation remarquable qui fait de son employeur un précurseur en matière de sécurité aérienne, Pierre Jeanniot attire l’attention. On pense maintenant à lui lorsque des postes de direction se libèrent. Au risque d’hypothéquer sa carrière à Air Canada, en 1969, il prend un congé sabbatique d’un an pour participer à la fondation de l’Université du Québec en tant qu’expert en informatique. Il considérait qu’il était de son devoir de mettre ses compétences au service d’une institution d’enseignement supérieur qui permettrait désormais à des étudiants à temps partiel d’obtenir des diplômes universitaires, ce qu’il n’avait pu faire lui-même 10 ans plus tôt.

En 1995, en reconnaissance de sa contribution, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) en fera son premier chancelier. Dans l’intervalle, de retour à la société d’État, il deviendra vice-président responsable de l’Est du Canada, mais c’est surtout au Québec qu’il s’illustrera comme gestionnaire par sa délicate gestion des crises médiatiques découlant des bouleversements sociaux et politiques qui y surgissent.

Toujours sur la brèche, il opte pour un style de leadership en conformité avec ses valeurs. Il réussit à vaincre, finement et intelligemment, les résistances auxquelles il se heurtait vis- à-vis de la haute direction où les francophones étaient alors complètement absents. Il a su proposer des solutions inventives et composer avec le contexte politique explosif de l’époque, notamment la « crise des Gens de l’air », laquelle faisait les manchettes juste avant l’élection surprise du Parti québécois en 1976. Grâce à ses interventions ciblées en gestion de crise et en communication stratégique, l’image d’Air Canada n’est pas sortie ternie de ces temps troubles, au contraire.

Il montera ensuite les échelons de la hiérarchie jusqu’à devenir, en 1984, le premier (et encore le seul) président francophone d’Air Canada. Toujours à l’affût des nouvelles tendances, il met aussitôt en œuvre sa vision d’avenir. Pour lui, même si l’exploitation des routes nationales et les destinations vacances dans l’axe nord-sud demeurent rentables, la survie du transporteur dépend, à long terme, d’une plus grande ouverture à l’international. Il décèle des possibilités dans les règles régissant la répartition des espaces aériens entre pays, telles qu’elles étaient établies par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), organisme des Nations unies, et par l’Association internationale du transport aérien (IATA), deux entités ayant leur siège à Montréal. Il établit patiemment une stratégie de croissance en négociant auprès du gouvernement et des organismes de réglementation internationaux de nouvelles routes pour Air Canada vers l’Europe et l’Asie, en passant notamment au-dessus de la calotte glaciaire du pôle Nord, un espace aérien encore sous-exploité.

Une fois la table ainsi mise pour une solide croissance du transporteur canadien national, il s’engage, en 1988, dans le processus complexe de la privatisation d’Air Canada. Lorsqu’il quitte l’entreprise, deux ans plus tard, la privatisation est complétée et la rentabilité est au-rendez-vous. Il peut dire « mission accomplie ». Il est prêt à relever un défi encore plus grand. Entre-temps, il fonde Jinmag, une société-conseil en gestion et communication spécialisée dans le secteur aérien.

Aux commandes de l’IATA lors du 11 septembre

En 1992, Pierre Jeanniot se voit offrir le poste de directeur général et chef de la direction de l’IATA. Il accepte, croyant exercer un mandat de quatre ans. À cause d’une suite de circonstances exceptionnelles, il y restera 10 ans. Il occupait ce poste stratégique lors des événements tragiques du 11 septembre 2001, avec toutes les conséquences imprévues avec lesquelles il saurait composer.

En tout temps, au-dessus de l’océan Atlantique, volent plus d’un millier d’avions. Lorsque le gouvernement des États-Unis, en violation de tous les règlements et accords internationaux qui régissent la circulation aérienne autour de la planète, décréta qu’il fermait son espace aérien à la suite des événements du 11 septembre 2001, les appareils qui n’avaient pas encore atteint leur point de non-retour purent rebrousser chemin vers leurs aéroports de départ. Pour les autres qui se dirigeaient vers les États-Unis, il fallait trouver d’urgence une piste d’atterrissage. À cause de la proximité avec son voisin du Sud, le Canada devint forcément la principale terre de refuge pour ces centaines d’avions cherchant désespérément un endroit propice où se poser.

À titre de directeur général de l’IATA, Pierre Jeanniot prit l’initiative des opérations. Il se trouvait alors à Genève, au bureau administratif de l’organisme. Dans les minutes qui suivirent l’attentat contre le World Trade Center, il constitua une cellule de crise et coordonna son action auprès des compagnies aériennes avec l’agence de navigation canadienne Nav Canada, laquelle, souligne-t-il, a fait un travail remarquable dans le feu de l’action.

En effet, comme on le sait rétroactivement, on n’a eu à déplorer aucune catastrophe, puisque tous les avions déroutés vers le Canada ont trouvé un endroit où atterrir en sécurité. Quelques jours plus tard, alors que les États-Unis cédaient aux pressions de l’IATA pour qu’ils rouvrent leur espace aérien, Pierre Jeanniot alla rencontrer d’urgence les assureurs à Londres afin de négocier pour qu’ils débloquent les couvertures qu’ils avaient refusé d’accorder dans la foulée de l’attentat, mais qui étaient indispensables à la reprise des activités des compagnies aériennes qu’il représentait.

Un organisme d’influence internationale

Si Pierre Jeanniot a pu devenir en ces temps de crise un interlocuteur écouté dans les milieux diplomatiques mondiaux et auprès des grands assureurs et réassureurs londoniens, c’est qu’il avait fait de l’IATA un organisme efficace et prestigieux dont on devait tenir compte dans le cercle des décideurs d’importance internationale. Dès ses débuts à la tête de l’organisme, il y exerça, comme à Air Canada, un leadership conforme à ses valeurs. De son poste d’observation privilégié, il devina les grandes tendances qui attendaient l’aviation moderne en ce qui concerne la prévention d’accidents, la protection de l’environnement et les avancées technologiques. Il engagea son action de leader en conséquence.

Alors qu’il était mal vu pour certains dirigeants de transporteurs de parler de sécurité aérienne, il en fit rapidement une priorité. Désormais, pour être admises au sein de l’IATA, les compagnies aériennes devaient respecter un code de sécurité strict, qui est toujours en vigueur et constamment mis à jour aujourd’hui. La deuxième priorité du nouveau directeur général était d’ordre environnemental. Dans ses rapports avec les constructeurs d’appareils, les fabricants de moteurs et les compagnies aériennes, Pierre Jeanniot plaidait pour une réduction des émissions, du bruit et des déchets pouvant avoir un impact nocif sur l’environnement, à une époque où ces questions étaient encore volontairement évacuées par des acteurs du milieu.

Sa troisième priorité fut l’efficacité administrative, liée à une modernisation et à une mise à niveau informatique des systèmes de fonctionnement. Sous sa gouverne, l’IATA a adopté une culture d’entreprise radicalement différente de celle qui avait cours avant son arrivée. D’un organisme éprouvant des difficultés d’organisation, des lenteurs administratives et des problèmes de financement, Pierre Jeanniot en a fait, en quelques années, une entité axée sur les services aux membres, ce qui lui a permis d’opérer un redressement spectaculaire de son fonctionnement et de son bilan.

Au moment de quitter l’organisme, la transformation était impressionnante. La gouvernance, l’énoncé de mission, la gestion des ressources humaines, la rémunération, les communications internes et externes, et notamment l’administration, avaient tous fait l’objet de refontes majeures. L’importante chambre de compensation, qui permet aux compagnies membres d’échanger entre elles le transport des passagers lors de correspondances à travers le monde, avait été systématisée et informatisée. La culture d’entreprise avait subi un virage à 180 degrés.

Les compagnies membres avaient vu leurs frais d’adhésion passer de 25 millions de dollars en 1992 à 18 millions 10 ans plus tard, alors que les revenus de l’IATA provenant de la prestation de services étaient passés de 55 millions à plus de 300 millions de dollars. L’IATA était devenue financièrement autonome par rapport à ses membres, ce qui donnait à l’équipe de direction toute la liberté voulue pour rester au-dessus de la mêlée, lorsque les circonstances l’exigeaient.

La stratégie avant toute chose

À l’échelle internationale, alerté par les nombreux problèmes éprouvés par les membres de l’IATA avec les responsables des aéroports, il profita de l’inquiétude entourant le passage d’un millénaire à l’autre pour accélérer l’informatisation massive des activités, autant chez les compagnies aériennes que chez les autorités aéroportuaires du monde entier. Non seulement ce que l’on appelait le Y2K s’est déroulé sans anicroche, contredisant ainsi les prédictions les plus alarmistes, mais à l’insistance de l’IATA, il s’est produit une mise à niveau informatique et électronique généralisée et concertée, qui fut bénéfique à court et à long terme pour toute l’industrie aérienne.

Que ce soit à Air Canada ou à l’IATA, Pierre Jeanniot abordait les problèmes à la façon d’un stratège, une habitude qu’il dit avoir acquise dès son jeune âge, alors qu’il devait apprendre par cœur, pour sa punition, les batailles de Napoléon au lycée et qu’il en discutait, dans la France occupée de sa jeunesse, avec sa mère et son grand-père. Ce dernier, qui avait connu l’envahissement de la France par les Allemands en 1914, récriminait contre les hauts gradés militaires français qui n’avaient pas su apprendre de l’histoire et élaborer une stratégie de défense plus efficace en 1939. Son petit-fils retint la leçon de l’importance vitale d’une stratégie victorieuse.

Comme dirigeant d’entreprise, il reste aux aguets autant devant les fortes bourrasques bouleversant tout sur leur passage sans prévenir que devant les vents légers qu’il perçoit comme annonciateurs de tendances lourdes. Ainsi, sa responsabilité première consiste à insérer son action dans une stratégie à double volet : préparer l’entreprise à relever les défis imprévus à court terme en lui donnant les outils de gestion et d’administration les plus perfectionnés possible, mais aussi faire une planification dans la bonne direction à plus long terme, de façon à pouvoir affronter l’avenir et la concurrence en force.

Par rapport à la concurrence, Pierre Jeanniot a les réflexes d’un chef d’armée qui ne veut dévoiler ni ses armes, ni son plan de match, ni sa stratégie. Son but est de réagir vite afin de prendre de court son adversaire et d’occuper le terrain avant lui. Tel un joueur d’échecs, il prévoit au moins deux ou trois coups à l’avance sur l’échiquier ciblé, après avoir soigneusement placé ses pions, une aptitude qui l’a bien servi à Air Canada, par exemple, lorsqu’il s’est agi de négocier de nouvelles routes exclusives pour contrer les avancées de ses concurrents.

Il sait par ailleurs que pour mettre en place la mission annoncée, il doit pouvoir compter sur ses collaborateurs. C’est pourquoi la gestion des ressources humaines revêt tant d’importance à ses yeux. Pour arriver à changer la culture d’entreprise de l’IATA, il a eu recours à des mesures de rémunération conformes aux objectifs du service à la clientèle qu’il préconisait. Il a mis en place des programmes intensifs de formation en ce sens. Il savait mobiliser ses troupes vers une cible lointaine grâce à des communications efficaces et inspirantes, axées sur l’avenir et où rien n’était laissé au hasard.

Le changement et l’humour

Depuis sa naissance, Pierre Jeanniot a dû s’adapter au changement lié aux nombreux déplacements forcés de sa famille. Au lieu d’en être déstabilisé, il a transformé en atout le fait de devoir vivre constamment avec le changement.

En entreprise, cette habileté se manifeste dans sa façon de motiver ses collaborateurs. « Qu’est-ce que nous allons changer cette année ? » avait-il coutume de dire à ses collaborateurs qui s’assoupissaient un temps sur un rapport annuel reluisant. Pour ne pas qu’ils se reposent sur leurs lauriers, il leur lançait aussitôt de nouveaux défis.

Parfois, pour mieux stimuler la discussion, il demandait à ses principaux collaborateurs, qui étaient tous bilingues, de mener la rencontre sur un sujet en français d’abord, puis d’avoir la même discussion en anglais. Ou inversement, en anglais d’abord, en français ensuite. Le résultat était étonnant. D’autres pistes de réflexion apparaissaient, les idées fusaient en complément à ce qui avait été abordé quelques minutes plus tôt. Le passage d’une langue à l’autre et d’une manière de penser à l’autre constituait pour Pierre Jeanniot un précieux outil de gestion.

À Air Canada et à l’IATA, il était connu que Pierre Jeanniot était exigeant envers ses collaborateurs, mais il l’était avant tout pour lui-même. Après des sessions de travail intensif, sa façon habituelle de détendre l’atmosphère était d’avoir recours à l’humour. Des traits d’esprit à partir de ce qui venait d’être discuté, des plaisanteries sur l’actualité, un rien suffisait à désamorcer des points de tension et à rendre la rencontre plus agréable.

Incarner l’entreprise

Autant à Air Canada qu’à l’IATA, la gouvernance comporte des complexités avec lesquelles le PDG doit composer. À l’époque où Pierre Jeanniot dirigeait Air Canada, beau- coup d’intervenants cédaient à la tentation d’indiquer au président comment il fallait gérer la société d’État, et ils ne se gênaient pas pour le lui faire savoir : le ministre de tutelle, le président du conseil, les actionnaires, les syndicats, les investisseurs d’institutions financières, les gestionnaires de fonds de retraite, les journalistes d’affaires, et ainsi de suite. Envers et contre tous, en tant que PDG d’Air Canada, Pierre Jeanniot se plaçait au-dessus de la mêlée, en considérant avant tout les intérêts supérieurs de la compagnie. Tel un général d’armée, il voulait prendre sur ses épaules le sort de l’entreprise, l’incarner en quelque sorte.

À l’IATA, un regroupement de membres internationaux aux intérêts parfois concurrents, il lui semblait encore plus impératif que le poste de directeur général comporte une dimension d’intégration globale et qu’il soit un truchement chargé de porter, en sa personne, les intérêts des compagnies membres. Il « incarnerait » l’industrie de l’aviation civile internationale, un peu comme le général de Gaulle l’avait fait avec la France lors de la libération de 1944.

En incarnant la libération de la France, de Gaulle devenait un leader charismatique incontournable, doté d’une aura qui ne l’a jamais quitté. Pour Pierre Jeanniot, tout dirigeant en poste de commandement ou de direction doit s’investir dans un rôle, qui amplifie la portée de ses gestes et de ses paroles. Le danger avec le temps, pour ceux et celles qui exercent le pouvoir, est de confondre le rôle avec leur personne. Déjà, en étant conscient qu’il ne s’agit que d’une couronne qu’il devra déposer un jour, selon Pierre Jeanniot, le PDG fait preuve d’une lucidité et d’un recul qui seront des gages de sérénité le jour où le pouvoir d’agir lui échappera.

Traits marquants et legs

Qui est Pierre Jeanniot ? Avant tout, un stratège pragmatique, bien ancré dans la réalité de l’entreprise, mais capable de voir plus loin que les défis immédiats. Son legs ? D’abord la mise au point de la boîte noire, qui a permis de découvrir avec précision les causes des accidents et d’y remédier, ce qui a fait faire un bond de géant à l’aviation en matière de sécurité.


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Sur le plan de la gestion ? Il a encouragé l’implantation, dans toute l’industrie aérienne, d’outils à la fine pointe de la technologie et a mis l’accent sur la cohérence entre la gestion des ressources humaines et la mission de l’entreprise. Sa vision ? Habiliter l’entreprise à faire face aux imprévus inévitables dans un monde en perpétuelle évolution, tout en faisant une planification à plus long terme et en restant à l’affût des tendances porteuses. Son style de leadership ? Incarner en sa personne l’entreprise qu’il dirige de façon à motiver les employés à le suivre et à donner le meilleur d’eux-mêmes, comme il le fait lui restant fidèle à ses valeurs, envers et contre tous.


Note

1 Pour approfondir davantage la genèse du leadership de Pierre Jeanniot, voir Jacqueline Cardinal et Laurent Lapierre, Pierre Jeanniot – Aux commandes du ciel, Presses de l’Université du Québec, 2006, 456 pages. Cet ouvrage a été traduit en anglais par Donald Winkler sous le titre Taking Aviation to New Heights. A Biography of Pierre Jeanniot, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2013, 395 pages.